Critique : Holy Lola

Sandy Gillet | 23 novembre 2004
Sandy Gillet | 23 novembre 2004

Sujet d'actualité s'il en est, le dernier Tavernier raconte le périple de Pierre et Géraldine, un jeune couple venu au Cambodge pour adopter un enfant qu'ils ne peuvent pas avoir. Un voyage initiatique doublé d'un périple éprouvant qui les transformera à jamais. À la lecture du pitch, on ne peut s'empêcher de faire la moue et de se demander ce que le réalisateur de L 627, Capitaine Conan et autre Ça commence aujourd'hui (pour ne citer que les réussites les plus récentes) a bien pu trouver dans cette histoire, qui rappelle les plus mauvais « Si vous avez manqué le début » de certains téléfilms dits de qualité diffusés sur nos bonnes vieilles chaînes hertziennes.

À l'origine, pourtant, on trouve Tiffany Tavernier, la fille du cinéaste, qui, avec son compagnon, Dominique Sampiero, a écrit le scénario de Holy Lola, répondant ainsi aux attentes de son père à la recherche d'un sujet abordant cette thématique. Ce trio ayant déjà accouché du chef-d'œuvre Ça commence aujourd'hui, rien ne laissait prédisposer une telle contre-performance en forme de déception. C'est que, si Holy Lola fait montre d'une certaine sensibilité dans le traitement de son sujet, due en grande partie à sa troupe d'acteurs tous excellents, la mise en scène met en boîte le tout d'une manière par trop frénétique (tel un hussard au pas de charge), empêchant le film de respirer, et le faisant passer pour une sorte de thriller initiatique d'un goût quelque peu douteux puisque complètement hors sujet.

Une grammaire visuelle qui n'est pas sans rappeler Capitaine Conan, où Tavernier avait su / dû coller à son personnage central au caractère fougueux et tellement atypique. Mais ici, point de guerre ou de fuite en avant, mais bien ce couple en quête d'un enfant à adopter au sein d'un pays n'aspirant qu'à panser les plaies encore à vif d'une histoire récente et tragique. Heureusement que cette frénésie, cette boulimie de l'image en mouvement est contrecarrée par le duo Gamblin / Carré. À eux deux, ils apportent cette délicatesse du regard dont le film a éminemment besoin, et lui permettent in fine de prendre chair. Leur quête, qui se transforme en un rapprochement des sens pour une meilleure connaissance de l'autre, devient du coup un peu la nôtre. À ce titre, la scène qui voit leur première rencontre avec « l'objet » de tous leurs désirs fait réellement mouche, aidée en cela par un plan d'une rare simplicité où la caméra portée à l'épaule s'ingénie à ne nous montrer que ce que le couple voit, chargeant la scène d'une intensité émotionnelle rare.

On se demande dès lors si Tavernier n'a pas un peu de mal à (re)trouver le chemin de l'inspiration, lui qui semble se contenter, depuis l'exécrable Laissez-passer, du minimum syndical et d'une volonté certaine de reconnaissance accrue en forme d'académisme. Il est loin, en effet, le cinéaste qui nous dépeignait au vitriol le portrait d'une certaine idée du colonialisme dans Coup de torchon, ou encore celui qui savait ce qu'engagement politique et social voulait dire avec des films tels que L 627 ou De l'autre côté du périph'. De fait, Holy Lola n'est qu'une petite chose, certes fragile (à l'image de l'enfant adopté), propre à émouvoir le prime time du 21h, mais qui échoue à rendre compte d'une réalité pourtant très dure. En d'autres temps, nul doute que le cinéaste cinéphile à l'hypersensibilité connue et éprouvée nous aurait balancé sa vérité forcément rageuse et salvatrice. C'est un pan entier de son cinéma que nous regrettons de voir disparaître film après film, ce qui, il faut bien le dire, a définitivement du mal à passer.

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