Episodes Saison House of the Dragon Saison 1 épisode 6 : deux femmes pour un barbecue

Avec son 6e épisode, la première saison de House of the Dragon opère un changement radical, emmené par deux femmes de tête et quelques barbecues. ATTENTION SPOILERS.

Chaud devant !

LE MONDE DE DEMAIN

Depuis son premier épisode, House of the Dragon fait face à un obstacle narratif de taille. Pour annoncer la guerre civile à venir, celle qui détruira le clan Targaryen et laissera Westeros exsangue, il était indispensable d'en narrer les prémices. Des racines amères, sanglantes, complexes et étalées sur quasiment une vingtaine d'années. Soit une mise en contexte impossible à résumer en un malheureux carton explicatif, et contrainte de s'étaler sur bien plus d'un unique épisode introductif. Après cinq chapitres bourrés d'ellipses, de soubresauts et de trahisons, l'heure est venue de s'installer dans une nouvelle temporalité, synonyme d'un défi supplémentaire, peut-être le plus délicat à ce jour pour la série.

En effet, ce nouvel arc s'ouvre sur une scène d'accouchement... dix années après la conclusion de l'épisode précédent. La quasi-intégralité du casting a donc été renouvelée, tandis que ce bond temporel est synonyme de débarquement massif de nouveaux personnages. Et ce chapitre de devoir caractériser parfois en une poignée de plans ses protagonistes, tout en nous permettant de replacer instantanément les rapports de force entre les différents acteurs, sans oublier de faire progresser le récit.

La petite famille est ravie !

Et pour miraculeux que cela paraisse, House of the Dragon parvient une nouvelle fois, à force de rigueur narrative et de soin méticuleux en matière de mise en scène, à toucher au but. C'est pourtant à toute berzingue que nous est présenté Aegon, désormais un adolescent arrogant, dominateur et adepte du tirage de jonc sur balconnade, mais aussi le reste d'une fratrie qu'on devine déjà sous le stress intense d'une succession potentiellement catastrophique. Et ça ne va pas beaucoup mieux du côté de Rhaenyra, dont les enfants commencent justement à réaliser que, leur père préférant jouer du trombone que dégorger des moules, ils sont sans doute les bâtards d'un chevalier quelconque.

Alors que celle qui doit tout prochainement régner met au monde un petit Joffrey (ne riez pas), toutes les pièces sont désormais en place pour que la danse du ventre éviscérée pour la possession du Trône de Fer parte en quenouilles.

Quelle bonne nouvelle !

RHAENYRA SANG FAMILLE

Une dynastie à ce point rongée par l'ambition que chaque nouvelle génération devient la malédiction de la précédente. Un trône luxueux, mais dont la corruption est telle qu'il se putréfie sous les yeux de ses courtisans. Des rapports de force qui ne peuvent aboutir qu'à un royal massacre, longtemps en germe, repoussé depuis des décennies, prêts à fondre sur le royaume comme un fruit trop mûr quittant sa branche. Voici les principaux ingrédients que ressasse depuis son introduction le prequel de Game of Thrones. Et c'est avec une jubilation certaine qu'on assiste cette semaine au début de leur éclatement, annoncé dès la première séquence.

Alors que Rhaenyra met au monde un futur Joffrey (prénom gage de longévité, cela va sans dire), elle doit, tandis que ses jambes ruissellent encore de sang, s'emparer du nouveau-né pour le présenter à celle qui fut son amie, Alicent. Immédiatement, les nouveaux interprètes de tous ces personnages ont l'opportunité de s'emparer de leur rôle, grâce à un éprouvant plan-séquence, qui dévoile comment les années ont éprouvé chacun d'entre eux, mais surtout, comment ont évolué les liens de pouvoir. 

Nous sommes deux soeurs jumelles...

Ne serait-ce sa femme, Viserys, vieillard cadavérique et putrescent, serait bien incapable de tenir son rang. Une situation qui confère à son épouse un pouvoir bien supérieur à son rang officiel. Par conséquent, celle-ci a pris un ascendant puissant sur Port-Réal, le Conseil et par extension les membres de la cour. C'est ce que le découpage s'intéresse à établir tout le long de ce chapitre, jusqu'à son épilogue, d'une noirceur et d'une ironie remarquable. Car si les deux femmes au centre du dispositif narratif se préparent à la guerre de tous contre tous, c'est d'abord parce qu'elles sont bien conscientes qu'à la manière de requins, s'interrompre dans leur élan serait synonyme de mort.

Et Rhaenyra de le constater, quand elle tente le geste désespéré de proposer à celle qui fut sa soeur d'adoption d'unir leurs deux familles autour d'épousailles en bonne et due forme. Mais il est trop tard. Alicent lutte contre son statut de femme depuis des années, et elle n'est que trop heureuse de renvoyer sa concurrente à sa condition de femme allaitante. La précision du montage, qui travaille constamment à établir comment tient ce régime assailli de toutes parts, sans oublier de disséminer quantité de plans dévoilant la solitude de chaque personnage, ambitieux en sursis ou aspirant suzerain, est remarquable.

Aegon with the wind

AU-REVOIR LES ENFANTS

Mais à nouveau, House of the Dragon nous réserve une de ces accélérations dont la série a le secret. Plus proche du gant de toilette oublié dans une turbine à viande que de la figure du vieux roi, Viserys ne peut plus tenir les prétendants au Trône, qui ont bien compris que l'unique digue retenant leurs appétits était le lien charnel unissant l'héritière du royaume au chef de la Garde de Port-Réal. Un homme puissant sur le papier, fils de la Main du Roi, dont le scénario va établir les failles et les vulnérabilités en une poignée de scènes d'une efficace cruauté.

Et alors que nos deux femmes puissantes se voient contraintes d'acter leur inimitié, sans se laisser doubler sur leurs flancs par leurs alliés respectifs, nous assistons à la naissance de quelques autres tragédies, qui devraient permettre à la saga de gagner en rapidement en intensité, tout en variant ses dispositifs, ses arcs narratifs et ses décors. En témoigne la famille brisée de Daemon, qu'on croit deviner sur le point de s'apaiser, ayant trouvé une épouse à la hauteur de ses tourments. 

Une formation qui tourne mal

Mais une nouvelle fois, c'est bien la condition féminine qui sans cesse grippe un univers pensé par et pour les hommes. Enfantant toujours un fruit de leurs entrailles voué à les supplanter, les tuer ou leur valoir de sombrer dans l'oubli, le scénario les observe avec un mélange de fatalité et d'empathie, qui met en éclat combien leur unique opportunité d'exister passe par une forme de transgression et de brutalité qui les voue aux gémonies de leurs pairs, quand il ne les condamne pas à s'affronter les unes les autres.

C'est ce qu'établit brillamment la conclusion de cet épisode, qui met en parallèle  Alicent, comprenant que son veule conseiller a provoqué un similiacte de guerre tant pour servir les intérêts de sa Reine qu'avancer ses pions au sein de son propre clan, et Rhaenyra, devant rejoindre Daemon et ses terres embrumées pour espérer survivre, régner un jour et protéger sa descendance. Tout ça au risque d'éveiller la soif de chaos qui faillit les emporter dix ans plus tôt. Les dragons ont chaussé leurs jolis souliers, ils ne sont pas de suédine bleue, et l'heure est venue de danser.