Critique : Le Refuge

Thomas Messias | 25 janvier 2010
Thomas Messias | 25 janvier 2010

Onzième long en autant d'années pour François Ozon, le français qui tourne plus vite que son ombre - le douzième, Potiche, serait même prêt ou presque. Depuis ses débuts à la fin du siècle dernier, Ozon s'est non seulement distingué par une certaine boulimie filmique, mais aussi et surtout par la variété des sujets et des ambiances abordés. D'où un cinéma souvent perturbant, extrêmement hétérogène de par la qualité des oeuvres, mais donnant toujours envie de voir la suite tant le cinéaste semble bouillonner sans cesse d'idées et de projets. Il a suffi de deux films, Ricky et ce Refuge, pour que la fascination créée par sa filmographie passée se mue en une affliction grandissante. On parlait plus haut de boulimie, et c'est désormais l'impression qui domine : ces temps-ci, Ozon semble faire des films pour faire des films, sans prendre le temps d'en évaluer l'intérêt et l'utilité. « Faire un film sur une femme enceinte » : c'est ce qui a, selon ses propres mots, motivé l'envie de monter ce film. Armé d'un scénario faisant deux pages - c'est encore lui qui le dit -, flanqué d'une Isabelle Carré enceinte pour de vrai, Ozon a alors pris sa caméra et est parti à l'aventure.


S'il est vrai que les films les moins écrits sont parfois les plus empreints de vérité et de sincérité, il faut savoir que ce n'est pas toujours le cas et qu'il faut quand même quelques idées, partis pris, contraintes, que sais-je encore, pour accoucher de l'oeuvre épidermique pouvant naître de cette quasi-improvisation. Si l'exposition est tétanisante et excellemment mise en scène, le reste ne consiste qu'en une succession de rencontres souvent vides de sens et d'interminables atermoiements qui au final ne débouchent sur rien. On aimerait vibrer pour cette Mousse esseulée, qui se raccroche finalement au seul homme qui ne semble pas la désirer, et subit sa maternité sans y prêter attention, ne levant pas le pied et continuant à marcher, danser, picoler comme si l'avenir de son bébé était foutu quoi qu'elle y fasse. Le courant passe très sporadiquement, et l'absence de toute ligne directrice se fait cruellement sentir tant chaque petit moment de vie ou de grâce s'évapore aussi vite qu'il était venu.

Lorsqu'elle croise un homme attiré sexuellement par les femmes enceintes ou une plagiste si fascinée par son ventre rond qu'elle en devient inquiétante, Mousse nous rappelle les grands personnages des meilleurs Ozon, toujours troublés d'être des objets de désir et finissant tant bien que mal par assumer ce statut. Ces étranges rencontres sont hélas trop courtes et trop hachées pour créer autre chose qu'une impression de superficialité. Le reste n'est que remplissage, transformation maladroite d'un postulat intéressant - ce qui caractérisait déjà Ricky. C'est là qu'est le plus fâcheux : Ozon aurait-il perdu le fil de ses propres obsessions ? Tourner autant serait-il devenu une façon d'oublier son manque d'inspiration ? Son talent est pourtant loin d'être évaporé, comme le prouve la très belle pièce d'ouverture, silencieuse et inquiétante, mettant en scène ce pathétique couple de drogués que ses excès vont rapidement mener à sa perte. Encore jeune, toujours plein d'avenir, le cinéaste devrait prendre de longues vacances, se retrouver un peu, et finir par retrouver l'inventivité qui fut la sienne pendant pas loin de dix ans...

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