Critique : L'Or se barre

Dans le monde très codé du "Film de Bagnoles", où se succèdent depuis quelques dizaines d'années différents courants de pensée signifiant à peu près tout et son contraire (Deleuze serait plus Ferrari, Mitry davantage Lamborghini), il existe un sous-genre finalement pas si indigne d'intérêt, que l'on appellera sobrement la "Comédie de bagnoles". La Comédie de Bagnoles, qu'elle soit appréhendée sous la forme du film de course (La course à la mort de l'an 2000, Cannonball Run, etc) ou de la personnification (Un amour de Coccinelle et ses cinq suites), finit toujours par répondre à une dialectique imposant à tout prix de faire rouler les engins où nul ne s'attendrait à voir une auto et/ou de lui faire faire (ou subir) ce que personne n'imaginerait possible avec une caisse.

Sous cet angle, L'or se barre en donne au spectateur pour son argent, mais si les trente minutes qui terminent le film s'avèrent bel et bien excitantes (manquerait plus que ça), on ne peut s'empêcher de penser que cette poursuite paraît tout de même un peu vaine. Aussi est-il plus sage de ne point appréhender le film par ce biais, central mais un peu envahissant, pas plus que sous celui du charme british, Michael Caine étant certes toujours savoureux et impeccable dans la défroque du séducteur racé, mais un poil trop calé dans sa composition habituelle, quelque part entre Alfie et James Bond.

Non, il faut se rendre à l'évidence : le côté le plus réjouissant de L'or se barre est bel et bien l'aspect purement "comédie", personnifié ici en un seul truculent personnage, celui de Mr Bridger, le vieux caïd patriote fan de la reine Elizabeth qui finance le coup italien de sa prison anglaise : Noel Coward donne à ce personnage tout le piquant aristocratique nécessaire pour que chacune de ses apparitions marque la mémoire et les zygomatiques du spectateur, finalement d'avantage que celles des Austin Cooper vrombissant dans les tuyaux !