Mr. Robot saison 2 : pourquoi c'est bel et bien l'une des meilleures séries du moment

Geoffrey Crété | 24 octobre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 24 octobre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Alors que France 2 diffuse la saison 2 de Mr. Robot, retour sur la série immanquable créée par Sam Esmail.

C'est un mouvement logique : plus une chose est aimée, plus elle sera questionnée, décortiquée et critiquée. Comme Stranger Things, révélation fracassante de l'été très vite considérée par certains comme une déception.

La saison 2 de Mr. Robot avait ainsi la lourde tâche d'être à la hauteur d'une première année auréolée d'un beau succès public et critique, qui l'a propulsée parmi les séries les plus en vue - notamment aux Golden Globes et aux Emmy. Verdict après les 12 épisodes portés par Rami Malek.

 

Affiche

 

ATTENTION SPOILERS

 

post_apocalypse

La saison 2 reprend directement après les événements de la première saison : le five/nine hack de fsociety, opération spectaculaire visant à déstabiliser les marchés financiers, détruire les données des citoyens, redistribuer les richesses et tuer E Corp, multinationale tentaculaire et machiavélique, a donc eu lieu.

Mais le monde n'a pas été libéré. Le monstre capitalisme n'a pas été abattu. Les personnages, et notamment fsociety dirigé par Darlene, passent la saison à comprendre et accepter que le plan n'a pas fonctionné - ou du moins, pas comme prévu, en apparence. Que le piratage n'a engendré que le chaos, et lancé une spirale destructrice hors de contrôle. La population paye l'addition, avec des cartes de crédit inutilisables et un dérèglement de la société à différents niveaux - des trottoirs envahis par les poubelle, des baisses de tension. La valeur de l'E-Coin a monté en flèche, alors même qu'il est contrôlé par E Corp.

Le FBI enquête sur le five/nine hack : considéré comme responsable de l'opération, soupçonné de meurtre, Tyrell Wellick est devenu l'ennemi public numéro 1. Alors que le monde fédéral s'écroule suite à des révélations sur leurs méthodes de surveillance par fsociety, l'agent Dominique DiPierro (Grace Gummer) reste déterminée à démasquer les hackers, et remonte peu à peu jusqu'aux personnages tout en comprenant le lien en coulisses entre la Dark Army chinoise et les maîtres capitalistes de l'Amérique.

 

Photo Grace Gummer

 

elliot_telephone_maison

La scène post-générique du dernier épisode de la saison 1, où Philip Price rencontre White Rose déguisé en homme, l'avait annoncé : le mal a de nombreux visages, et de nombreuses voix. Robin des bois 2.0, fsociety a sous-estimé son ennemi et surestimé ses capacités. La saison 2 de Mr. Robot emprunte des chemins sombres et sépare ses personnages. Elliot, Darlene, Angela sont isolés, perdus, coincés dans leurs propres pièges.

Le héros se bat désespérément contre son démon paternel, le fameux Mr. Robot, pour reprendre le contrôle de sa vie. Dans la première partie de la saison, Elliot s'est déconnecté de la toile : il souhaite se désintoxiquer, et abandonne fsociety pour sa santé mentale. La série se joue du spectateur comme jamais avec une intrigue autour d'un gangster qui entraîne Elliott dans ses affaires, et débouche sur un twist énorme dans l'épisode 7 : Elliot était en réalité en prison, et s'était replié sur lui-même au point de transformer son environnement pour en offrir une version factice à son ami intime, le public. L'ironie étant qu'il a été arrêté pour avoir volé le chien du compagnon de sa psy, alors que les autorités cherchent désespérément Tyrell Wellick, censé être le responsable du chaos.

 

Photo

 

L'épisode 6, qui se déroule à moitié dans un univers de sitcom dégénérée en 4/3, rappelle que Mr. Robot est un objet délicieux, doté d'une liberté folle après le succès de la première saison. Créateur de la série, Sam Esmail réalise tous les épisodes de la saison 2, et s'en donne à coeur joie pour expérimenter, dilater l'intrigue et multiplier les ruptures de style (notamment musical) en jouant avec un plaisir certain avec les différentes personnages et temporalités. 

Cette parenthèse cauchemardesque de sitcom, où la mère brûle Darlene avec une cigarette avant de lui mettre une droite, où Alf apparaît en guest star, où la pause publicitaire est dédiée à E Corp, et où le décor en carton devient littéralement une prison, en est la preuve absolue.

 

Photo Rami Malek, Carly Chaikin

 

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Darlene, de son côté, a pris la tête de fsociety. Elle travaille avec Mobley, Trenton et Cisco pour achever leur mission, menée par une détermination quasi-suicidaire alors que l'étau du FBI se resserre autour d'eux. Lorsqu'elle tue une avocate d'E Corp que le groupe a kidnappé, il semble clair que la série n'a pas peur : elle ne ménage pas ses personnages, et n'hésite pas à les noyer dans un océan de dangers qui ne pourra que les avaler.

La trajectoire d'Angela est peut-être la plus significatice : l'amie d'Elliot travaille désormais pour l'ennemi E Corp, où elle prépare sa revanche, d'abord en solo. Ambitieuse, secrète, elle recharge son esprit avec des cassettes de développement personnel pour maintenir son allure de princesse des glaces sous les yeux de Philip Price.

Son intrigue est l'un des points forts de la saison : de l'espionnage industriel à l'interrogatoire Lynchien, Angela gagne une dimension fascinante dans cette saison 2, portée par une impeccable Portia Doubleday. Si la première saison avait peu à peu détourné les stéréotypes vendus dans les premiers épisodes, la deuxième termine son entreprise de démolition en faisant de son trio de héros des êtres désespérés, solitaires, impuissants et voués à l'échec. La série semble peu à peu dézoomer pour qu'ils réalisent (et nous avec) que leur ennemi est bien plus grand que prévu.

 

Photo Portia Doubleday

 

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Au-delà des intrigues du trio, le fantôme de Tyrell Wellick plane sur toute cette saison 2. Désigné ennemi public numéro 1 par Obama lui-même dans le premier épisode, le meurtrier a disparu. Tué par Elliot ou caché, fruit de l'imagination du héros ou mystérieux plan en marche : l'ancien vice-président d'E Corp est intimement lié au héros, qui avait terminé la saison 1 en laissant penser qu'il allait l'abattre avec l'arme de Darlene dans les locaux de fsociety.

Joanna, la femme de Tyrell toujours interprétée par la vénéneuse et angoissante Stephanie Corneliussen, reste présente, elle aussi hantée par le fantôme de son mari via une série d'étranges courriers et cadeaux. 

Chacun à son niveau manipule les autres (voir soi-même) pour arriver à ses fins : échapper à fsociety, échapper au FBI, échapper à la Dark Army, échapper à sa propre existence (Dom, interprétée par l'excellente Grace Gummer, parfait reflet des protagonistes). Ça et là, Mr. Robot offre une scène archétypale (une fusillade en Chine ou à New York, une confrontation avec l'étrange Whiterose, une mise à mort sanglante dans une allée), mais chaque fois, le mystère n'en devient que plus grand et inquiétant. 

 

Photo Carly Chaikin

 

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La saison 2 de Mr. Robot ne corrige pourtant pas les faiblesses de la première saison. La liberté vraisemblablement offerte à Sam Esmail par la chaîne (deux épisodes supplémentaires cette année) les aura même accentués.

Le scénario se repose trop sur la folie de son héros pour construire les intrigues, avec une tendance à abuser de son amnésie et sa démence - "T'as vraiment oublié que j'étais ta soeur ? Que tu étais en prison ? Que tu ne m'as pas tué ? Que tu as lancé la phase 2 ?". Si le showrunner occupe tout l'espace de la fiction pour installer l'univers, avec une direction artistique fabuleuse et une mise en scène envoûtante, les épisodes semblent tous souffrir de leur longueur. Le beau mystère se dilue ainsi trop souvent dans une posture esthétique soignée (les plans décadrés, les visages décentrés, les silences pesants), qui joue parfois contre le facteur suspense.

 

Photo Rami Malek

 

Mr. Robot est cependant sauvé par une foule de moments grandioses, et par sa capacité à générer le mystère en conjuguant les différentes intrigues. Qu'un épisode sans Elliot se révèle profondément passionnant est la preuve que la série a réussi à imposer son monde et ses règles, malgré l'aspect nébuleux de l'histoire qui va bien au-delà de son pitch. Ailleurs, un monologue de Tyrell sous un ciel gris ou un long plan où Elliot interroge le spectateur sur un indice à trouver dans le décor, participent à créer une ambiance fascinante, capable de jongler brillamment entre les émotions.

Et la série de Sam Esmail confirme dans cette deuxième saison son statut de magnifique objet télévisuel, doté d'une force sensationnelle. La palette de couleurs, l'utilisation ingénieuse des musiques (le thème de Blow Out de Brian de Palma, ou de A cause d'un assassinat de Pakula), la narration souple qui dissémine les flashbacks, le traitement glacial de la violence, et cette mélancolie terrifiante qui s'empare des personnages : Mr. Robot est sans conteste l'une des propositions les plus fortes de la télévision américaine, et l'une des démonstrations les plus impressionnantes de la place laissée aux auteurs dans le périmètre des séries.

 

Photo Christian Slater

 

La deuxième saison plonge Elliot, Darlene et Angela dans un puit noir qui semble sans issue, au milieu d'une Amérique à peine fantasmée - fsociety révèle que le FBI surveille illégalement une partie des citoyens, au nom de la sécurité, tandis que le rayonnement de la Chine devient de plus en plus effrayant dans les coulisses du capitalisme sauvage. La mélancolie se répand dans les esprits et la destruction, dans les circuits de la série, au point de faire clignoter Mr. Robot dans les derniers instants. Et si l'apocalypse, la vraie, la seule, était encore à venir ?

La scène post-générique promet de nouvelles ramifications, et la saison 3 est d'ores et déjà commandée face au succès de la série. Mr. Robot a donc encore de longs jours (à défaut d'être beaux) devant lui.

 

Dossier publié une première fois en septembre 2016.

 

Photo Rami Malek

 

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commentaires
Kiddo
26/09/2016 à 04:25

@la redaction
Absolument.
En fait ce n'était absolument pas une critique, oui elle est sur le network depuis peu et suis devenu fan après le premier episode
Ce n'était au final que le clin d'oeil d'un gamin capricieux qui vient d'avoir son nouveau jouet qui déchire tout et qui veut le partager avec le reste de la planète...

Geoffrey Crété - Rédaction
25/09/2016 à 10:59

@Kiddo

"Il serait temps que vous vous penchiez sur Quarry" : la série a commencé le 9 sept, et c'est typiquement le genre de série qu'on traitera en fin de saison, ou après un bloc. Comme Halt and Catch Fire ou The Knick, justement. Mais Quarry est bien dans notre programme.

Kiddo
25/09/2016 à 07:06

Assurement.
Avec The knick.
Et Halt and catch fire.
Et Peaky Blinders.
Et Quarry... (il serait temps que vous vous penchiez serieusement sur cette nouvelle bombe..)
Et liste non exhaustive.

Geoffrey Crété - Rédaction
25/09/2016 à 03:21

@Vincent

Une coquille, merci..!

Vincent
24/09/2016 à 21:38

Il y a une faute dans le titre

mattd
24/09/2016 à 18:30

Très bon article qui résume bien l'histoire et décrit de manière très juste les qualités et les défauts de la série.
Je retiendrais en effet principalement comme (léger) défaut de la saison 2 , un rythme un peu inégal dans les épisodes.
Pour le reste c'est toujours aussi magistral et maitrisé: esthétique, histoire, jeux d'acteurs,etc.