Legion : pourquoi c'est l'une des séries (de super-héros) les plus folles et excitantes du moment

La Rédaction | 3 avril 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 3 avril 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En huit épisodes, la série Legion consacrée à un des plus puissants X-Men a prouvé sa valeur.

Sur le papier, c'est une tentative de surfer sur le succès des séries Marvel sur Netflix, et une manière de redonner quelques couleurs à la saga X-Men qui commence à se fâner au cinéma (Apocalypse a rapporté presque 200 millions de moins que Days of Future Past au box-office, et le casting principal ne devrait pas revenir).

En réalité, Legion a surpris dès son très bon pilote : une réalisation enivrante, un casting solide, un univers mystérieux, et une approche ambitieuse et inattendue du genre, très loin d'une exploitation purement cynique d'un filon. Alors que la première saison de huit épisodes s'est terminée la semaine dernière aux Etats-Unis, et arrivera en France le 25 avril sur OCS Max, retour sur cet étrange et fascinant objet offert par la chaîne FX.

 

Photo Dan Stevens

 

SURPRISE SUR PRISE

Noah Hawley, l'homme derrière Legion, n'en est pas à sa première surprise. En 2014, il a étonné et charmé avec Fargo, adaptation redoutée du film culte des frères Coen : ce qui était perçu comme une énième manière d'exploiter une oeuvre adorée, dans un océan de tentatives désastreuses, s'est révélée être un objet fabuleux, salué par la critique et le public. 

En réaction à ce carton, la chaîne FX lui offre sur un plateau la possibilité de développer une série autour des X-Men. Le scénariste est fan des comics, c'est donc un parfait mariage. Mais il n'est pas emballé par leur idée d'une histoire centrée sur le Club des damnés, qui réunit des adversaires des X-Men : à la place, il imagine avec Simon Kinberg, scénariste des films au cinéma, une série qui ira plus loin, prendra le genre d'une manière inédite.

En quête du super-héros qui permettra ce voyage, le duo s'arrête sur David Haller alias Legion. Le nom est méconnu des néophytes, mais c'est le fils surpuissant de Charles Xavier, le célèbre professeur à la tête des X-Men. Un très bon argument marketing donc, mais pas que : Legion a ainsi vite défendu une place inattendue, voire inespérée, sur le marché du super-héros.

 

Photo Dan Stevens

Dan Stevens, révélation de Legion

  

WHERE IS MY MIND 

Une saison a confirmé ce que le pilote a revendiqué : Legion est une série qui n'a rien à avoir avec la concurrence. Agents of S.H.I.E.L.D., Arrow, Flash, Supergirl, Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage, Iron Fist, Gotham, Powerless, ou les moins récents Heroes, Misfits, Smallville : rien ne ressemble à la série FX.

Legion ne réinvente ni les ficelles ni les motifs : de la société obscure qui chasse les mutants pour de mystérieuses raisons à la lutte intérieure du héros contre son démon intime en passant par l'amourette impossible, l'intrigue tourne autour de concepts classiques. De nombreux éléments sont même des variations des comics (voir la partie consacrée à la question, plus bas). Le plus clair de la saison aura été passé dans l'esprit de David, à essayer de demêler le vrai du faux, dans un puit étourdissant qui ferait passer celui où tombe Alice pour une promenade de santé : là encore, rien de profondément nouveau.

 

Photo Jean Smart

 Jean Smart a retrouvé Noah Hawley après la saison 2 de Fargo

 

Sauf que ce fond classique est sublimé par la forme. Et quelle forme. Avec une direction artistique typée seventies qui se contrefiche de la question du contemporain et une palette de couleurs folles qui évacue toute question de réalisme, Legion multiplie les écarts formels, ruptures de ton et effets de style. Image retournée, noir et blanc agrémenté de cartons de film muet, séquence musicale, surimpressions, ralentis extrêmes, scène totalement muette : chaque épisode est un plaisir insensé.

Avec ce sens de la mise en scène fabuleux et cette liberté extraordinaire, Legion se classe aux côtés de True Detective, Hannibal ou encore Mr. Robot parmi les séries les plus soignées et ambitieuses visuellement de ces dernières années. A ce stade, la télévision américaine rappelle qu'elle est capable de se montrer plus excitante et inventive que beaucoup de films.

 

Photo

 

INLAND EMPIRE 

Avec cette force de frappe visuelle, difficile pour Legion de se montrer aussi percutante et originale dans ses intrigues. Principal reproche adressé à la série : son rythme, son manque d'enjeux, une sensation de surplace et une capacité à étirer sur plusieurs épisodes les mêmes choses. En somme, Legion serait une belle carcasse un peu vide et très clinquante. Une évidence particulièrement vraie ici : la sensibilité de chacun lui permettra ou l'empêchera de plonger dans l'univers, et accepter ses codes. 

Parce que ce que la série a comme faiblesses, elle le contrebalance avec ses forces. La richesse de la mise en scène et ses nombreuses parenthèses décalées ont beau sembler gratuites, elles contribuent autant à l'intrigue et l'identité de la série qu'une poignée de courses poursuites, bastons et fusillades chez la concurrence. L'action est discrète dans Legion, à la fois pour des raisons budgétaires et par volonté : l'aventure est intérieure, et la valeur d'une scène d'action de super-héros se déplace vers des scènes absurdes et des visions cauchemardesques. 

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Et si Legion a parfois flotté dans sa narration, sans tirer profit de toutes ses cartes (notamment le rôle d'Amy), la série a évité l'un des grands pièges actuels : une histoire étirée sur trop d'épisodes. C'est l'une des principales faiblesses du côté de Marvel et Netflix, où les saisons ont globalement des difficultés à justifier leurs 13 épisodes. Sur FX, American Horror Story et The Strain sont même passées de 13 à 10 épisodes pour leurs dernières saisons. Avec huit épisodes, Legion se montre plus humble et magnile. Car avec cinq épisodes de plus, elle aurait certainement perdu beaucoup de sa prestance.

 

Photo Aubrey Plaza

Aubrey Plaza, très loin des pitreties bon enfant de Parks & Recreation

 

MONSTRES DE COMPAGNIE

Si Noah Hawley et Simon Kinberg ont choisi ce super-héros, c'est précisément parce qu'il leur permet de s'échapper du monde ordinaire pour explorer des territoires étrangers, à la manière du plan astral de Doctor Strange ou de l'univers subatomique d'Ant-Man. Sauf qu'ici, la balance est renversée : ce n'est pas quelques minutes et scènes à effets qui sont consacrées à ces dimensions, mais bien la majeure partie de l'histoire. 

Un choix qui permet à la série d'exploiter avec une générosité et un plaisir certains la bizzarerie sous diverses formes. Le Roi d'ombre, le grand antagoniste de la saison, aura ainsi pris différents visages particulièrements : un obèse aux yeux jaunes, un môme avec une tête en carton, sans oublier la géniale Aubrey Plaza, en roue libre. Legion joue avec les codes du film d'horreur, et offre des images saisissantes, soutenues par un excellent travail sur le son et la musique. 

Quitte à flirter avec l'abstraction et perdre son public, Legion jouit d'une liberté de ton extraordinaire, qui lui donne des airs de curiosité voire d'anomalie dans l'industrie de la série télévisée américaine.

 

Photo

 

DU COTE DES COMICS 

La question de l'adaptation, incontournable, elle est aussi un atout pour la série.

Legion est un personnage apparu dans les pages de la série New Mutants (Les nouveaux mutants en VF) dans les années 80. Fils du Professeur Xavier, il a la particularité d’avoir plusieurs personnalités, chacune contrôlant un de ses pouvoirs. Legion se démarque des autres adaptations Marvel, qu’il s’agisse des films ou des séries : il n’y a pas d’adaptation au sens strict d’une ou plusieurs histoires tirées des comics, et on retrouve très peu de choses de l’univers de papier des X-Men. Hormis David et le méchant de la série, tout est suggéré plutôt que directement adapté.

 

Photo Legion et son père (comics)

David et son père, version comics

 

Ainsi, la galerie de personnages évoque beaucoup les comics, mais plus comme des échos qu'une vraie adaptation. L’équipe de Melanie Bird ressemble immanquablement aux X-Men, sans pour autant être directement adapté des enfants de l’atome. La femme interprétée par Jean Smart rappelle à la fois le Professeur Xavier et Moira McTaggert, le grand amour du chef des X-Men, avec lequel elle travaille sur la mutation.

Impossible de ne pas penser à Malicia face à Syd, dont les pouvoirs rappellent ceux de l'héroïne incarnée par Anna Paquin au cinéma. Sa romance avec David a par ailleurs des points communs avec celle de Scott Summers (Cyclope) et Jean Grey (Phenix). Cary évoque le Fauve par son côté scientifique, mais aussi Madrox, l’homme multiple, avec son curieux pouvoir. Mais ce ne sont que des possibilités, des pistes : chaque lecteur de comics peut voir des sources différentes suivant ses lectures (il semblerait qu’on retrouve pas mal de choses des travaux de Grant Morrison, et notamment des Invisibles).

 

Photo Dan Stevens, Rachel Keller

Les X-Men, sans être les X-Men

 

Et c’est là que Legion fait très fort : au lieu d’adapter des personnages, la série adapte des concepts. Cela permet aux scénaristes d’avoir une grande liberté de manoeuvre sans que le fan ne se sente trahi parce que la boucle de ceinture de son personnage préféré n’est pas la même que dans un comic book de 1981.

On retrouve avant tout l’esprit du comic book et en un sens, c'est plus fidèle et satisfaisant qu’une retranscription directe, qui ne peut que trahir son modèle à cause des différences inévitables entre papier et action live. Sans oublier que plusieurs éléments de la série (The Eye, la Division, Clark) sont des inventions qui ne sont pas inspirées par les comics, ou alors par petites touches discrètes (un vague cousinage entre la Division et le projet Arme X qui a donné naissance à Wolverine ?).

 

Photo Hamish Linklater

Clark, comme beaucoup d'autres personnages, ne vient pas des comics

 

Seuls les personnages de David et le Roi d’ombre sont directement adaptés des comics. Mais là encore, ils ne sont pas semblables à leurs modèles de papier : les personnalités multiples de David ne sont pas au programme de la série, et le Roi d’ombre est un mélange de différents vilains (le Roi d’ombre original, Cassandra Nova et Proteus).

 

Comics Charles Xavier vs Amahl Farouk

Le Roi d'ombre version comics

 

Les références et clins d'oeil parfois très attendus sont finalement assez subtils pour être ratés. A commencer par le Professeur Xavier, jamais explicitement nommé mais clairement évoqué : un mutant très puissant, doté de pouvoirs télépathiques et cloué dans un fauteuil roulant (aperçu de façon fugace lors d'une vision). Ailleurs, il y a la lettre X, présente dans de nombreux décors, ou le fameux bandeau qui permet de neutraliser le roi d’Ombre, une référence aux comics.

 

Roue de fauteuil roulant

On devine de qui il s'agit...


Enfin, la scène post-générique de cette première saison est énigmatique. Est-ce une référence au dessin animé X-Men Evolution, où des dispositifs de ce genre étaient utilisés par… Magneto ? Le fameux ennemi des X-Men, ami puis ennemi du Professeur Xavier, nous fera-t-il l’honneur de sa visite ?

Nul doute que Legion saura jouer avec les fans et l'héritage des films. Mais là encore, ce n'est qu'un détail : la série de Noah Hawley n'a pas besoin des X-Men pour exister. Elle n'a même pas eu besoin d'eux pour surprendre, séduire et impressionner avec sa première saison inclassable, qui est l'une des plus belles surprises de ces dernières années.

 

En partenariat avec Watchtower Comics

Affiche

 

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commentaires
KLM
04/04/2017 à 09:05

Pour ma part, Daredevil et compagnie c'est l'ennui poli. Les affrontements dans les couloirs, les cages d'escalier, les ruelles sombre et les immeubles éclairés au néon, c'est tout sauf excitant. Et j'ai d'ailleurs toujours trouvé plus amusant de voir des boules de feu et objets qui lévitent, que des coups de poing - après tout, c'est du super-héros, pas du Statham.

dredd
04/04/2017 à 01:05

Le défaut de ''Legion'' réside dans ses scènes d'action, et c'est ce qui fait à mon humble avis de Daredevil la meilleure série issue de comics. Les amateurs de comics aiment les personnages qui font du corps-à-corps voilà pourquoi Hulk-CapA-Spiderman-Batman-Superman et j'en passe sont les plus populaires. Balancer des tornades psychiques ou des boules de feu c'est bien mais voir le méchant se prendre un gros coup de poing dans la tronche est plus jouissif. Les rares scènes de corps-à-corps de cette série sont trop bâclées. À revoir. Mais sinon, globalement cette série est vraiment pas mal.