The Deuce : avec sa saison 2 dantesque, la série HBO sur le porno est définitivement la meilleure série du moment

Alexandre Janowiak | 7 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 7 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

La saison 1 de The Deuce nous avait particulièrement enchantés à la rentrée 2017.

Avec sa mise en scène précise et son scénario d'une richesse folle, la nouvelle série de David Simon (et George Pelecanos) s'affirmait comme une fresque sociale hyper réaliste et toujours d'actualité dans la société américaine de 2018. Pendant quelques temps, à cause des accusations d'agressions sexuelles contre James Franco, on a cru que le show allait s'arrêter en pleine production. Il n'en fut finalement rien et la série a été renouvelée pour une saison 2.

Après une saison 1 centrée sur la prostitution et l'essor de l'industrie pornographique au début des années 70 à New-York, cette deuxième saison nous embarque dans la Grosse Pomme en 1977, une époque où le porno est maintenant bien installé. Neuf épisodes plus tard, la saison est terminée et c'est l'heure du bilan pour Ecran Large.

ATTENTION SPOILERS !

 

 

BOOGIE NIGHTS & DAYS

Durant sa première saison, The Deuce fascinait à bien des niveaux et en premier lieu de par ses décors. Remarquable au premier coup d'oeil, la reconstitution du New-York des années 70, de ses rues lugubres, bars miteux et cinémas pornographiques à la bande-originale funky ou aux costumes punk-rock, était impressionnante. Dès l'ouverture de cette saison 2, la série HBO impose toujours le respect sur ce point.

Dans un plan-séquence simili-hommage à Boogie Nights, on suit ainsi Eileen (Maggie Gyllenhaal) sur un trottoir de la 42e avant qu'elle rentre dans la discothèque de Vincent Martino (James Franco) croise la jeune actrice de porno - et aussi prostituée - Lori Madison (Emily Meade) avant que la caméra la quitte pour retrouver d'autres personnages phare du show en train de danser, boire, discuter... dans ce même Club 366.

Le moyen efficace de replacer rapidement les personnages au coeur du récit qui nous attend dans le NYC de 1977 (comme Boogie Nights justement), cinq ans après les avoir quittés (la saison 1 se terminait au moment de la sortie de Gorge Profonde en 1972), et surtout de nous plonger dans l'ambiance disco avec brio et maestria.

 

Photo Maggie GyllenhaalPour Eileen et le spectateur, l'aventure recommence d'abord dans la discothèque de Vincent

 

Cette mise en scène précise et méticuleuse, la série va la déployer lors de cette deuxième saison. La saison 1 était admirable techniquement mais reposait essentiellement sur des dialogues ciselés et incisifs. Evidemment, la série ne perd rien de ce côté et offre de savoureuses discussions, qu'elles soient le plus souvent sérieuses ou amènent parfois à des petites joutes amusantes (une explication du "DP" au personnage de Larry par un acteur porno).

Mais à côté de cela, la série est dirigée d'une manière bien plus saisissante techniquement. Chaque plan est admirablement pensé, chaque regard capté par la caméra explore les tréfonds de leur mélancolie et surtout chaque épisode se complète admirablement. En résulte, une construction narrative parfaite sublimée par une caméra virtuose (sans être tape à l'oeil au contraire) qui accentue le propos des séquences.

Ainsi, la saison 2 de The Deuce s'ouvrait sur un plan-séquence conquérant qui enracinait le spectateur au coeur de la discothèque de Vincent et de cette année 1977. Dans une logique conclusive évidente et parfaite, l'ultime plan de cette saison nous replongera dans cette même discothèque mais cette fois dans un mouvement de recul (travelling arrière) nous sortant délicatement de l'endroit et de l'époque dépeinte dans ces neuf derniers épisodes. Une action finale parfaite pour nous signifier simplement que la saison 3 nous transportera dans un autre temps.

 

Photo James Franco, Margarita LevievaJames Franco et Margarita Levieva

 

ETERNAL KOMBAT

Si la mise en scène de The Deuce est plus affirmée dans cette deuxième saison, c'est également parce que le cinéma prend une part très importante dans le récit. Avec l'essor du porno, la série de David Simon et George Pelecanos nous montre les coulisses des films pour adultes. Leur conception, leur tournage, leur montage, leur financement, leur diffusion, leur médiatisation ou encore les récompenses qui suivront (ou non), les films sont passés au crible.

Ainsi, la variation pornographique du Petit Chaperon rouge tournée par Eileen prend une place extrêmement importante au coeur du récit. Et s'il est fascinant de suivre les coulisses de ce monde où la caméra est au plus près des corps de ses comédiens, The Deuce use surtout de ce monde et de cette époque pour parler de l'industrie hollywoodienne et de ses dérives (très) actuelles.

 

Photo Maggie Gyllenhaal, Dominique FishbackEileen et Darlene en plein tournage

 

Sortie en plein scandale Weinstein, la saison 1 se révélait d'ores et déjà un sublime plaidoyer féministe et une ode aux femmes mais ne pouvait pas y faire référence. Cette saison 2 l'est tout autant mais est l'occasion rêvée de revenir sur tout les harcèlements et comportements déplacés à l'encontre des femmes à l'ère de MeToo. Et du producteur sexiste qui demande une fellation à Eileen pour financer son Red Hot aux remarques machistes subies par les comédiennes en passant par le Late Show qui prend plus Eileen pour un jouet qu'une vraie réalisatrice, on a le sentiment que les choses ont bien peu changé en quarante ans.

Plus qu'Hollywood, quand Darlene (Dominique Fishback) se plaint de ne pas être rémunérée autant que les hommes parce qu'elle est une femme ou autant que les blanches parce qu'elle est noire, The Deuce expose au grand jour les inégalités salariales, toujours d'actualité de nos jours (en France en 2018, depuis le 6 novembre dernier 15h35, les femmes travaillent "gratuitement"). A l'image de la saison 1, la saison 2 parle des femmes, de leurs conditions et de leurs difficultés à l'époque et actuellement avant tout autre chose. Et la série donne ici, enfin, un vent d'espoir.

 

Photo Maggie GyllenhaalLa cause avance mais le combat continue

 

GIRL POWER

Tout au long de cette deuxième saison, la puissance des hommes sur les femmes s'affaiblit jusqu'à disparaître complètement à bien des niveaux dans le grand final. Ainsi, l'époque où les proxénètes dictaient leurs lois et faisaient subir aux prostituées bien des chagrins ou désillusions est terminée. Entre la mort de plusieurs d'entre eux ou la reconversion de Larry en comédien, la saison 2 marque un véritable tournant sur la prostitution et le climat machiste.

En effet, si les hommes tombent un à un, les femmes s'affirment et grandissent. Eileen en réalisatrice saluée par Variety, Darlene enfin libérée de son statut de prostituée (voire d'actrice porno), Ashley-Dorothy (Jamie Neumann) en militante féministe ou encore et surtout Lori Madison dont l'envolée à Los Angeles, plus qu'une avancée pour son indépendance, peut indéniablement ouvrir les portes de la série vers d'autres horizons.

Bien évidemment, le combat est loin d'être terminé (plateaux télévisées avec Eileen, meurtre de Dorothy) mais la cause avance. Pour son amour envers les femmes et l'évolution majeure qu'elle leur offre, cette saison 2 est une des plus belles de l'année.

 

Photo Emily MeadeLori Madison du trottoir new-yorkais au tapis rouge hollywoodien glamour

 

Au-delà des femmes, la série s'attarde sur bien des aspects plus personnels, psychologiques et humains : la famille, l'acceptation de soi et du regard des autres, la société des apparences, l'anormalité... Enfin, la société américaine (passé et présente) en ligne de mire, The Deuce jouit d'une richesse thématiques infinies.

Le racisme (l'évolution du personnage de Lawrence Gilliard Jr. dans la police ou de Larry en comédien), la corruption policière, la mafia, l'économie souterraine, le machisme, la libération des moeurs (les homosexuels commencent enfin à avoir leur place et à être respecté dans le New-York de 1977 avec le personnage de Chris Coy), les médias, les évolutions technologiques (cassette TV)... l'abondance des sujets abordés est immense.

Des sujets sociaux dont la série discutent avec brio grâce à une superbe galerie de personnages incarnés par un parterre de stars (Maggie Gyllenhaal incroyable de bout en bout, James Franco dans un double rôle enfin intéressant et bien d'autres). Même si la série en compte sans doute un peu trop, les protagonistes sont resplendissants, attachants et très bien caractérisés (exception faite peut-être du personnage de Zoe Kazan).

Heureusement, la saison 2 a su en évincer un nombre conséquent de façon brillante et nul doute que le duo Simon-Pelecanos a savamment pensé ces départs pour une saison 3 conclusive impressionnante.

 

Photo Maggie Gyllenhaal, Emily MeadeL'épisode 6 est sans doute le meilleur de la saison

 

Après une fresque sociale hyper réaliste dans sa saison 1, The Deuce explore avec brio l'industrie pornographique, tire un portrait subjuguant de l'époque (toujours actuel) et donne surtout le pouvoir aux femmes dans sa saison 2. Une peinture puissante de l'Amérique (et du monde) sublimée par une réalisation solide, des décors splendides et un casting formidable.

La série était assurément une des grandes créations de l'année 2017. Avec sa deuxième saison, The Deuce s'assure définitivement une place de choix parmi les grandes séries du XXIe siècle, avant une saison 3 (et dernière) qu'on espère découvrir en 2019. Exceptionnel.

Les saisons 1 et 2 de The Deuce sont disponibles en intégralité sur OCS Go en France.

 

Affiche

Tout savoir sur The Deuce

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commentaires
yes
09/11/2018 à 12:07

oui l'épisode 6 es le plus beau de la saison

Roukesh
08/11/2018 à 14:40

@Sylvinception, comme à votre habitude vous faites des remarques dont on ne comprends pas l'origine. Ni la critique, ni l'objet de celle-ci n'avance qu'elles ne l'ont pas choisis. Eileen est un femme indépendante qui n'a jamais eu de mac. Elle fait le choix de cette vie, le discours est toujours plein de nuances.
Et "stop à l'exploitation des actrices"? Cela vous poserait-il problème que ces femmes ne soient pas constamment rabaissées, alors qu'un acteur n'a aucun soucis?

Sinon, cette saison est très bien, il me reste encore deux épisodes, mais ceux-ci passent trop vite.

sylvinception
08/11/2018 à 13:41

Stop à l'exploitation des actrices de l'industrie du X!!
En plus elles l'ont pas choisis, ce métier qui rapporte pas un rond!!
(lol)

Sigi
07/11/2018 à 22:31

Oh oui oui oui ouiiii !! On retrouve la grandeur évocatrice de The Wire dans cette immense IMMENSE fable humaine. Meilleure série de l'année, et de loin !

Critique très maladroitement écrite ceci dit ... Pensez à virer un des "chagrins".

Okay
07/11/2018 à 20:44

Alors vivement l'intégrale des 3 saisons en bluray pour que je puisse la voir!