Souviens toi...l'été dernier : pourquoi la série Amazon est un naufrage complet

JL Techer | 13 novembre 2021 - MAJ : 13/11/2021 15:00
JL Techer | 13 novembre 2021 - MAJ : 13/11/2021 15:00

"En France, on n'a pas de pétrole mais on a des idées." Un slogan qui rappellera la science des punchlines des années 80 (ou pas) à certains, et qu'il faudrait adapter en "chez Prime Video, on n'a pas vraiment d'idées, mais on est les rois du pétrole". En cas de panne d'inspiration, rien de tel que d'aller piocher dans les vieilles franchises plus ou moins appréciées, pour les passer à la moulinette du reboot-remake-suite, avec plus ou moins de succès (du jouissif Ash vs Evil Dead au pathétique Freddy, les griffes de la nuit). Et après le recyclage de masse organisé des années 80, voilà le tour des années 90 de subir le passage au broyeur de la nostalgie. En attendant la résurrection cinématographique du Ghostface de Scream, le slasher Souviens-toi... l'été dernier a la joie de passer par le service nécromancie de Amazon Prime Video, pas vraiment pour le meilleur, mais définitivement pour le pire.

 

Se souvenir de quoi ?

Souviens-toi.. l'été dernier (I know what you did last summer) est avant tout un livre datant de 1973 de Lois Duncan intitulé Comme en un mauvais rêve. Un solide thriller dans lequel une bande d'amis scelle un pacte du silence (qui donnera son nom à la version québécoise des films) afin de s'assurer qu'aucun d'entre eux n'ira divulguer leur ignoble secret : l'été précédent, après avoir percuté une personne en voiture, ils ont fait disparaitre son corps pour se soustraire à la loi.

Deux décennies plus tard, en 1997, Hollywood, alors en plein revival du slasher grâce au Scream de Wes Craven, jette son dévolu sur le roman de Duncan, et transforme le thriller en film d'horreur à la sauce whodunit, dénaturant totalement le propos du livre. En résulta un Scream-like peu inspiré, mais tout de même assez réjouissant, en grande partie grâce à son casting porté par Sarah Michelle "Buffy" Gellar et Jennifer "Sister Act 2" Love Hewitt.

Malgré la qualité plutôt moyenne du film, Souviens-toi... a connu deux suites qui s'enfoncèrent dans la nanardise Souviens-toi... l'été dernier 2 en 1998 (dont on se souviendra, car c'est le même que le premier, mais sur une ile) et Souviens-toi... l'été dernier 3  en 2006 (qui offrira de quelques beaux moments de rigolade).

photoInsouciante jeunesse

 

L'annonce d'un remake-reboot par Amazon Prime, cette fois-ci au format série avait titillé la fibre nostalgique des amateurs de "slashers avec des filles qui courent partout en criant". Mais cette fois-ci, pas de Buffy, pas de Sister Act, même pas l'ombre d'un Freddie Prinze Jr à l'horizon. La série développée par Sara Goodman et produite par James Wan fait table rase du passé, et ne garde que peu de choses de l'original. À dire vrai, elle n'en garde que quatre : la bande d'ados décérébrés, l'accident de voiture, la décision stupide de planquer le crime, et quelqu'un qui sait ce que cette bande de crétins a fait l'été précédent. 

Pour le reste, inutile d'attendre quelque filiation que ce soit avec le Souviens-toi... l'été dernier de 1997. Inutile d'espérer voir un tueur mystérieux encapuchonné et armé d'un crochet de pêcheur, ni de course poursuite dans la nuit portée par les mélodieux cris de détresse de quelques scream-queen. La série aurait pu avoir n'importe quel autre nom ("Accident de la route et irresponsabilité" aurait été judicieux), elle aurait servi la même soupe.

Et ce n'est pas le fait d'avoir délocalisé l'intrigue de la Caroline du Nord à Hawaï (peut-être un vague écho de Souviens toi l'été dernier 2, qui se passe aux Bahamas ?) qui y changera quoi que ce soit : il semble évident que la licence Souviens-toi... a été achetée et apposée sur ce produit générique pour s'assurer un minimum de visibilité auprès du public. 

 

photoRéactions du public à l'annonce du reboot

 

Quand AB productions se la joue thriller

Échange d'identité entre soeurs jumelles, père de la disparue qui entretient une relation pseudo SM avec la cheffe de la police locale, l'ex de l'une des "héroïnes" qui se révèle être gay et sort avec le prof de sport du lycée, histoire de secte hippie... Non, il ne s'agit pas du bilan de la dernière saison des Mystères de l'Amour, mais bien de quelques arcs narratifs de cette première saison de Souviens-toi... l'été dernier.

En plus de ne pas s'encombrer d'une quelconque unité scénaristique, la série tâche de se construire tant bien que mal (plus mal que bien) sur un scénario digne des productions AB, ou de n'importe quelle sitcom de bas étage écrite au fil de l'eau, sans ligne directrice. Les twists et morts s'enchainent sans cohérence, certains personnages passent l'arme à gauche alors qu'ils ne représentent aucune menace pour le tueur, et n'ont pas vraiment de lien avec la bande d'ados. Même ce pauvre cuistot qui n'avait rien demandé à personne se fait éliminer, meurtre gratuit qui n'apporte rien à l'intrigue.

 

photoLa lumière bleue ça fait mystérieux

 

La multiplication d'assassinat avait sans doute pour but de faire grimper la tension des protagonistes, et par la même occasion celles des spectateurs. Cependant, la manoeuvre est doublement ratée. Tout d'abord, car les personnages semblent ne faire aucun cas de la vague de morts qui sévit autour d'eux, qu'il s'agisse de leur meilleur ami ou d'un flic au mauvais endroit au mauvais moment (dans le meilleur des cas, on aura quelques "oh my god", mais bien vite on recommence à s'envoyer des SMS comme si de rien n'était). Puis parce qu'à aucun moment la série ne parvient à faire peur.

À l'exception de quelques jumpscares faciles, et mis à part si le public est arachnophobe, Souviens-toi... ne parvient jamais à effrayer, ni même à engendrer la moindre tension. Même dans l'épisode 5 Mukbang, censé être une sorte de climax au cours duquel les quelques survivants du Scooby Gang sont dans la tanière de la personne qu'ils soupçonnent être le tueur, rien n'y fait, pas la moindre ombre de tension n'apparait à l'horizon. 

 

photoNe manquent que Samy et Scooby

 

Rien n'est original dans cette production à la mise en scène d'une platitude banalité, uniquement secouée par une surabondance de flashbacks qui frôle l'indigestion. Le public se trouve pendant huit épisodes sur l'autoroute de l'ennui, comme coincé à bord d'un Blablacar aux côtés d'un conducteur atteint de diarrhée verbale qui déclame son ennuyeuse vie comme si elle était exceptionnelle. Et ce ne sont pas les prétendues "révélations" ni les dernières secondes lamentables du dernier épisode (qui confirment que l'on prend les spectateurs pour des crétins) qui sauvent quoi que ce soit.

Comme si elle était consciente de ses propres limites, à défaut d'être passionnante et surprenante, la série tente d'être sulfureuse, avec une maladresse gênante, qui confine presque au malaise. Que reste-t-il quand le scénario est aux abonnés absents et que la violence ne suffit pas à vendre ? Le sexe bien sûr. Ainsi, sur un rythme plus ou moins régulier, la série sert des scènes pseudo érotiques à la limite du cringe, digne des grandes heures du porno soft des dimanches soir de M6. Celles-ci n'ont bien entendu aucun intérêt dans l'intrigue et sont clairement là pour le racolage d'ados à peine pubères, ultime preuve du je-m'en-foutisme artistique dans lequel baigne ce soi-disant slasher.

 

photo, Chrissie FitHawaï Police d'État

 

Slasher, vous avez dit slasher ?

Le slasher est un plaisir coupable. Le petit plaisir malsain de voir une bande de jeunes adultes aux prises avec un tueur masqué inarrêtable, souvent contre-balancé par le fait que la final girl s'en sort forcément (et on se dit alors qu'on est heureux pour elle, pour rabrouer nos pulsions sadiques). Mais pour que cela fonctionne, il faut qu'il y ait de l'affect envers les personnages/victimes qui finiront entre quatre planches. Leur mort doit apporter soit de la peine (pauvre Drew Barrymore dans Scream), soit de la satisfaction (la mort de Paris Hilton dans la Maison de Cire, ce régal).

Sans attachement aux protagonistes, ou sans détestation envers eux, la recette tombe en rade, et le slasher prend l'eau. Or, dans le cas de cette saison 1 de Souviens-toi... l'été dernier, rien y fait, les personnages sont des coquilles vides auxquels il est difficile, voire impossible de s'attacher. Comment éprouver de l'affection pour ce groupe d'adolescents inconséquents, tous plus ou moins accros aux drogues et au sexe (Riley est une dealeuse parmi les "héros", et visiblement ça ne pose de souci à personne) ?

 

photo, Madison Iseman, Bill HeckLes spectateurs inconsolables

 

Il restera la haine alors ? Eh bien non, puisqu'ils sont si inconsistants qu'on ne parvient même pas à les détester. Pour ce groupe d'ados paumés et irresponsables, les petits tracas du quotidien, qu'on peut résumer à "qui a envie de coucher avec qui ?", sont visiblement plus importants que d'avoir un tueur à leurs trousses. Ajoutons à cela qu'aucun d'entre eux n'a la moindre once de charisme, et on obtient un cocktail de commune indifférence. Mention spéciale à Ezekiel Goodman qui campe Dylan Scalton et n'a que deux expressions faciales : le sourire gêné et le "mais qu'est-ce que je fous là ?". 

Ultime ratage s'il en est pour cette série, la décision aberrante de faire disparaitre l'iconique tueur à la capuche et au crochet de pêcheur. S'il y a bien un personnage qui devait impérativement être présent au casting, c'était celle de cette silhouette inquiétante qui traquait une à une ses victimes avec un plaisir macabre. Au lieu de cela, Souviens-toi... tente d'installer la menace d'un tueur invisible, presque fantomatique, qui n'a aucun signe distinctif. À ce titre, il est presque la métaphore de ce qu'est la série.

 

photoÀ la recherche du charisme perdu

 

La réussite du slasher classique ou moderne repose énormément sur la figure du Boogeyman qu'il met en avant. Ghostface pour Scream, Michael Myers pour Halloween... supprimer cette figure, c'est simplement nier toute filiation avec le genre. Et dans le cas de cette production, cela finit de désavouer une fois encore le matériau original avec un rare cynisme. 

Difficile de savoir si la série se prend trop au sérieux pour parvenir à injecter du fun dans sa recette, ou s'il s'agit d'un tel manque de considération ou d'ambition artistique que rien n'a été fait pour que ce produit amène la moindre émotion chez les spectateurs. Il ne se montre même pas capable d'avoir le charme nanardesque de ses illustres aînés, et n'offre que de longs moments de neurasthénie audiovisuelle.

Souviens-toi... l'été dernier est disponible sur Amazon Prime Video en intégralité depuis le 12 novembre 2021.

 

Affiche

Résumé

Posée sur les rails de l'ennui et de la prévisibilité, Souviens-toi... L'été dernier ne pourra plaire qu'à des adolescents en manque d'érotisme bas de gamme et/ou de pseudo-frissons un soir d'Halloween. Manque de bol, il parvient même à rater sa cible calendaire. Sans l'étiquette "Souviens-toi", pas sûr que quelqu'un ne se soit intéressé à ce produit sans la moindre personnalité.

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Lecteurs

(2.1)

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commentaires
Fred77
07/01/2023 à 18:04

oui ça me rassure parce que je trouve cette série incompréhensible : quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi la sœur a changé d’identité est-ce que ses amis sont au courant ? Parce que là à l’épisode quatre, le mec dit clairement à la nana qui soi-disant a changé d’identité qu’elle a couché avec lui pour emmerder sa sœur, alors qu’elle est censée être sa sœur…

Davidultor
06/12/2021 à 16:09

Ah ça me rassure... J'ai trouvé l'expérience d'un ennui et d'une déception que j'aimerai revenir en arrière et garder le temps perdu pour faire autre chose. La saison 2, ce sera sans moi sans aucune hésitation.

Aure
04/12/2021 à 13:32

Très bonne série pas d accord avec vous je vois que d autres personnes on aimer on attend la suite

Mariiiiion
22/11/2021 à 22:07

Bonsoir, quelqu’un pourrait m’expliquer la fin. J’ai beaucoup aimé l’intrigue même si les meurtres à répétition devenaient ennuyeux.
Mais je ne comprends absolument pas la fin ?

Lolotte13131313
17/11/2021 à 01:34

Personnellement la série est très claire, complètement coordonnées, ça change complètement de tout ce qu’on a pu voir et c’est une très bonne surprise. Ils ont réussi à garder le suspense et à mettre le doute aux téléspectateurs, à la fin des épisodes on a toujours envie de savoir ce qu’il va y avoir par la suite. Votre article n’est pas justifié et donne qu’un seul point de vue qui ne reflète qu’un opinion, qui ai limite insultant pour les personnes qui ont aimé.

Mel
16/11/2021 à 10:24

Un peu (beaucoup) déçue de cette fin de m*ride qui était vraiment ???? mais la série était vraiment géniale. Je n’attendais rien et pourtant j’ai kiffé, peut être à revoir une seconde fois pr bien piger l’histoire de la secte mais pour moi c’est un 8/10

Pat-95
15/11/2021 à 15:53

J'avais adoré le film et je me suis lancé sur cette série. Je viens de la voir au complet. Bon c'est complètement différent et j'avoue que je suis assez d'accord avec cet article.
J'me suis tout de même ennuyer et traversant ses épisodes... Ça allait dans tout les sens parfois, ça avait ni queue ni tête aussi et j'ai été très déçu de cette fin. Une saison 2? Ce sera complètement sans moi!

Cydje
15/11/2021 à 01:17

Quand tu vois la qualité des saisons de la série Slasher, en terme justement ...de slasher (meurtres violents originaux et gores, victimes cohérentes, histoires simples mais bien écrites, acteurs moyens mais convaincants, dévoilement du tueur qui tien la route...), bah franchement tu comprends pas comment ils n'ont même pas réussi à faire mieux que la série Scream!

Après toutes les idées avancées étaient plutôt bonnes : l'échange de jumelles, la secte, la prophétie (bon on sait pas laquelle mais la prophétie quand-même), le miel (c'est donc une faciale au miel sur l'affiche...) .... mais tout ça dans SEULEMENT huit épisodes quand tout est aussi mal écrit!? Non merci quoi!
Et l'héroïne qui est à peu près le personnage le plus détestable (elle a pourtant pas mal de concurrence..) alors qu'on devrait s'attacher à elle en priorité...

J'ai regardé par respect pour les deux premiers films (le second est mauvais mais très très fun hihi), e j'ai continué VRAIMENT parce que je voulais savoir qui était le tueur... Eh ben super, l'idée du siècle!!...

On ne peut pas mettre une (très mauvaise) note ou un pouce vers le bas sur Prime Video mais le coeur y est!


14/11/2021 à 08:26

Cette série était sur ma liste à voir, juste pour le côté slasher comme Chucky, qui est passable, sans plus. Elle va disparaitre par la grâce de cet article aux références savoureuses. Comme d'autres, je me demande si sur l'affiche, ils se sont pris une faciale, c'est assez gênant et finalement cela semble être à l'image de la série.

Je me suis abonné à Amazon Prime depuis The Underground Railroad et Them, aussi pour finir Bosh, revoir The Office et enfin voir Miss Maisel, entre autres. Je risque de résilier s'ils continuent de nous balancer des séries aussi médiocres comme ce truc ou Nine Perfect Strangers.

Kafounaah
14/11/2021 à 03:10

C’est n’est que votre avis et donc pas une vérité comme pour d’autres séries y a toujours des gens qui aiment et d’autres qui n’aiment pas , diriger une page sur le net ne veut pas dire s’y connaître ;)

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