Clark : critique du clown braqueur de Netflix

Lucas Jacqui | 11 mai 2022
Lucas Jacqui | 11 mai 2022

Si Netflix a tendance à nous assommer des mêmes programmes sans intérêt, il y a de temps en temps d'étonnantes surprises confiées à des réalisateurs phénomènes. Clark avec Bill Skarsgård est de ces oeuvres, créée par Jonas Åkerlund, un metteur en scène de clips pour Madonna, David Guetta, Moby, Rammstein et les Rolling Stones. On est donc bien face à une série atypique sur un personnage hors norme, Clark Olofsson, un braqueur je-m'en-foutiste à l'origine du syndrome de Stockholm.

Basé sur de vrais mensonges

Le cinéma aime idéaliser des icônes rebelles dont les vies incroyables inspirent à la liberté, à se défaire des chaînes de la société et à vivre pleinement dans un esprit nihiliste. Ces personnes hors système se reconnaissent par leur esprit de survie et d'adaptation qui les conduit souvent sur la voie de la criminalité. Dans le genre en France on a eu Mesrine : L'ennemi public nº1 et Sans arme, ni haine, ni violence.

Les États-Unis débordent d'exemple comme Arrête-moi si tu peux ou Bonnie & Clyde. Même l'Australie en a avec Chopper, le deuxième rôle d'Eric Bana. Désormais, la Suède a son biopic sur son bandit irrévérencieux, Clark, racontant la vie d'un braqueur et roi de l'évasion charmeur.

 

Clark : photo, Bill SkarsgårdMon bandit bien-aimé

 

En Suède, Clark Olofsson a été l'ennemi public n°1 entre les années 70 et 80. Ces crimes ? Braquage de banques essentiellement et trafic de drogue pour arrondir les fins de mois. Son amour pour la célébrité et la fanfaronnerie ont en fait une véritable star dans son pays à l'époque. Chez nous, on n'en a jamais entendu parler sauf pour une raison, le syndrome de Stockholm. C'est pourquoi, dans l'idée de nous faire adhérer à ce personnage séducteur, Clark nous charme et nous prend en otage. Pour cela, comme son personnage, la série use de tous les artifices pour y parvenir, quitte à mentir.

Car Clark assume entièrement d'être un récit fait de réalité et surtout de mensonges. Cela lui permet de raconter son histoire comme elle le souhaite et de faciliter (voir forcer) l'attachement que l'on a pour Clark. Elle déforme ce qu'il a pu se passer, jouant avec la mise en scène, la narration et abordant cette vie surréaliste qu'a mené le braqueur avec légèreté, émotion et folie. La série se met donc à la hauteur de son personnage en étant fantasque dès son introduction. Clark n’est littéralement pas encore sortie du ventre de sa mère que l'on est plongé dans un délire en même temps que dans l'abricot de maman Oloffson.

 

Clark : photo, Bill Skarsgård"Comment tu parles de ma mère ?"

 

Ça cartoon !

Comme son "héros", l'image de la série s'adapte, la réalisation de Jonas Åkerlund étant malléable au possible. Les teintes changent en fonction du lieu : désaturées quand il est en prison, quasiment en noir et blanc dans sa pénible enfance ou prenant des tons pétants quand Clark retrouve sa liberté. Ce travail des couleurs est aidé par des cadres, des formats changeants et une mise en scène travaillée comme ce plan de Clark partagé entre deux vies, menotté à l'inspecteur qui le pourchasse d'un côté, et tenant la main de sa femme de l'autre. Cependant, cet excès de lumières et de couleurs flashy frôle le kitsch et oblige à sortir les lunettes de soleil option verres anti-mauvais goût.

Si la réalisation assure, l'expérience dans les clips de Jonas Åkerlund se ressent surtout dans son montage survolté aux transitions sonores millimétrées et comiques, embellies par une bande-son de rock suédois des années 70. Ce trip aux airs de bonbons Têtes brûlées est entrecoupé de qualitatives séquences en animation (l'une d'elles est un hommage au style de Yellow Submarine des Beatles) ou comédie musicale, quand ce ne sont pas les braquages improbables de Clark qui font virer la série dans l'humour absurde.

 

Clark : photoPhoto bombing

 

Ce ton humoristique décalé est soulevé comme Rafiki portant bébé Simba par Bill Skarsgård qui fait le café, le sucre et la tasse tant il explose dans chaque scène. Son énergie rend le personnage de Clark Olofsson aussi drôle que perturbant. Tel un Looney Tunes que rien ne peut arrêter, blesser ou enfermer, Skarsgård interprète le braqueur clownesque avec une folie qui ne trouve que rarement des temps morts. Cette performance fait du maître de l'évasion une personnalité encore plus insaisissable, voire déshumanisée, qui se marie avec l'intention de Clark de raconter les faits et mensonges de Olofsson.

Pourtant, ce côté cartoonesque de la réalisation et de l'acting ne permet pas de faire passer tous les sentiments désirés par la série. On rigole beaucoup, on est surpris des situations lunaires, mais on ressent mal le charme et le leadership énormes de Clark Olofsson. Cet aspect de la star des bandits n'est certainement pas appuyé par les dialogues au rabais, qui brillent trop rarement pour l'émotion qu'ils procurent. Les victimes et policiers passent ainsi souvent pour des gros demeurés. Mettre de côté le second degré pour se prendre au sérieux aurait permis de mieux souligner que Olofsson aussi est victime de ses mensonges, se voilant la face sur le monde et les traumas de sa vie.

 

Clark : photo, Bill SkarsgårdLe Clown Prince du crime

 

L'homme aux mille visages

Le plus mémorable dans la vie rocambolesque du braqueur séducteur est le syndrome de Stockholm. Or le fameux braquage atypique à l'origine du phénomène psychologique est calé au milieu de la série comme un événement ordinaire dans la vie de Olofsson (ce qui était peut-être le cas, mais pas pour le public).

Le principe du syndrome (lorsqu'un ou des otages se prennent d'affection pour leur ravisseur allant même jusqu'à coopérer) est illustré assez peu finement par une victime, mis en place avec trop de rapidité et surtout complètement mis de côté par la suite. La raison ? Clark a eu une vie trop intense pour ne se concentrer que sur un chapitre.

Ainsi, la série est un voyage halluciné sans réelle histoire que celle complètement barrée de Clark. Sa vie méritait une adaptation puisqu'elle mêle mille vies, l'erreur de Clark étant de vouloir tout raconter. Et alors même que chaque épisode possède une excellente construction narrative avec un cheminement qui lui est propre, la série n'a pour seule ligne directrice que le sens de la vie. Ce n'est que dans la dernière scène qu'une approche, qui aurait pu (dû) être un fil conducteur plus explicite, se révèle.

 

Clark : photoDes policiers à la ramasse

 

Le final est en somme l'épisode le plus intéressant. S'éloignant des frasques de la vie de Clark, la série conclut en apportant un regard différent sur ce qu'elle a posé comme un géant dont elle nous révèle enfin les pieds d'argile. Un épisode qui remet peureusement en perspective tout ce qu'on a vu de lui. Difficile alors de ne pas avoir l'impression que Clark a fauté en racontant la vie de son personnage principal comme il aurait aimé qu'on la raconte, plutôt que de casser l'image qu'il s'est créée aux yeux du public.

Clark est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 5 mai 2022

 

Clark : affiche officielle (1)

Résumé

Clark est indéniablement une série folle, par sa mise en scène, son montage, et la performance de Bill Skarsgård. Elle manque cependant d'un recul faisant relativiser ce récit mensonger qui aurait humanisé ce personnage cartoon.

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commentaires
Stivostine
15/05/2022 à 19:15

Bande de larves, c'est du très lourd, largement plus plaisant que Dropout ou Infinity de merde, au moins netflix envoie la série en entière pas besoin d'attendre chaque semaine comme pour We own this City, un bon 4*

Christine Lagardfieild
12/05/2022 à 12:16

Je ne me laisserais pas tenter car en ce moment Netflix ne sort plus de grosse Série Triple A au style léché et travaillé...

je trouve mon bonheur ailleur avec :

Tokyo Vice

We own this City

Shining Girl

Severance

Infinity

Droopout

CA ses des vrai série qui valent notre amour et des nomination au Golden globe au passage

Pour Netflix... franchement cette année, de mémoire je n'est rien retenue

Kyle Reese
11/05/2022 à 16:39

@JR

"après avoir finit l'incroyable Dropout."

Excellente série finie en 3 jours. Une histoire de dingue avec une superbe Amanda Seyfried.
Le rôle qui j'espère va booster sa carrière.
Sinon ce Clack est effectivement tentant.

Pas fana de Gaga du coup j'ai du loupé les clip du gars, mais en même temps je ne regarde plus les clips ... alors que j'adorais ça :( , faut les trouver les bons.

JR
11/05/2022 à 15:29

Il a également fait quelques clips de Lady Gaga (ses meilleurs pour moi) dont un avec.... Alexander Skaasgard^^

Bref, je vais tenter ça dès ce soir après avoir finit l'incroyable Dropout.

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