The Limits of Control : Critique

Thomas Messias | 1 décembre 2009
Thomas Messias | 1 décembre 2009

Jim Jarmusch est un cinéaste classieux, à la filmographie riche et cohérente. Un raconteur d'histoires hors pair, un styliste de génie, un artiste complet dont le cinéma est sans cesse envahi par la littérature et la musique. Ses films débordent d'obsessions enveloppantes et de gimmicks discrets, dans un art consommé de la répétition. La litanie « I scream (...) for an ice cream » de Down by law, les motifs à damiers de Coffee and cigarettes, les éternels retours à la réception de l'hôtel dans Mystery train sont autant d'exemples parmi tant d'autres de cette fascination du réalisateur pour ce qui tourne en rond, se répète, et trouve son intérêt non seulement dans cette reproduction incessante, mais aussi et surtout dans les micro-variations insérées à chaque fois. Ou comment la routine est sans cesse perturbée, de façon souvent inconsciente, par des changements plus ou moins perceptibles mais en tout cas perturbants. Un parti pris absolument fascinant.

 


Suivant un type mystérieux et sans doute hors-la-loi qui se rend en Espagne pour rencontrer des gens mystérieux et sans doute hors-la-loi afin d'accomplir un acte mystérieux et sans doute répréhensible, The limits of control ressemble au premier abord à un remake de Ghost dog qu'aurait réalisé Abbas Kiarostami. Il redonne ses lettres de noblesse à l'épure, caractérise ses personnages autant par ce qu'ils font que par ce qu'ils ne font pas, laisse le soin au spectateur de reconstituer un ersatz de puzzle à partir de bribes plus ou moins signifiantes - boîte d'allumettes, tasses à café, répliques tournant en boucle. L'idée est absolument séduisante : jouer plus que jamais la répétition, et la rendre captivante grâce à d'infimes modifications aux effets comiques autant que magnétiques. L'idée du film est donc sensationnelle. Le film, lui, ressemble à un gigantesque chemin de croix : imaginez donc deux heures passées à patienter, seul dans une chambre d'hôtel ou à une terrasse de café, et à ne même pas savoir quoi guetter, quoi attendre. Frustration absolue, avec laquelle Jarmusch s'amuse comme un petit fou, mais qui crée à plus d'une reprise un ennui incommensurable.

 


Pour autant, The limits of control est-il un film raté, ennuyeux, vide ? Absolument pas. On le répète, Jarmusch a du style, d'autant qu'il sait s'entourer de comédiens absolument hype, transformés en icônes instantanées sous l'objectif de sa caméra de velours. Sa façon de restituer l'emmerdement maximal vécu par son héros - Isaach de Bankolé, monolithique donc parfait - de façon incroyablement communicative est un véritable exploit artistique. C'est juste que, comme certaines installations d'art contemporain, The limits of control met des semaines à se frayer un chemin dans la tête du spectateur, à lui faire prendre conscience de ses possibilités et de la richesse absolue de ses thématiques. Il peut être vu comme un exercice d'auto-analyse de la part d'un cinéaste prenant soudainement conscience de ses propres limites - d'où le titre - et livrant une synthèse approfondie de son travail, peut-être pour mieux rebondir ensuite vers d'autres sphères plus surprenantes. Les prochains de Jim Jarmusch, toujours aussi attendus, nous diront s'il s'agit bien de cela...

 

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