Critique : Banlieue 13

Laurent Pécha | 15 novembre 2006
Laurent Pécha | 15 novembre 2006

La rédaction d'Écran Large, un peu en retard du fait d'une quasi-absence de projections de presse, a découvert le dernier « bébé » de Luc Besson. Devant les avis mitigés et contradictoires suite à la projection, où certains y ont vu un film 100% d'action qui n'a pas à rougir de la comparaison avec les productions américaines, et les autres qui ne peuvent que s'accrocher au fait qu'un film c'est d'abord une histoire et des personnages, un débat s'imposait, dont voici les grandes lignes.

Laurent Pécha :
Même si on est encore loin du bon film grand public qu'un jour peut-être Besson écrira et produira, il faut reconnaître que Banlieue 13 s'avère nettement plus sympathique que ses funestes prédecesseurs (Yamakasi, Michel Vaillant, Le Baiser mortel du dragon...)

Thomas Douineau :
Ça dépend de ce que l'on entend par « sympathique », car, dans un premier temps, on peut dire que c'est plus « regardable » que ces funestes prédécesseurs que tu mentionnes. C'est en partie dû au fait que la forme est moins indigeste que les précédents films produits par Luc Besson. Cela n'en fait pas pour autant un film que je qualifierais de « sympathique », et ce à cause, comme souvent, du fond qui n'en fait absolument pas un film « excitant ».

Sandy Gillet :
Le Transporteur était un film sympathique, car il ne déployait aucun message nauséeux.

Laurent :
Sympathique parce que, pour une fois, Besson et sa clique annoncent clairement la couleur avec un prégénérique qui s'inspire totalement de New York 1997, de Carpenter, tout comme la majeure partie du récit. Sympathique aussi car, pour une fois, la mise en images proposée est particulièrement soignée, rendant le film nettement plus efficace que bon nombre de productions américaines récentes et à venir (Resident evil 2, Blade 3...).

Sandy :
Tout à fait d'accord, mais encore une fois, et je suis désolé d'insister là-dessus, Banlieue 13 véhicule un message sous-jacent de philosophie en toc où tout le monde est pourri sauf quelques exceptions (voir au final le personnage de K2 assimilé à un gros ours sympathique). Récupération cheap et à moindre frais du message véhiculé par la musique rap. Encore une histoire de thunes....

Thomas :
Je trouve ça très réducteur pour le cinéma en général que l'on estime avant tout que le film véhicule un message moins nauséeux que les précédentes productions Besson. Mais faut-il simplement se réjouir et considérér du coup que Banlieue 13 est un bon film ?

Laurent :
Je pense que le discours nauséeux que vous mentionnez doit être mis de côté. D'une part, il ne l'est pas vraiment, disons plutôt qu'il s'agit d'un discours, message simpliste et surtout maladroit (mais pas inintérressant dans le contexte actuel). Mais surtout, Banlieue 13, dans sa première partie du moins, est avant tout et quasi uniquement un film totalement dédié à l'action. À l'image du (faux) plan-séquence qui ouvre brillamment le film (façon Fincher / Bay, pardon pour les cinéphiles de mettre ces deux noms côte à côte), et des deux énormes scènes d'action qui présentent les deux héros du film, tout est mis en œuvre pour nous faire accepter qu'on est dans un « délire » visuel, un univers de comic book où tout est exagéré pour faire plaisir aux spectateurs.

Thomas :
Certes, on est dans le domaine de l'action (comment pourrait-il en être autrement ?), mais l'acceptation du comic book que tu mentionnes ne fonctionne finalement pas. C'est de l'action pour de l'action, des sensations issues des mouvements de caméra (Bay) et non de l'histoire (Fincher). Dire que l'on est projeté dans un univers comic book serait faire une croix sur les récentes adapations réussies de Singer ou Raimi qui partent d'une caractérisation très pointue des personnages. Comme disait John McTiernan : « Un bon film d'action, c'est d'abord un bon méchant. » Or, dans Banlieue 13, quid des personnages. Ils sont caricaturaux à outrance. Je vois plutôt le début de Banlieue 13 comme un pompage éhonté de films précédents et remis au goût du jour grâce à un savoir-faire technique indéniable. Cette première heure de Banlieue 13 me fait plutôt penser à un gâchis, à l'heure où le cinéma français doit se renouveler ou faire dans l'orginalité. Une tel savoir-faire devrait plutôt permettre de trouver une identité française au sein du film de genre.

Sandy :
D'autant que tu parlais, Laurent, de l'exposition en deux temps réussie des deux personnages. Mais ensuite... rien, nada, degré zéro de l'acteur et de l'histoire. Et tant qu'à pomper New York 1997, autant le faire bien, car là on a plutôt affaire à un petit pillage même pas en forme d'hommage. À ce titre, la séquence avec le « yéti » est pitoyable, alors qu'elle est censée rappeler la formidable scène entre Kurt Russell et le « monstre » et le combat de catch qui s'ensuit. Bref, on s'ennuie ferme tout du long.

Laurent :
Certes, on est loin, très loin même de New York 1997, mais quitte à reprendre une trame déjà connue, mieux vaut encore en reprendre une qui a fait ses preuves. Pour conclure de mon côté, je dirai que Banlieue 13 m'a agréablement surpris par sa capacité à proposer un récit visuellement réussi (les combats et cascades n'ont rien, mais alors vraiment rien à envier au gros de la production US), assorti d'une histoire qui tient plus ou moins la route. Alors, oui, on est encore loin du compte (les personnages sont inexistants, le récit n'avance plus vraiment une fois que les deux héros sont réunis, la fin est cheap...), et si on est exigeant en la matière, on aura du mal à y trouver son bonheur. Mais, en l'état, Banlieue 13 montre une chose qui me réjouit et qui peut augurer de bonnes choses pour la suite et pour l'avenir du film de genre français : techniquement, la France est désormais capable de produire des scènes d'action et de combat qui ont de la gueule. Reste plus qu'à trouver les bonnes histoires !

Thomas :
Finalement, nous sommes d'accord alors ! Banlieue 13 prouve le savoir-faire technique français. Mais un John Frankenheimer le reconnaissait déjà. À mon humble avis, cet argument ne justifie donc pas le film à lui tout seul. Certes, il est extrêment bien filmé et monté grâce au talent de Pierre Morel, mais dès que la caméra s'arrête sur un acteur, le film bascule dans le risible, à l'image des productions américaines citées en début de débat.

Sandy :
Je suis désolé, mais ça ne fait pas un film pour moi. C'est un peu comme si tu prenais une BD extrêmement bien dessinée mais que l'imprimeur ait oublié de remplir les bulles... On ne peut pas se contenter de si peu sans avoir peur pour l'avenir du cinéma de genre, ce qui pour moi revient à insulter le mot genre. Autant se retaper un « bon » film des Charlots, là, au moins, on sait pourquoi on rigole.

Laurent : 7/10
Sandy : 3/10
Thomas : 3/10

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