Snowpiercer : une saison 2 qui glisse ou déraille sur Netflix ?

Mathieu Jaborska | 30 mars 2021 - MAJ : 30/03/2021 17:33
Mathieu Jaborska | 30 mars 2021 - MAJ : 30/03/2021 17:33

Après une saison 1 pour le moins irrégulière, Snowpiercer est revenue, comme le promettait son cliffhanger final ambitieux. Les dix nouveaux épisodes sont désormais disponibles. L'occasion de revenir sur une saison également inégale, mais indéniablement amusante sur certains aspects, grâce par exemple à un Sean Bean habité.

"Un mix entre pinaillage et masochisme", "puéril", "nul", "gloubi-boulga indigeste", "inutile et pathétique"... Ces dernières semaines, les superlatifs flatteurs n'ont cessé d'affluer pour qualifier nos petits comptes-rendus hebdomadaires. La section commentaire, débordant de bienveillance, prouve surtout la passion des aficionados d'une série qui a su - il faut le reconnaître - fédérer un grand nombre de spectateurs autour d'un train et de ses habitants, en dépit de nos critiques parfois acerbes.

Si les premiers épisodes ont eu leurs détracteurs, cette saison 2 prêchait les convaincus restés fidèles à Layton (ou à Wilford). Après la diffusion du grand final, retour sur ses défauts, mais aussi ses qualités. En toute subjectivité, puisqu'il faut encore le préciser.

Attention, spoilers sur toute la saison !

 

photo, Daveed Diggs, Jennifer ConnellyEcran Large s'apprêtant à sortir les spoilers

 

Séquelle(s)

Handicapée par une production si chaotique qu'elle n'a rien à envier aux tensions qui parcourent le Transperceneige, la saison 1, toute divertissante qu'elle était par moments, n'a pu s'empêcher de tomber dans des travers caractéristiques de la télévision contemporaine. Multipliant les arcs narratifs pour repousser au maximum l'inévitable conclusion, sacrifiant toute identité visuelle sur l'autel de la référence et de la toute-puissance de la narration, elle se conformait finalement aux standards du format. Un comble pour une histoire aussi profondément allégorique.

Forcément, la saison 2 hérite de ces facilités. Le choix d'adapter Snowpiercer reste de l'ordre économique et pratique : chaque wagon est un décor de studio. Jamais la mise en scène ne nous donne l'impression de naviguer entre les voitures, annihilant complètement la notion de progression essentielle aux ambitions artistiques de la bande dessinée, remarquablement retranscrite par le style horizontal de Bong Joon-ho.

 

photo, Lena HallLena (music) Hall

 

Les habitués de nos analyses déploreront un certain radotage, et pour cause : jamais cette saison ne tente de se défaire du procédé lorsqu'elle représente le train, train qui pourrait dès lors très bien être un HLM, tant les décors n'épousent que rarement la forme d'un wagon. Si le scénario abuse un peu moins du sous-train (même s'il fait naviguer ses personnages très vite au sein des 1034 voitures), il se laisse régulièrement aller à quelques aberrations architecturales et thématiques, tel ce wagon-kermesse apparaissant miraculeusement dans l'avant-dernier épisode.

La saison 2 a au moins la présence d'esprit de reconnaître la pauvreté de sa réalisation, réduisant les séquences de baston au strict minimum. Dès que les personnages s'agitent, le découpage, pas aidé par une omniprésence de la longue focale (une tentative de simuler l'enfermement ?), se mue en un gros hachis flou. Heureusement, seuls quelques épisodes du milieu de saison y ont recours.

Pour la narration, les scénaristes ont dû composer avec les nuées de personnages que les 10 premiers épisodes n'ont cessé d'introduire sans néanmoins conclure la moitié des arcs. Cette saison 2 déborde de sous-intrigues au point de convoquer ses forces en présence n'importe comment, voire de mépriser complètement certaines personnalités, majoritairement des passagers du bout du train présents à la frontière, ou quand il faut se manger une vendetta sociale dans la tronche.

 

photo, Mickey SumnerBess ta garde

 

En arrière toute !

Et pourtant, malgré une obligation de suivre à la lettre les directives esthétiques, cette saison 2 prend à rebours sa prédécesseure. À la révolution prolétarienne menée par Layton, elle oppose une prise de pouvoir bien plus insidieuse, orchestrée par un dictateur avide de retrouver sa place au sommet de la pyramide sociale. Si on exclut l'inévitable enquête qui plombe les deux intrigues, c'est un véritable jeu de miroir que propose cette dernière salve d'épisodes, inversant complètement certaines trajectoires (Ruth) et écartant pas très subtilement Mélanie de l'équation pour faire de Wilford l'anti-Layton.

Un postulat intéressant, surtout que Wilford est l'attraction numéro 1 de la série, pour ne pas dire le personnage principal. Et le talent de Sean Bean n'y est pas pour rien. L'acteur s'amuse comme un petit fou à caricaturer le dictateur charismatique et à accompagner sa prise de pouvoir, rendue possible grâce à un culte de la personnalité dévorant et une tendance très prononcée pour les troubles psychopathiques. Certes, ses manigances passent aléatoirement du coup de génie (le meurtre des mécaniciens) à la bêtise (le spectacle de marionnettes, la prison de Layton), en passant par l'absurde (Icy Bob, son intrusion dans la machine), mais le sourire machiavélique de Mr Bean fait tout passer comme une lettre à la poste.

 

photo, Sean BeanWilford 2022

 

L'antagoniste symbolise parfaitement un autre point de rupture opéré par cette saison 2. Alors que les débuts de la série prétendaient au discours politique du long-métrage, ces nouveaux chapitres assument bien plus leur décontraction. Ainsi, la faignantise de certains d'entre eux (les épisodes 4 et 5) est rattrapée par des enjeux traités avec bien moins de sérieux, lorgnant même sur la série B quand ils s'essaient au fantastique avec le couple de Dr Frankenstein. Plutôt que de subir un récit mal raconté, on peut choisir de profiter de ce rail de poudreuse, qui donne leur intérêt à la plupart des cliffhangers.

Complètement inégale, la saison renforce encore l'efficacité de la série, qui, faute d'émerveiller, divertit régulièrement, notamment en quittant enfin ce fichu train le temps d'un épisode. Qu'importe que sa capacité à relancer l'intrigue passe par une minimisation du sacrifice de Mélanie, potentiellement le seul personnage auquel on s'était assez attaché pour déplorer sa mort. Cette incursion en haute montagne est un véritable bol d'air frais.

 

photo

 

 

L'ensemble a le mérite d'aller au bout de ses promesses, du moins si on exclut la queue de poisson finale, presque aussi bassement mercantile que la fin de l'épisode 10. Les deux derniers épisodes, que TNT a eu raison de diffuser ensemble, vont même jusqu'à condenser en moins d'une heure 30 toute la saison 1, ou presque. Un face à face qui ne s'embarrasse pas trop, une fois de plus, de sa cohérence, mais qui a le mérite de ne pas laisser son spectateur s'ennuyer. En comparaison avec d'autres séries proposées par la plateforme, c'est déjà pas mal.

Les deux saisons de Snowpiercer sont disponibles en intégralité sur Netflix en France

 

 

Tout savoir sur Snowpiercer

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commentaires
Johnny
31/03/2021 à 16:46

Tout à fait d'accord.
On regarde parce qu'on aime l'idée de la série.
Mais quelle mauvaise réalisation, et le montage.... N'en parlons pas.
Absurdités, non sens, la frustration et a la hauteur de l'excitation de connaître le dénouement.
Il y a beaucoup trop d'étapes qui ont été sauté dans ces 2 derniers épisodes.
Le positif dans tout ça ? On est pas si pressé de voir la saison 3,et on se tournera vers d'autres séries mieux ficelées.

Bob
31/03/2021 à 13:12

Vous vous attardez sur des détails sans importance quand vous pourriez également soulever les bons éléments. Quel dommage!

Alexandre Janowiak - Rédaction
31/03/2021 à 12:07

@Qreyon

Les deux derniers épisodes de la saison 2 sont sortis le même jour comme un double épisode final. C'est un choix du diffuseur original de la série à savoir TNT, donc Netflix n'a fait que suivre leur stratégie. Mais vous n'avez pas raté d'épisodes pour autant, il y en a bien dix en tout.

Qreyon
31/03/2021 à 12:00

Y'a-t-il une raison particulière pour qu'il n'y ait pas eu d'épisode la semaine dernière ?

matthieu
31/03/2021 à 00:04

ces trois derniers episodes sont deroutant d absurdité, un abandon total de volonté de bien faire...