Ghoul : pari réussi pour la nouvelle série horrifique Netflix, entre John Carpenter et Rec

Prescilia Correnti | 29 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Prescilia Correnti | 29 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Ghoul, c’est le nom d'une production originale Netflix, qui marque une nouvelle tentative en Inde. Attention, SPOILERS.

Parmi les nouveautés Netflix qui étaient proposées cette semaine, on retenait surtout la nouvelle série pour adolescents The Innocents, un show à la croisée des chemins entre Twilight et The OA. Pourtant, il y a aussi une autre série, sortie en catimini le même jour, et qui mérite bien un petit coup d’oeil : Ghoul.

Après Le Seigneur de Bombay (Sacred Games), c'est la deuxième tentative de la plate-forme de streaming de proposer un contenu original et varié, entre le made in Bollywood et Hollywood. Et le résultat vaut le détour.

 

 

AMERICAN INDIA PURGE

Créée par Patrick Graham, sous la tutelle de la maison de production Blumhouse (Insidious, American Nightmare) et Ivanhoe Pictures et Phantom Film, Ghoul nous emporte dans un futur plus ou moins proche, où face à la montée du terrorisme national, l’État indien décide de prohiber et de brûler les livres, cours, et leçons "séditieuses" qui ne sont pas validés par le gouvernement.

La religion musulmane et tous ses pratiquants sont, pour le mieux, mal vus par la société indienne, quand ceux-ci ne sont pas obligatoirement confondus avec des terroristes. Les intellectuels qui enseignent des arts abstraits, qui ont pour but d’élever l’esprit, de poser des questions, et de se créer sa propre opinion sont jetés en prison, à l’instar du père de l’héroïne, qui enseigne la philosophie.

 

photo, Radhika ApteRadhika Apte

 

Ça, ce sont les premières minutes assez chaotiques de l'épisode pilote, qui ne sont malheureusement pas sans rappeler les purges staliniennes, utilisées dans le seul but d'assurer le pouvoir absolu à son dictateur. Dès les premières secondes, Ghoul plonge son pays (et le spectateur impuissant) dans un climat de terreur et de suspicion, détruisant toute possibilité d'opposition politique au sein, et hors du parti. Très vite, la série monte en puissance pour se situer à mi-chemin entre un film horrifique huis clos à l'ambiance anxiogène ([Rec], The Descent), et un discours plus politisé comme Get Out.

Dès les premiers instants, Ghoul use de sa fable monstrueuse afin de véhiculer un message politique : une jeunesse indienne repliée sur le sectarisme, centrée autour de l'hyper-nationalisme et suivant à la lettre les ordres dictés par son gouvernement.

 

Photo affiche officielle"Vos péchés vous collent à la peau"

 

FENÊTRE SUR GHOUL

Ghoul suit donc l'histoire de la jeune Nida, campée par la captivante et époustouflante Radhika Apte (Le Seigneur de Bombay) : une pro-nationaliste qui souhaite entrer dans les forces spéciales de l'armée indienne. Pour prouver sa loyauté envers son peuple, et son gouvernement, elle n'hésite pas à dénoncer son propre père pour des pratiques jugées illégales. Recrue hors-pair à l'académie, elle est appelée à rejoindre un camp d'interrogatoire militaire secret.

L'entrée en matière à l'intérieur de cette bâtisse puante, lugubre et désolée, est loin de se faire en douceur : c'est une succession de scènes barbares où un homme, souffrant de malnutrition intense, à l'aspect squelettique, est enfermé et jeté dans un cachot, tandis que les autres subissent toutes sortes de tortures violentes.

 

photo, Radhika ApteVoyage au bout de l'enfer

 

Outre interroger son spectateur sur le nationalisme radical de la jeunesse indienne, Ghoul soulève des questions sur les techniques d’interrogatoire renforcées, voire inhumaines et non-conformes, en faisant notamment écho aux évènements survenus dans l’ère post-Guantánamo Bay aux Etats-Unis. Electrocution, musique incessante, privation de sommeil, de nourriture, de lumière, suspension au plafond, atrophie des muscles et perte de la notion du temps : le spectateur est aussi malmené que ces prisonniers.

Ce n’est finalement qu’à l'épisode 2 que l’intrigue se fond alors entre la mythologique et la réalité, passant d'un récit politique à une ambiance horrifique. Lorsqu’une goule revêt l’apparence du terroriste Ali Saeed (Malesh Balraj), afin de semer le chaos et la discorde au sein du complexe militaire, le cauchemar commence enfin.

 

PhotoVision de cauchemar

 

50 NUANCES DE MONSTRES

Hormis son apparence cauchemardesque à la Grave Encounters, ses dents longues et aiguisées, la bête hideuse est surtout le symbole de la culpabilité qui finit toujours par torturer et ronger jusqu’aux entrailles la personne concernée."Révéler leur culpabilité, manger leur chair". Parce qu’il faut savoir que Ghoul est inspiré du folklore religieux arabe pré-islamique. La goule serait un esprit démoniaque, ou une incarnation diabolique qui se mêle aux humains en prenant leur apparence.

Dans le folklore arabe, la goule doit dévorer la chair humaine de sa victime afin de revêtir son apparence. Pendant plus de 45 minutes terriblement angoissantes, Ghoul va s’inspirer de l’illustre John Carpenter et de son oeuvre culte The Thing, puisque la chose change d'apparence et se dissimule parmi ses victimes pour mieux régner. Un jeu de cache-cache machiavélique terriblement efficace, qui vous dupera jusqu’à la dernière minute. 

 

Photo, Radhika Apte"Ça fait beaucoup de choses à digérer"

 

Malgré quelques jumpscares prévisibles et parfois un peu cheap (comme l'apparition du père vers le milieu de l'épisode 2), Ghoul bénéficie d'une jolie photographie, oscillant entre des ambiances sombres et de très beaux jeux de lumières. En témoigne d'ailleurs la scène finale, lorsque Nida, la tête enfumée et le corps recouvert de poussières et de saletés, parvient à s'achapper du bunker au travers d'un halo lumineux qui nous rappelera très fortement la scène finale de The Descent.

Au final, Ghoul fonctionne grâce à un joli équilibre, certes loin d’être parfait mais globalement réussi, entre le récit politique extrêmement intéressant et glaçant et le conte horrifique cauchemardesque.

 

photo

 

Tout savoir sur Ghoul

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Decoy
02/09/2018 à 08:44

Pas terrible... Un début intriguant, puis la 3ème partie, sensée être le climax, s'effondre complètement dans l'écriture. Dommage.

Maxu
30/08/2018 à 00:27

Très bonne surprise
Parfois un peu naïf dans sa trame mais plein d’une belle ambition