Legion saison 2 : ce qui est super (et ce qui l'est moins) dans la série de super-héros X-Men

Geoffrey Crété | 19 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 19 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Bilan de la saison 2 de Legion.

C'était l'une des surprises les plus enthousiasmantes et séduisantes de l'année dernière : Legion, série de Noah Hawley centrée sur le super-héros des écuries Marvel, fils de Charles Xavier des X-Men. Ultra-stylisée, entre délires pop et plongées de pure science-fiction, c'était l'un des objets les plus étranges et ambitieux du petit écran.

De retour cette année, Dan StevensRachel KellerAubrey Plaza et leur petite bande continuent d'affronter le Shadow King dans une saison 2 qui confirme les grandes qualités et (petites) faiblesses de la série. Bilan.

 

ATTENTION SPOILERS

 

 

SUPER BIEN : C'EST MÉGA STYLÉ

Legion n'est pas simplement une série soignée et visuellement ambitieuse : c'est une série qui a fait de ses délires de mise en scène et multiples décrochages et parenthèses décalées, sa marque de fabrique et son moteur. La saison 2 ne déroge pas à la règle, et étale la même assurance au fil des épisodes.

La Division 3 est un décor aussi absurde que fantastique, sorte de couloir circulaire interminable et gigantesque page blanche pour les réalisateurs qui passent derrière la caméra (parmi lesquels Ana Lily Amirpour et Charlie McDowell). L'alternance entre des intérieurs de studio assumés et parfaitement utilisés (grâce notamment à un travail déco fabuleux), et des extérieurs vastes qui sont des bouffées d'air (le désert), est d'une efficacité redoutable, et donne à la série une empreinte cinématographique.

Et si cette saison 2 se paye moins de pauses purement stylistiques comparé à la première, avec sa scène muette ou ses ralentis extrêmes, elle impose des moments de pure beauté. Il n'y a qu'à voir cet hommage tordu à Orange mécanique, qui fait prendre un tout autre sens aux ombres portées sur le sol, pour s'en assurer. Le travail sur le son, qui rappelle aussi bien la GLaDOS de Portal que la saison 3 de Twin Peaks, ainsi que les choix musicaux (grand moment de trip avec la reprise de White Rabbit de Jefferson Airplane, grand moment d'émotion avec celle de Superman, The Clique), sont la cerise sur ce gros gâteau.

 

photo, Dan Stevens Dans la boule : le doute, le vertige 

 

TOUJOURS AUSSI BIEN : C'EST PARFAITEMENT DÉCALÉ

Ce n'est plus une surprise pour quiconque a vu la première saison. Legion s'est créée une identité de série décalée, et se complaît dans ce statut pour sa deuxième année. Par bien des aspects, la saison 2 va plus loin dans l'abstraction, et bénéficie d'une liberté de ton et narration assez folle dans le paysage actuel.

L'épisode 5, qui ouvre une brèche dans l'intrigue, illustre parfaitement cette audace. Suite au traumatisme de la perte d'Amy, il y a un déroulé d'autres versions de l'existence de David, entre visions incrongrues et percées gore. SDF, coffee boy, vieux monsieur ou milliardaire grisonnant et tordu : le héros incarne toute la question de la liberté, du libre-arbitre et des possibilités au coeur de la série. Sans jamais perdre son coeur pour autant puisque cet épisode décalé sert finalement une chose, terrible : offrir le flashback de la fin, entre David et Amy, lorsque leurs chemins se sont définitivement séparés. Même derrière la tendance à se satisfaire de l'originalité, il y a l'émotion, le personnage.

Ailleurs, Legion brille par sa direction artistique, des costumes aux lumières en passant par à peu près tous les détails présents à l'écran. Difficile de ne pas être tiraillé entre le rire et le frisson face à l'amiral Fukuyama et ses femmes à moustache aux voix cybernétiques, ou ne pas trembler devant ces claquements de dents terrifiants. Dans le fond comme dans la forme, la série cultive sa différence. Et si cela vire parfois au tic poseur, le résultat reste généralement plus que satisfaisant.

 

photo Vermillion, qu'ils disaient

 

SUPER DOMMAGE : C'EST MOU

C'était le principal problème de la première saison, qui n'est pas encore réglé : la narration qui progresse par à-coups, avance pour mieux reculer, et enchaîne les ruptures de ton et parenthèses quitte à abîmer le rythme. C'est ici particulièrement visible dans la dernière ligne droite qui, après un crescendo efficace, bloque l'évolution pour longuement expliciter certaines choses (notamment sur Melanie).

La chaîne FX a rajouté un épisode aux 10 initialement prévus, et pas sûr que cette confiance ait servi la saison. L'histoire aurait certainement gagné à se reserrer clairement et inexorablement sur Farouk, la recherche de son corps, le danger de cet ennemi éveillé, et ne plus lâcher cet axe jusqu'à la toute fin où la peur change de camp et de visage. Pour une belle parenthèse (le superbe quatrième épisode, sur Syd), il y a une foule de scènes encombrantes, qui semblent exister pour combler un réalisateur ou des scénaristes trop conscients d'eux-mêmes.

Par excès de confiance et d'assurance, Legion se laisse flotter autour des épisodes 8 et 9, et perd de sa force après un milieu de saison très efficace. De nombreux éléments (Fukuyama, le Minotaure, les créatures de l'illusion, Ptonomy) semblent abandonnés, ou bien trop sous-exploités. D'où une impression de rendez-vous pris mais à moitié manqué sur les points majeurs.

 

photo, Dan Stevens, Rachel Keller David et Syd, l'histoire d'amour qui passe de la belle niaiserie à la petite horreur

 

BOF : ÇA TOURNE EN ROND

La voix de ce narrateur (oui, celle de Jon Hamm de Mad Men) qui ouvre les épisodes avec un petit brief sur les thématiques, rappelle bien que Legion interroge depuis le début les notions de réalité et décrypte la folie. Que ces prologues insistent sur ces points semble à la fois inutile et problématique, tant l'histoire rejoue ces choses à différents niveaux.

Hallucinations collectives ou induites par l'ennemi, plongée dans l'esprit de la bande pour les débloquer ou dans un futur possible pour déchiffrer le futur proche, jeu avec la réalité d'une bestiole qui incarne la paranoïa : la saison 2 tourne en boucle sur les sujets de l'illusion vs réalité. L'idée reste passionnante, mais touche à ses limites. Il faudra patienter jusqu'à la fin de la saison pour comprendre la valeur de cette obsession, et la manière dont elle pourrait réécrire les personnages et redistribuer les cartes.

 

Photo Dan Stevens, Legion Dan Stevens reste l'un des grands atouts de la série

 

BOF : ÇA MANQUE D'ACTION

Personne n'a envie d'une série qui cache sa tiédeur derrière de l'action et de l'esbrouffe. Mais tout le monde a probablement envie que Legion embrasse plus passionnément son statut de série de super-héros, centrée sur un mutant surpuissant (Legion est dans les comics de niveau Oméga, étiquette donnée aux personnages les plus puissants, comme Phénix, Tornade ou Shadow King).

L'image de David au milieu d'une cuisine ravagée par ses pouvoirs a été parmi les plus marquantes de la saison 1, et la saison 2 touche du bout des doigts ses pouvoirs et capacités. Que la série refuse de plonger tête la première dans un genre surexploité au cinéma et dans les séries, est un parti pris aussi intéressant que respectable. Mais il n'y a qu'à voir la pirouette de l'affrontement tant attendu entre David et Farouk, qui rentre plus dans la catégorie des parenthèses stylistiques qu'autre chose, pour se dire que Legion gagnerait à assumer le genre et le personnage.

La question du budget se pose, mais un épisode de Legion coûterait dans les 4 millions : à peu près comme Daredevil ou Gotham, et deux fois moins que beaucoup d'épisodes de Game of Thrones. Ce serait donc plutôt un choix de distribution des dépenses. Et la série ne manque pourtant pas d'idées et d'envies, comme lorsque Kerry affronte une armée de soldats sortie de ce mystérieux trou. Il manque simplement à la série de vraies scènes d'action pleinement assumées et travaillées, et des effets qui agiraient comme des électrochocs et des balises importantes.

 

photo, Bill Irwin, Amber Midthunder Kerry (Amber Midthunder), à peu près le seul personnage susceptible d'amener de l'action 

 

A SUIVRE : LA FIN DE LA SAISON

Si l'affrontement avec Farouk est plié un peu trop vite après quasiment deux saisons entières autour de lui, Legion marque un grand et beau point avec son virage brutal de dernier épisode. Pris dans la toile tendue par le Shadow King mais également par de profonds doutes sur la nature de David, le groupe ainsi que la Division 3 décident de l'emprisonner et le contrôler. Empêcher l'éventuelle catastrophe, brider un être trop puissant pour être fiable, mais également provoquer la catastrophe redoutée en essayant de l'éviter : la fin de la saison 2 soulève de vives questions.

Que David prenne un visage plus inquiétant vis-à-vis de Syd, avec une histoire d'amour qui sera passée de romance post-ado à horreur intime, permet à cette conclusion d'être encore plus forte. Lorsqu'il embrasse enfin sa dimension surpuissante et surflippante dans une scène où il démontre l'étendue de ses pouvoirs presque malgré lui, avant de revenir vers Lenny, la seule qui ne l'a jamais abandonné, Legion réalise sans nul doute un beau choix scénaristique.

 

photo, Rachel KellerSyd (Rachel Keller) devrait gagner une nouvelle dimension dans la saison 3

 

Ce duo à la Bonnie et Clyde, qui devrait une nouvelle fois replacer l'excellente Aubrey Plaza au milieu de l'équation, annonce une saison 3 plus qu'intéressante, qui prendra le risque de changer bien des chosesNoah Hawley a expliqué son intention très claire d'interroger les fondations de Legion, et poser une question ténébreuse : et si Syd était l'héroïne de la série, et pas David ?

Chacun décide de croire davantage en soi-même (que ce soit une version venue du futur, ou des hallucinations intérieures), qu'en l'autre. Quand Syd finit par dire à David qu'il n'est ni fou, ni surpuissant, mais les deux, quelque chose se brise en lui, et chez le spectateur. Et en sortant cette carte de l'ambiguïté et l'ambivalence entre le Bien et le Mal, notamment très utilisée dans les films X-Men, Legion pourrait gagner une dimension passionnante.

 photo, Dan Stevens, Aubrey PlazaAubrey Plaza et Dan Stevens

 

Au détour d'un générique qui débarque à la fin de l'épisode et s'imprime sur un mur du décor, d'une scène de danse absurde, d'une vision cauchemardesque de créature visqueuse, ou d'une souris bavarde, Legion rappelle sa capacité folle à bouger les lignes traditionnelles du genre, et des séries actuelles. Comme peu d'autres, elle surnage par sa maîtrise formelle, sa mise en scène majestueuse, sa liberté enivrante et son désir de ne pas respecter les codes.

La saison 2 traîne avec elle encore beaucoup des fragilités et failles de la première année, mais trouve également quelque chose de nouveau : une certaine beauté noire dans le traitement de ses personnages, et notamment de David, qui glisse lentement vers le côté obscur face à celle qu'il aime - trop, trop mal, trop violemment, trop follement.

Difficile de ne pas saluer de telles réussites, et ne pas considérer la création de Noah Hawley, portée par l'excellent Dan Stevens, comme l'une des séries les plus passionnantes du moment.

La saison 2 de Legion est disponible en replay jusqu'au 18 juillet sur OCS.

 

Photo Legion

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commentaires
Kmz
04/07/2019 à 09:44

Cette série rien que par sa mise en scène de la "folie", son esthétisme sublime, psychédélique portée entre autres par un acteur qui semble complètement possédé par son personnage mérite déjà une mention plus qu'honorable.

Je n'ai vu qu'il s'agissait d'un MARVEL qu'a partir de la saison 2 haha... (Je déteste les Marvels en general exception pour Spiderman et X-men 1 huhu...). Pas besoin d'en rajouter. :D

Les profil du type "Monsieur Jean, comptable, fan des experts à Miami et des Avengers, psychorigide, cartésien mais un peu con, consomme deux verres de vin le samedi soir, esprit étriqué et premier degré absolu.." PASSEZ VOTRE CHEMIN :D

Donc mon avis sur cette serie qui m'a happée personnellement au bout de 4 épisodes de la saison 1, comme bien résumé dans un passage de l'article aurait du prendre plus d'élan dans les 3 derniers épisodes de la saison 2 MAIS peu importe, car rien L'EPISODE 6 de la saison 2 (sorte d'interlude) est magistrale, bouleversant, et donne vie a la fameuse théorie des cordes (Wikipedia pour ceux a qui ca ne parle pas) avec une réalisation somptueuse et impeccable. La musique est juste wow...


Bon vivement la saison 3 qui j'en suis sure fera entrer LEGION dans la légende :D
+++++++

Sur l'action
22/02/2019 à 10:19

L'action ne m'a pas manqué, pour ma part.

Les deux "Super-Heros", David et Farouk, sont des télépathes. Leur pouvoir consiste à investir la psyché et à y projeter de l'imaginaire.

Et c'est ce qu'ils font tout au long de la série.

Pour moi, ils déploient sans cesse leur pouvoir, qui ne consiste justement pas à soulever des buildings. Et s'ils peuvent en soulever, ça reste beaucoup moins efficace pour obtenir ce qu'ils veulent que ces déformations permanentes de la réalité.

Les autres vivent dans leur monde. Et nous avec. C'est pour cela qu'ils sont des dieux, comme dit Farouk.

Starshine
07/09/2018 à 09:30

Super serie , parfois un peu difficile à suivre , ceux qui la dénigrent sont probablement ceux qui ne le peuvent (pas donné à tout le monde). A voir

Tutudi
23/08/2018 à 18:52

LOL les gens ont tellement des goûts de merde c'est pas nouveau. Legion met à l'amende tous les films Marvel hollywoodiens qui sont des navets riducules.

Dès que ça sort des carcans ça râle, les gens sont étriqués et stupides.
Bref, juste la meilleure série des cinq dernières que j'ai vu à ce jour, c'est consistant, parfaitement réalisé, avec des vrais bons dialogues (il était temps !), Aubrey est juste exceptionnelle, quelle queen ! C'est travaillé, c'est maîtrisé et nullement prétencieux, quel tour de force !

Ceux qui passent par là et qui n'ont pas vu la sére foncez ! Y a de l'action en plus (pas des boucheries à foison, si c'est ça que vous appelez action mdr)

Cuttyflam
21/06/2018 à 12:37

Vous rigolez, c'est de la patate cette série. Superbe mise en scène et réal, histoire prenante, personnages intéressants et travaillés et j'en passe.

lemon
20/06/2018 à 12:56

C'est chiant, parfois n'importe quoi, on attend que ça décolle et puis non et puis oui mais que c'est beau. C'est plus fort que moi, pendant la moitié du temps je me dis que je vais arrêter de regarder la série mais non, finalement c'est plus fort que moi, je reste scotché devant.

Number6
19/06/2018 à 21:56

C'est un peu comme les séries marvel et les films du mcu. Si on croit toujours que #toutestlié, on est forcément déçu. Et légion n à pour l'instant aucune prétention à être dans le même univers que gift ou bien les films x men. Déjà les films entre eux se contredisent, alors laissons la série là où elle doit être.

Pieds dans le plat.
19/06/2018 à 20:07

Mon Dieu que c'est chiant !
Aussi bordélique que Dr Who et un lien avec les x-men inexistant, (On se croirait dans les 70's). Vu péniblement la saison 1, ils ne m'auront pas avec la seconde.

Alfred
19/06/2018 à 19:00

L'action (ou son absence) ne m'a pas manqué.
Ce que je reproche à la série, c'est le développement de son héros, qui patine grave.
Le coté pleurnichard, ça va deux seconde.
Alors oui, il y a ce dernier épisode, et on a envie de dire "ENFIN".
Et puis il y a cet épisode de deuil sublime.
Mais ca reste une de mes séries favorite.

Lorne Malvo
19/06/2018 à 18:56

@Geoffrey Crété - Rédaction

En fait ce que vous lui reprochez c'est qu'on ne voit pas suffisamment David faire étalage de ses pouvoirs ? Si c'est ça, je suis on ne plus d'accord avec vous. David a un potentiel de dingue mais on ne le voit pas assez nous montrer ce qu'il a réellement dans le ventre.
Evidemment que le genre SH est sujet à divers interprétations mais ce que je voulais dire c'est que, de mon point de vue, si on vend cette série aux gens sous l'étiquette "SH", ils seront vite déçus car n'étant pas (ou peu) soumise aux codes "super-héroïques" (du moins, ceux mis en place pas les récentes adaptations). Au final, moi, ce qui me gêne dans le terme "super-héros" c'est le "héros" sous son sens moderne de justicier. David n'est pas comparable à Iron Man par exemple.
Sinon, pour l'autre projet approché par Hawley avant Legion, vous parlez de celle dédiée au Club des Damnés ?

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