Philip K. Dick's Electric Dreams : que vaut ce nouveau Black Mirror de pure science-fiction ?

Geoffrey Crété | 29 janvier 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 29 janvier 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Zoom sur la série adaptée de l'œuvre de Philip K. Dick, auteur de Minority Report et Total Recall.

Le succès phénoménal de l'anthologie Black Mirror, confirmé par la récente quatrième saison, a sans surprise donné des idées. Philip K. Dick's Electric Dreams a donc débarqué sur Amazon Video, avec un menu similaire : une anthologie d'histoires de science-fiction de l'écrivain culte Philip K. Dick, bien connu du public grâce aux adaptations de Total RecallMinority Report ou Blade Runner.

Derrière la caméra, il y a notamment Ronald D. Moore, créateur de l'excellente série Battlestar Galactica. A l'écran, il y a Bryan Cranston (producteur de la chose), Anna PaquinSteve BuscemiJuno TempleSidse Babett Knudsen, Richard Madden ou encore Vera Farmiga.

Bilan de cette première saison de dix épisodes.

ATTENTION SPOILERS

 

 

THE HOOD MAKER

Dans une société quasi-totalitaire, les rares humains à avoir développé des dons de télépathie sont méprisés et maltraités par les autres. Parmi les plus chanceux, Honor travaille pour la police, avec l'agent Ross. Elle l'aide à enquêter sur le mystérieux Hood Maker, qui fabrique des masques capables de résister à la télépathie...

Le premier épisode de Philip K. Dick's Electric Dreams vend vite du rêve. Atmosphère urbaine ténébreuse à la Blade Runner à cheval entre la science-fiction et le rétro, climat social tendu entre des humains et des simili-mutants télépathes, enquête type film noir sur un groupe masqué aux plans mystérieux : The Hood Maker est une entrée en matière excitante, suffisamment claire dans ses intentions et ambitieuse dans son rendu pour éveiller l'intérêt et accrocher le regard.

L'épisode est réalisé par Julian Jarrold (JaneThe Red Riding Trilogy - 1974), avec Richard Madden de Game of Thrones et Holliday Grainger. Il est le beau détective ténébreux, elle est la petite chose étrange et sensible. Aucun d'eux ne sera ce qu'il semblait être, bien sûr, mais l'épisode construit autour de leur relation un monde et un contexte suffisamment forts et prenants pour ne pas laisser le temps de s'attacher aux aspects les plus attendus. La ville devient un théâtre de chaos de plus en plus violent et noir, tandis que l'étau se resserre sur les protagonistes. C'est simple, clair, efficace, avec une foule d'éléments fascinants en toile de fond.

A ce titre, la fin de The Hood Maker est probablement parmi les plus réussies de cette première saison, tant elle résiste aux effets trop faciles pour offrir une conclusion amère et très belle autour du personnage de Honor. Et Julian Jarrold démontre un réel talent de metteur en scène en créant en une quarantaine de minutes un univers profondément vaste et crédible.

 

Photo Richard MaddenRichard Madden et Holliday Grainger

 

IMPOSSIBLE PLANET

Deux guides touristiques de l'espace reçoivent une cliente de 342 ans, qui leur offre une somme incroyable pour réaliser son rêve : voir la Terre. Parce que celle-ci est abandonnée et oubliée depuis longtemps, ils décident de l'emmener vers une autre planète, en lui faisant croire que c'est bien celle dont elle rêve.

Rien à voir avec l'épisode mémorable du même titre de la deuxième saison de Doctor Who, même s'il affiche une direction artistique colorée qui flirte avec la série B, que ne renierait pas la célèbre série britannique. Réalisé par David Farr, notamment co-scénariste de Hanna de Joe Wright, Impossible Planet se veut être une fable mélancolique sur la mémoire, autour de l'idée qu'une chose continue à vivre tant qu'elle est un souvenir.

 

Photo Jack Reynor

Jack Reynor

 

L'ambition est plus ou moins réussie. L'épisode est visuellement beau, possède une vraie force dans ses décors et ses partis pris, avec une dimension particulièrement cinématographique. Jack Reynor, révélation de What Richard did vu depuis dans Transformers 4 et Detroit, confirme qu'il est un acteur à suivre, doté d'un physique et d'une sensibilité fascinants. Face à lui, Geraldine Chaplin est excellente en vieille dame triste et rêveuse, créant d'ailleurs un point commun avec Black Mirror puisque sa fille Oona Chaplin a joué dans l'épisode White Christmas. La rencontre entre ces deux acteurs très différents, que tout oppose a priori, crée quelque chose d'étonnant à l'écran. En arrière plan, Benedict Wong est lui aussi parfait.

Mais Impossible Planet souffre d'une écriture maladroite et approximative, et d'un point de vue qui aurait mérité plus de force, de clarté. L'aspect mélancolique et ambigü ne fonctionne qu'à moitié, et ressemble finalement plus à un coup d'esbrouffe qu'à une histoire solide. Difficile d'être convaincu par ce récit un brin confus, où le sens se dilue au rythme d'une narration un peu molle, jusqu'à se conclure sans éclat ni réelle magie. Le spectre d'un Solaris, par exemple, pèse sur l'épisode, qui ne remplit qu'à moitié sa mission.

 

PhotoLe robot est parmi les éléments très réussis de l'épisode

 

THE COMMUTER 

Employé des chemins de fer, Ed Jacobson a une vie familiale compliquée, avec un fils pris de crises psychotiques. Un jour, une femme vient lui demander un ticket pour Macon Heights, une station qui n'existe pas. Lorsqu'elle disparaît subitement avant qu'il n'ait pu lui répondre, il commence à chercher des informations sur cette étrange destination.

The Commuter est probablement l'épisode qui souffre le plus d'une durée imposée qui ne correspond pas à son récit. Sur le papier, c'est une histoire parfaitement Dickienne, qui questionne le rapport entre réalité et rêve, fantasme et cauchemar, en offrant à un homme ce qui serait une version plus douce et heureuse de sa vie. 

A l'écran, c'est un épisode au rythme problématique, dont la mécanique de répétition (dans les actions, les décors, les motifs) joue contre lui. Timothy Spall a beau être un acteur solide, le réalisateur Tom Harper (La Dame en noir 2 : L'ange de la mort) peine à faire décoller son univers, et donner la portée émotionnelle nécessaire. The Commuter semble adopter une posture poussive d'épisode sérieux, qui ne résonne pas autant que la belle nouvelle de Philip K. Dick.

 

Photo Timothy Spall

Timothy Spall

 

CRAZY DIAMOND

Dans un futur où l'érosion menace les habitations, et où la nourriture est rare. Ed Morris est employé d'une société qui produit des êtres synthétiques composés d'un corps, et d'un QC (Conscience quantique) qui leur donne la vie. Il rencontre l'une d'elles, une femme sur le point de mourir, qui a besoin de son aide pour voler des QC.

Crazy Diamond de Marc Munden (ex-assistant de Mike Leigh passé sur la série Utopia) est certainement l'un des épisodes les plus intrigants et excitants de la saison. Déjà parce qu'il s'impose visuellement comme l'un des morceaux les plus ambitieux, avec un univers entier qui recelle de décors et de détails pour agencer un futur au bord du gouffre. Des maisons modernes qui tombent dans la mer sur les falaises aux visages porcins, Crazy Diamond accroche d'emblée l'oeil, grâce notamment à une très belle photographie. 

Le face-à-face entre Steve Buscemi et l'excellente Sidse Babett Knudsen, révélée dans la série Borgen et vue depuis dans L'Hermine, est l'autre grand point fort tant les scènes entre les deux acteurs sont irrésistibles. Le numéro de gentil looser du premier et celui de vamp de la deuxième est délectable. Dans un second rôle, Julia Davis crée d'ailleurs un pont avec Black Mirror puisqu'elle a joué dans l'épisode Fifteen Millions Merits.

Crazy Diamond est-il pour autant entièrement satisfaisant ? Non. Peut-être par excès d'ambition. Autour d'une version finalement bien sage de femme fatale futuriste mais classique, l'intrigue empile un certain nombre d'éléments peu voire pas exploités, qui finissent par créer un décor si riche et étrange, qu'il attire plus l'attention que ce qui relève de l'intrigue principale. Intrigue qui se révèle donc bien simplette, comparée au monde présenté, qui va des sous-citoyens porcins aux êtres artificiels évolués en passant par une catastrophe écologique en puissance. Une déception donc, avec un épisode qui commence fort avant de retomber trop lâchement.

 

Photo Steve BuscemiSteve Buscemi

 

REAL LIFE

Dans une ville futuriste, Sarah, une policière, est traumatisée par la mort de plusieurs collègues, tués par un dangereux malfrat encore en liberté. Pour l'aider, sa petite copine lui offre la possibilité de s'évader dans un monde virtuel grâce à un appareil, qui s'adapte à ses désirs et lui donne ce dont elle a besoin.  

Real Life est sans conteste l'épisode qui sera le plus Dickien pour le grand public, en abordant la question trouble de la nature de la réalité, centrale dans l'œuvre de l'écrivain. Impossible de ne pas voir du Total Recall dans l'expérience de Sarah/George, qui se perd dans les méandres d'une réalité virtuelle déstabilisante, où le personnage et le spectateur glissent au point de ne plus savoir où se situe le vrai et le faux.

Rien de bien nouveau au fond donc, tant Real Life se contente de recycler cette question, maintes fois traitée dans la science-fiction. Jeffrey Reiner, réalisateur passé sur The Affair, a beau filmer l'épisode avec efficacité, et avec une direction artistique réussie, l'épisode demeure bien trop attendu et carréAnna PaquinTerrence Howard ou encore Lara Pulver sont excellents, et portent avec brio la charge émotionnelle de l'histoire, mais Real Life semble n'être qu'un vain écho à une ligne fondatrice de l'œuvre de Philip K. Dick.

Malgré le travail d'adaptation (la nouvelle est centrée sur George, et se déroulait en partie dans les années 50), l'épisode est trop scolaire pour encore susciter de grandes réflexions, tant la question a été traitée par une quantité folle de films, séries et jeux vidéo depuis. Il manque à Real Life une dimension plus grande, plus fine, et moins axée sur le twist attendu, pour véritablement briller et s'envoler.

 

Photo Anna PaquinAnna Paquin

 

HUMAN IS

Terre, 2520. La planète étouffe, et des missions spatiales sont lancées afin de récupérer de précieuses ressources ailleurs. Vera Herrick, chargée de ces opérations dangereuses, est mariée à Silas, un colonel froid et odieux. De retour d'une mission sur Rexor IV, une planète habitée par des formes de vie intelligente, celui-ci semble radicalement changé...

C'est Francesca Gregorini, remarquée avec les films Tanner Hall et The Truth about Emmanuel, qui réalise cet épisode interprété par Bryan Cranston, l'un des producteurs de la série. Human Is est certainement l'un des épisodes les plus axés sur l'émotion, avec un questionnement sur l'amour en tant que sentiment universel qui va au-delà des espèces et des règles. Pour cette raison, Human Is flirte avec une forme de niaiserie qui dénote dans la saison, et joue une carte sensible particulièrement forte vu le décor de Terre ravagée, glacée et quasi-morte où se déroule l'histoire.

Plus que Bryan Cranston, c'est Essie Davis qui mène la danse dans le rôle de cette femme faussement froide, qui brûle secrètement de désir. Au milieu d'un dispositif de mise en scène un peu mécanique, qui s'enterre dans une approche très léchée et distante, l'actrice est un vrai phare, la caméra étant au plus près de sa peau et son visage. Son interprétation dans les mêmes tons froids domine l'épisode, et lui donne une sorte d'énergie mortifère artificielle. Passé les premiers instants impressionnants, grâce à une direction artistique intéressante, Human Is tourne un peu en rond, se contente d'offrir plusieurs versions des extérieurs et n'exploite jamais vraiment l'Autre au coeur du récit.

Cette version élégante et optimiste d'Intrusion, navet oublié avec Johnny Depp et Charlize Theron, séduit donc par son parti pris de délaisser le spectacle au profit des émotions de ses personnages, sans pour autant se montrer si fin et fort qu'il ne le pense.

 

Photo Bryan CranstonBryan Cranston

 

KILL ALL OTHERS

2054. L'Amérique est devenue une méganation envahie par la publicité, et dirigée par un parti unique sur le point d'être réélu. Employé ordinaire d'une usine, peu enclin à la consommation abrutissante, Philbert Noyce écoute le discours télévisé de la Candidate lorsqu'il entend son invitation à tuer "les autres". Le fait que personne ne s'en émeuve le plonge dans une spirale de paranoïa...

L'un des meilleurs épisodes de la saison, réalisé par Dee Rees, très remarquée cette année avec Mudbound. Il y a quelque chose de John Carpenter côté Invasion Los Angeles dans cette histoire d'homme ordinaire qui ouvre peu à peu les yeux sur l'horreur silencieuse d'une réalité cauchemardesque, qui noie la population sous une publicité massive pour l'anesthésier et libérer une parole dangereuse.

Que la nouvelle The Hanging Stranger, adaptée ici, parle clairement d'invasion extraterrestre, ne fait que renforcer ce sentiment. L'accent est ici mis sur le discours politique, avec une dictature embrassée par une nation entière, et incarnée par une Vera Farmiga excellente en seulement quelques scènes et regards terrifiants.

La mécanique est là encore bien connue, et le glissement du héros parfaitement interprété par Mel Rodriguez (The Last Man on Earth) est aussi inéluctable qu'attendue. Kill All Others brille donc plus par sa peinture classique mais excellente d'un futur tangible, extension à peine ridicule de 2018, mise en scène avec élégance par Dee Rees. Avec une maîtrise impeccable, un sens du rythme très solide, une très bonne musique de Bear McCreary (connu pour ses mélodies inoubliables de Battlestar Galactica) et la photo de Pepe Avila del Pino (passé sur Quarry), elle offre là l'un des morceaux les plus satisfaisants. 

 

Photo Vera FarmigaVera Farmiga

 

AUTOFAC

20 ans après une guerre qui a ravagé la Terre, des usines automatiques continuent de tourner dans le vide pour produire, créant une pollution qui devient de plus en plus invivable pour les survivants.

A condition d'accepter que Philip K. Dick's Electric Dreams souffre globalement de sérieux problèmes omniprésents, Autofac est l'un des épisodes les plus tendus. C'est le plus efficace, le plus satisfaisant et le plus solide de la saison, en plus d'être celui qui propose le voyage le plus équilibré entre un désir de traiter les thématiques Dickienne, et la nécessité d'intéresser un public pas forcément connaisseur.

Réalisé par Peter Horton, Autofac (adapté de la nouvelle Le Règne des robots, publiée dans les années 50) est aussi l'épisode qui assume le plus son scénario à twist pour en faire un vrai moteur, sans le noyer sous un discours un peu fumeux et flou. C'est une ficelle très familière, qui a d'évidentes limites en terme de logique interne (notamment sur le comportement d'Emily alias Zabriskie), mais c'est surtout une manière d'emballer un épisode diablement efficace.

 

Photo Janelle Monae

Janelle Monae

 

La direction artistique à la Terminator (un futur fait de ferrailles, sous le joug de machines devenues incontrôlables) est plaisante à l'œil et répond aux attentes d'une anthologie de science-fiction. Entre des paysages post-apocalyptique attendus mais réussis, et l'apparition d'une robot-tueur aussi étrange qu'effrayant, l'amateur de SF sera ravi. L'idée d'une méga-usine qui tourne éternellement pour accomplir sa mission est d'ailleurs particulièrement angoissante et fascinante. Réflexion sur un monde absurde, sur un consumérisme absolu, sur une société qui crée son propre cimetière et s'enterre sous des besoins artificiels : Autofac déroule des réflexions passionnantes en toile de fond.

Au premier plan, il y a Juno Temple, excellente, et Janelle Monae, vue dans Les Figures de l'ombre ou Moonlight et parfaite en robot. L'histoire d'Emily alias Zabriskie est l'occasion d'aborder la question de la conscience, et du fossé finalement infime entre l'humanité et l'artificiel - du Philip K. Dick donc. Ainsi, derrière la chute du récit, il y a une certaine mélancolie, très belle, qui pousse Autofac au-dessus de la mêlée pour en faire un épisode particulièrement intéressant.

 

Photo Janelle Monae

 Juno Temple et Janelle Monae

 

SAFE AND SOUND

L'Amérique est divisée en plusieurs zones. D'un côté, des villes modernes, protégées, où la population vit dans la peur constante du terrorisme et accepte d'être traquée par des bracelets high-tech. De l'autre, des "bulles" isolées, plus libres, et considérées comme dangereuses. Foster arrive d'une de ces zones méprisées dans une ville, avec sa mère, représentante et militante qui lutte contre les politiques. Sous la pression de ses camarades d'école, Foster se procure un des bracelets.

Safe and Sound est a priori le poids lourd de la saison, avec à la barre Alan Taylor, réalisateur de Game of ThronesThor : Le monde des ténèbres et Terminator : Genisys. C'est aussi l'un des épisodes les plus proches de Black Mirror, attaché à décrire un monde très proche de la réalité - technologie invasive, systèmes de surveillance, peur du terrorisme, manipulation de la terreur de masse par la politique.

C'est aussi un bon exemple qui illustre les deux facettes de la série, capable d'allier de vraies qualités avec de profondes limites. Ici, il y a une histoire bien ficelée, d'une efficacité certaine, qui plonge aux côtés d'une excellente Annalise Basso (vue dans Captain Fantastic) dans un lent cauchemar. En jouant la carte du trouble, de la nature floue de la menace et d'une réalité qui échappe au personnage, l'épisode fonctionne très bien, et se révèle plus haletant que la majorité des autres.

Néanmoins, Safe and Sound, adapté de la nouvelle Foster, You're Dead !, souffre d'une écriture sans finesse. Sacrifiée sur l'autel du discours et des intentions, Foster perd une certaine cohérence à mesure que le récit avance, sa décision de mener à bien l'attentat étant difficile à croire - malgré la ficelle du père psychologiquement instable, utilisée pour combler cette étrangeté. Sous-exploiter à ce point Maura Tierney et Martin Donovan laisse également songeur.

L'épisode assume parfaitement sa formule d'histoire à twist avec un montage final à la Sexcrimes, mais laisse l'impression d'un épisode aux grosses ficelles, plus intéressé par le suspense que par le discours. Les thématiques en fond semblent à peine traitées, et utilisées de manière plus ou moins intelligentes pour les besoins de l'intrigue pure.

 

Photo

 Maura Tierney et Annalise Basso

 

THE FATHER THING

Suite à une pluie de météorites, un enfant découvre que son père a été remplacé par autre chose...

Un épisode qui illustre parfaitement le problème de Philip K. Dick's Electric Dreams, puisque cette resucée de L'Invasion des profanateurs de sépulture (le roman original a été écrit en 54, la même année que la nouvelle de K. Dick adaptée ici) est aussi distrayante que dispensable, tant elle n'apporte strictement rien à l'idée géniale de cette invasion silencieuse et perverse exploitée sous divers angles dans le genre.

Qu'un père modèle soit remplacé par une version alien plus "parfaite", dans un plan de grand remplacement extra-terreste qui transforme peu à peu le tissu de la réalité, a beau être un cadre parfait pour une parenthèse de science-fiction angoissante, The Father Thing n'en tire rien de bien neuf.

Greg Kinnear incarne le père au double visage avec un talent attendu, aux côtés d'une Mireille Enos à peu près inutile, tandis que le jeune Jack Gore porte le récit avec brio. Mais il manque à l'épisode une vraie âme pour être autre chose qu'un simple Body Snatchers bis, à la sauce The Faculty voire même Stranger Things que le synthé pointe son nez et que le héros s'allie à un ami et son grand frère comique.

La réalisation de Michael Dinner offre quelques belles images, notamment la pluie de météorites, mais le scénario reste bien trop timoré pour tirer parti de ces quelques bons éléments. Une conclusion plus noire et apocalyptique aurait certainement permis à l'histoire de décoller, et devenir quelque chose de moins mineur et anecdotique.

 

Photo Greg KinnearGreg Kinnear

 

CONCLUSION

Le problème de Philip K. Dick's Electric Dreams n'est ni son manque de moyens, ni son manque de talents, ni son manque d'ambition dans les intentions globales. Remettre sur le devant de la scène le travail de l'écrivain est même une belle idée, et la troupe d'acteurs et réalisateur est un excellent signal.

Mais la série anthologique ne trouve pas son ton, et ne sait pas comment se placer. D'un côté, elle lorgne clairement vers quelque chose de sophistiqué, avec des thématiques et des univers excitants, et des récits riches en phase avec les réflexions profondes de l'auteur. De l'autre, elle se contente de timidement exploiter des formules très classiques, avec une approche extrêmement scolaire. D'où l'impression d'une série qui manque cruellement de modernité, et semble bien fade comparée à Black Mirror, qui cherche de son côté à perpétuellement viser le monde contemporain.

En dix épisodes, Electric Dreams montre une mécanique excessivement carrée, qui souffre d'un manque d'audace et repose trop sur la tromperie, le mensonge et le petit twist de bas-étage. Chaque morceau tourne autour d'un renversement des valeurs qui, en plus de ne pas briller par son originalité, est exploité de manière globalement très attendue.

Et si les histoires ont évidemment une résonnance moderne (dépendance aux technologies, peur de l'Autre, pouvoir déviant des puissants exercé sur la population), il manque à Electric Dreams l'ampleur folle et vertigineuse de Philip K. Dick pour véritablement se démarquer.

 

Affiche

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commentaires
Mez
03/02/2019 à 01:36

Visionnage en cours de cette série, intéressante mais assez inégale oui.
En revanche je ferai le classement totalement inverse concernant la qualité et l'intérêt des épisodes (peu apprécié safe and sound et the hood maker )

Paul
30/01/2018 à 09:43

Malheureusement, c'est effectivement peu excitant.
J'ai visionné la moitié de la saison, et ça décolle pas, à part The Hood Maker.
Pourtant je suis un grand admirateur de l’œuvre de Dick.
Vraiment dommage !

TechDAWg
30/01/2018 à 02:33

Cette critique vise juste. J'ai visionné tous les épisodes de cette série sauf un.... et il semble que ce soit le meilleur (AUTOFAC). Au départ, J'y voyais une parenté avec Black Mirror, que je considère comme la meilleure série d'anticipation jamais produite, mais j'ai vite réalisé que P.K.Dick Electric Dreams n'était pas à la hauteur.