Critique : Mr. Lonely
Il a un peu trop goûté à l'héroïne, perdu ses scénarios dans un incendie, entré dans une secte, fait le maître-nageur puis travaillé dans le bâtiment. Après quelques années difficiles, revoilà enfin Harmony Korine, 35 balais et regonflé à bloc. La parenthèse ouverte après Julien donkey-boy est donc refermée, et c'est un Korine plus mûr qui nous présente Mister lonely, son dernier bébé. Ou le portrait d'une bande de sosies, vivant retranchés de la société pour échapper au regard moqueur des quidams et préparer ensemble un grand spectacle. Évidemment, on est bien loin de Podium : après une rapide présentation du héros, sosie de Michael Jackson, on découvre avec lui les Highlands écossais, leur calme plat, leurs paysages à perte de vue. Le début d'une longue introspection.
S'ils
se représentent d'abord à travers la personne qu'ils tentent de copier
avec plus ou moins de réussite, ces gens-là sont d'abord des êtres
solitaires, en marge, peinant à vivre à travers le regard des autres.
Cette désorientation est au coeur d'un film à la ligne dramatique plus
que ténue : Mister lonely
ressemble davantage à un collage de petits moments plus ou moins forts
qu'à un véritable long-métrage. Cette absence de cohésion et de
direction est sans nul doute la talon d'Achille d'un film qui semble
n'aller nulle part. Heureusement, il y a la belle mise en scène d'un
Korine plus sûr de lui qu'avant mais toujours aussi sensible aux
fêlures et autres détails qui font et défont les individus.
Si Diego
Luna (Bambi) et Samantha Morton (Marilyn) sont assez irréprochables, on
doit les plus beaux moments du film à Denis Lavant, qui campe un
Chaplin au moins aussi lunaire que l'original, et qui met à profit ses
talents de saltimbanque pour créer une sorte de magie assez troublante.
On s'attache à cet homme, le plus blessé de tous, qu'on aurait voulu
voir davantage. Quand les lumières se rallument, on ne pense qu'à lui,
gagné par la frustration de n'avoir pas fait plus ample connaissance.
Korine a encore du travail pour (re)devenir le petit génie qui fit les
beaux jours d'un certain cinéma indépendant, mais il a sans nul doute
retrouvé le goût de l'écriture et de la mise en scène. Même si le film
convainc moyennement, on est en droit de s'en féliciter.
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