Sweet Tooth : critique douce-amère de la série post-apocalyptique de Netflix

Arnold Petit | 4 juin 2021 - MAJ : 04/06/2021 16:19
Arnold Petit | 4 juin 2021 - MAJ : 04/06/2021 16:19

Après Locke & Key, Umbrella Academy, October Faction ou plus récemment Jupiter's Legacy, dont vous pouvez retrouver notre critique (et qui a été annulée au bout d'une saison), Netflix poursuit ses adaptations de comics et pioche cette fois du côté de DC Comics (ou de Vertigo plus précisément) pour étoffer son catalogue avec Sweet Tooth, adaptée du comics à succès de Jeff Lemire. Enfin, plus ou moins.

LOVE & MONSTERS

Qui dit post-apocalypse dit monde dévasté, bâtiments en ruines, une nature luxuriante et des personnes qui tentent de survivre comme elles peuvent, en choisissant de s'allier ou de s'entretuer. Et c'est à peu près tout ce qu'on retrouve dans le comics écrit et dessiné par Jeff Lemire. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que Sweet Tooth avait été publié sur le label Vertigo de DC Comics, qui est surtout réservé aux oeuvres sombres, matures et violentes comme Hellblazer, Swamp Thing ou Preacher.

Cependant, comme l'avait déjà montré la bande-annonce, la série Netflix a choisi de remplacer l'univers triste et poisseux du matériau original par une sorte de conte de fées fantastique, entre films Disney et productions de Steven Spielberg. Contrairement au scénario horrifique du comics, qui était alimenté par quelques lueurs d'espoir entre les ténèbres et la brutalité, l'adaptation de Jim Mickle et Beth Schwartz produite par Robert Downey Jr. et son épouse Susan Downey est une aventure pleine d'humanité et de tendresse, avec un peu de violence, mais pas trop quand même. Il ne s'agirait pas non plus de dégoûter toute la petite famille et les plus jeunes, public que Netflix cherche clairement à accrocher avec sa nouvelle adaptation.

 

photo, Christian Convery, Sweet ToothInnocence et allégresse

 

L'histoire dystopique, elle, reste la même et se déroule dix ans après qu'un virus mortel baptisé "La Maladie" ait décimé la majorité de la population mondiale. Sans que personne ne puisse l'expliquer, les bébés nés à partir de ce qui a été baptisé "Le Grand Effondrement" appartiennent tous à une nouvelle espèce : les hybrides. Ce sont des enfants mi-humains mi-animaux immunisés contre le virus, comme Gus (Christian Convery), qui possède les oreilles et les bois d'un cerf ainsi que des sens aiguisés. Entre peur et fascination, les survivants pensent que ces créatures étranges apparues en même temps que La Maladie sont forcément liées à la pandémie, alors le père de Gus (Will Forte) décide de s'installer au fond des bois, afin d'élever son fils en sécurité et de le préserver de la cruauté du monde extérieur.

Bien évidemment, lorsque la réalité le rattrape, Gus va devoir quitter la tranquillité de sa cabane au milieu de la forêt pour se lancer à la recherche de sa mère avec Jepperd (Nonso Anozie), un ancien joueur de football américain costaud et taciturne, qui n'apprécie pas particulièrement la compagnie des enfants. Du moins, c'est ce qu'il prétend.

 

photo, Sweet Home, Nonso AnozieÇa a changé Westeros depuis


VOYAGE À DEUX

En même temps, difficile de ne pas immédiatement s'attacher à Gus en voyant l'adorable frimousse de Christian Convery, avec ses petites oreilles poilues qui transmettent son excitation, son inquiétude ou sa tristesse. Pour son premier gros rôle à la télévision après ses apparitions dans Legion, Lucifer ou Venom, le jeune acteur est étincelant et incarne à lui seul toute la tendresse et la mignonnerie qui se dégagent de la série, sans être mielleux ou niais pour autant. Le comics présentait un univers sombre et brutal, qui s'opposait à la candeur de Gus, mais avec sa gentillesse et son optimisme contagieux, le garçon représente désormais l'espoir d'un renouveau, d'un avenir radieux après les heures sombres.

Originellement inspirée du vieux Frank Castle de Punisher : La Fin, Jepperd n'est plus ce personnage dur et complexe, mais simplement un bonhomme un peu bourru, qui sert à la fois de protecteur, de mentor et de père de substitution pour Gus. Nonso Anozie est impressionnant par sa taille et son gabarit, mais son visage rond n'est pas particulièrement inquiétant. Au contraire, la chaleur et l'humanité qui émanent de l'acteur correspondent parfaitement à l'atmosphère légère et bucolique de la série, entre néo-western et conte fantastique, même s'il est aussi capable d'interpréter le baby-sitter blasé et d'attendrir dans les moments tragiques.

 

photo, Sweet ToothToujours par deux ils vont

 

Comme dans Les Fils de l'homme, La Route ou The Last of Us (qui a probablement été influencé par le comics de Lemire par ailleurs), Sweet Tooth s'appuie sur cette relation entre un homme rustre et un enfant innocent. Relation qui se développe au gré de leurs rencontres et de leur voyage à travers ce qui reste de l'Amérique.

Seulement, alors que le scénario original se concentrait d'abord sur Gus et Jepperd, l'adaptation multiplie les intrigues et les personnages dans cette première saison. Pendant que le duo parcourt l'Ouest américain et que leurs rapports évoluent, la série suit également Adi Singh (Adeel Akhtar), un médecin qui tente de mettre au point un remède pour sa femme Rani (Aliza Vellani), mais aussi Aimee (Dania Ramirez), une ancienne thérapeute ayant créé un refuge pour hybrides ou encore le général Abbott (Neil Sandilands), le chef des Derniers Hommes, une milice qui fait régner la terreur façon The Walking Dead, en beaucoup moins sanglant.

 

photo, Sweet ToothLe Gouverneur du pauvre

 

Quand elle ne débite pas des banalités ou raconte ce qui se déroule à l'écran, la voix off du narrateur (James Brolin) essaie bien de les relier entre eux et d'installer un fil conducteur, mais les passages d'un personnage à un autre manquent cruellement de fluidité et cette alternance entre tout ce beau monde vient surtout mettre à mal la dynamique entre Gus et Jepperd, pourtant au coeur de la série.

Les différents personnages sont aussi intéressants les uns que les autres et permettent d'amener des questions morales pertinentes dans ce contexte post-apocalyptique, mais rien à part la volonté de préparer le terrain pour une deuxième saison ne peut justifier ces allers-venues incessants dans la narration.

 

photo, Sweet ToothCarottes, patates, courgettes, j'ai tout ce qu'il te faut

 


TROP BEAU POUR ÊTRE VRAI

Sans être exceptionnelle, la réalisation peut surtout compter sur son casting et sa remarquable direction artistique. Comme le prouvent les décors, les costumes, les effets spéciaux pour créer les hybrides ou l'apparition d'un troupeau d'éléphants au beau milieu d'une métropole, la série s'est donné les moyens pour représenter son univers post-apocalyptique. Dommage qu'il ne soit pas aussi beau que cohérent.

Si les paysages de Nouvelle-Zélande donnent effectivement l'impression que la nature a repris ses droits et que le monde tel qu'il était a disparu, à l'inverse, certains détails montrent clairement que la civilisation tient toujours debout, avec même de l'électricité et des jeux en réalité virtuelle sur lesquels s'amusent les jeunes éco-révolutionnaires menés par Ours (Stefania LaVie Owen), un autre personnage secondaire de l'histoire, créé pour l'occasion. Contrairement aux messages de tolérance, distillés à merveille à travers Gus et les hybrides, le propos écologiste du scénario est assez superficiel et sert d'abord à expliquer les motivations de ces adolescents sortis du Pays Imaginaire de Peter Pan.

 

photo, Sweet ToothCrochet, on veut Crochet, Crochet, on veut Crochet

 

Sweet Tooth propose bien quelques séquences qui renforcent le réalisme du récit et contrastent avec la douceur de Gus et l'univers enchanteur, mais ne parvient jamais à installer une quelconque tension ou une émotion dramatique. Sans aucune subtilité, la série se permet même de faire allusion à la Covid-19, avec des panneaux qui indiquent de se laver les mains, de respecter la distanciation ou des scènes gênantes avec un personnage qui insiste pour garder son masque, même à table, ou un autre qui remet la vaccination en question.

Regarder une série autour d'un virus qui a infecté le monde après tout ce qui s'est passé n'est pas forcément ce qu'il y a de plus réjouissant et ces séquences, qui ont certainement été rajoutées après l'interruption du tournage en juin 2020, donnent plus envie d'arrêter le visionnage qu'autre chose. Heureusement que la série peut compter sur son casting et le mystère qui entoure La Maladie et les hybrides. Les qualités prennent le dessus sur les défauts narratifs ou le manque d'originalité, mais cette première saison sert d'abord à introduire les personnages et l'univers de la série avant la deuxième, qui devrait être aussitôt annoncée si le succès est au rendez-vous. En tout cas, la série a tout fait pour s'en assurer.

Sweet Tooth est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 4 juin 2021 en France

 

Affiche française

Résumé

Sans être originale ou fidèle au comics dont elle est adaptée, Sweet Tooth séduit par son optimisme et son atmosphère enchantée de conte fantastique pour enfants, parfaitement incarnée par son casting. Dommage qu'elle se sente obligée de délaisser ses personnages ou la profondeur de son récit pour plaire au plus grand nombre.

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Lecteurs

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commentaires
Angra
15/06/2021 à 22:54

Après six épisodes je trouve cette série de plus en plus ridicule. Bobby..... c’est pas possible .....une marionnette aussi mal actionnée. OK c’est gentil tous mignon mais que c’est gnangnan.

LeRoiBoo
05/06/2021 à 22:48

@Gregdevil

Je ne connais pas la BD, mais pourquoi ne pas vouloir simplement avoir des personnes dans un autre type d'histoire.
C'est préférable a un produit qui veut coller au matériaux d'origine pour un resultat assez bof.


Si j'ai vu a la suite les 8 épisodes et c'était vraiment beau et bon.
Sur certains aspect ça donne foi en l'humanité et d'autres, non.

Par exemple certains pseudo philosophe qui demandait de laisser mourir les personnes âgées a cause du COVID pour garantir la "liberté" ou le commerce

léonelle
05/06/2021 à 17:39

Pourquoi toujours vouloir comparer avec le comics ou le livre dont une série ou film est tiré? J'ai vu les 8 épisodes et j'ai bien aimé. je trouve que ça change de ce qu'on voit d'habitude, c'est une belle histoire et les décors sont superbes. J'espère qu'il y aura une saison deux

Lepetitbreton
05/06/2021 à 06:51

N'ayant pas lu la BD je ne peux comparer à l'atmosphère de l'oeuvre originale. Pour ma part j'ai trouve la série sympa. Mis à part quelques décors en CGI un peu moches et une luxuriance de la végétation franchement exagéree c'est agréable à regarder. Les personnages sont sympa tout comme l'histoire même si cela manque de suspense.

Kelso
05/06/2021 à 01:03

Vu le premier épisode ce soir et vraiment rien d'emballant, je vais peut-être continuer ou pas, mais pour moi ça veut tout dire, si c'était bon j'aurais enchaîner plusieurs épisodes d'affilé mais c'était juste correct. Je ne connais pas le comics donc je ne peut pas juger de l'adaptation. Bref faites vous votre idée, moi je suis pas vraiment emballé.

Akitrash
04/06/2021 à 20:07

à partir du mot optimisme j'ai décroché...

Gregdevil
04/06/2021 à 17:13

Un blasphème, ou est passé la noirceur du comics ?
Comme Death Note, Netflix sacrifice une adaptation culte sur l'hôtel du famili movie.
Ça me degoute.

Numberz
04/06/2021 à 15:32

Je crois que Netflix et adaptations comics, ça va pas ensemble.

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