Too Old to Die Young : pourquoi vous allez détester la série Amazon du réalisateur de Drive et The Neon Demon

Lino Cassinat | 1 juillet 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Lino Cassinat | 1 juillet 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Nicolas Winding Refn est revenu avec sa série Too Old to Die Young, pavé indigeste arty pour les uns, expérience surréelle pour les autres, sur Amazon Prime Video en France depuis le 14 juin 2019. Après une première critique des trois premiers épisodes, on fait le bilan complet de la série. Alors, qu'en est-il réellement ?

RÉALISATEUR LYNCHÉ ?

De Désert rouge à Cléo de 5 à 7 en passant par les plus récents Under the Silver Lake et Mulholland Drive, le cinéma dit "moderne" ou d'"errance" a connu son lot d'oeuvres fascinantes et clivantes. Certains y ont salué les performances et les audaces formelles d'oeuvres hypnotiques et difficiles à saisir, d'autres ont hurlé à la posture vide d'artistes explicitement désintéressés par les idées mêmes de récit, psychologie, bref, de tout ce qui crée le sentiment d'immersion.

Une polarisation nette et particulièrement visible quand on se penche sur la réception de certains auteurs. Là où David Lynch est porté aux nues à chaque fois qu'il tousse une ligne de dialogue absconse, Nicolas Winding Refn est depuis longtemps brocardé en poseur vaniteux à l'esthétique pompière et pubarde.

 

Photo Miles TellerRépète-moi ça

 

Un traitement un peu injuste et qui est probablement plus lié à la personnalité des auteurs. La froideur, l'humour un peu provoc' et la morgue de Nicolas Winding Refn lui ont définitivement aliénés une grosse partie de la critique, quand bien même il est probablement le conservateur / restaurateur d'oeuvres le plus actif avec Martin Scorsese. Cependant, Too Old to Die Young ne risque pas de bouleverser dans le cas du Danois, au contraire. Et c'est un peu dommage, car après les deux doigts d'honneurs massifs Only God Forgives et The Neon Demon, le réalisateur retrouve une forme de sincérité, et partage même de grosses inquiétudes sur l'état du monde.

La récompense de Too Old to Die Young, elle tient dans trois derniers épisodes fabuleux dont on ne vous dira rien et quelques scènes ahurissantes disséminées ça et là, dans une salle de cinéma, au commissariat, au fond d'une fosse avec un manchot, lors d'une arrestation, ou autour d'une gifle par exemple. Mais elles se méritent, et pour les décrocher, il faut encaisser de nombreux autres épisodes très indigestes, notamment à cause du rythme de la mise en scène de Nicolas Winding Refn, plus lénifiant que jamais.

Interprétations désincarnées, silences étirés au possible, montage quasi absent, intrigue quasi inexistante, violence gratuite et misogyne, cadres suresthétisants, tout est fait pour rebuter, ou presque, et ceux qui ne peuvent d'ordinaire déjà pas l'encadrer vont suer du sang.

 

photo"Bonjour, c'est l'épisode 1 et je t'accueille avec la scène la plus glaçante de 2019"

 

NWR NTM

Les détracteurs diront évidemment que Too Old to Die Young est une coquille vide arty, une de plus pour un réalisateur qui cultive une posture provocatrice. Évidemment, il apparaît à quiconque y réfléchit deux minutes que ce "vide" infligé au public a du sens et fait écho à celui du cadre de la série : un monde ultra-luxueux, et pourtant épuisé, que ses occupants aux physiques d'Apollons et d'Aphrodites plus parfaits les uns que les autres traversent comme des fantômes indolents plus qu'ils ne l'habitent. Un (im)monde attirant, mais vide de toute substance, dont le pouls a quasiment disparu, à l'image du parrain hagard de l'épisode 2 (le plus explicite quant à la nature de la mise en scène, mais aussi le plus, disons-le, "pénible").

Mais ce qui surprend dans Too Old to Die Young, c'est que cette fois, Nicolas Winding Refn ne fait pas que se moquer froidement de la vanité, de la masculinité, de la perversité ou de l'Amérique (déjà des cibles dans ses précédents films). Cette fois, il veut aussi flinguer tout ça. Sous ses airs de bel objet pour musée d'art contemporain, Too Old to Die Young est en réalité une série hyper vénère et même assez primaire. Il y en a d'autres, mais l'exemple le plus parlant et le plus jouissif est une incroyable scène remake de la fin de Zabriskie point où télé, frigo et voiture ont été remplacés par des caravanes de nazis et de pédophiles. Et il n'y a pas plus que cela à comprendre : il veut dynamiter, éparpiller, ventiler (mais avec son style).

 

photoLes prémices de la meilleure scène de la série

 

Il est très clair que l'idée même de Too Old to Die Young ne serait pas venue à l'esprit de Nicolas Winding Refn si le président actuel des États-Unis n'était pas Donald Trump.

À sa manière, Refn est ici en réalité très politique. Un point qui l'éloigne complètement de David LynchToo Old to Die Young ayant à peu près autant en commun avec la saison 3 de Twin Peaks à laquelle elle a été comparée qu'un ornithorynque en a avec un toucan. Et c'est au coeur même de l'Amérique que s'en prend le Danois avec sa microhistoire (volontairement) étirée bien plus que de raison sur treize heures et ses personnages fascinants, mais à dormir debout.

Tout le paradoxe Refn est là : plus il est bas du front et épidermique, meilleur il est, mais c'est un amoureux du symbole et des apparences. Nicolas Winding Refn est souvent vraiment passionnant, son style baroque et ses films de genre en font un auteur tranchant violemment avec le cliché de l'auteur-réalisateur, capable d'emporter les foules.

Malheureusement, à force de jouer avec son public depuis son succès Drive, il lasse et déçoit critiques et spectateurs. C'est dommage, parce que Too Old to Die Young, on l'a pas mal subie, mais après 10 épisodes, on se dit que, quand même, au fond, c'était super.

 

Too Old to Die Young est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video en France depuis le 14 juin 2019.

Bonus :

Meilleurs épisodes : 1, 4, 8, 9, 10

Moins bon épisode : 2

 

Affiche

Résumé

Tour à tour cauchemar crépusculaire urbain au ralenti, absurde satire hypnotique et défouloir politique primaire, Too Old to Die Young draine une énergie folle au visionnage à cause de son aridité et hante longtemps le spectateur. On en ressort lessivé, un peu frustré par certains épisodes, mais avec la satisfaction d'avoir participé à quelque chose de très particulier et beaucoup de bons souvenirs.

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commentaires
sCorphæ
22/04/2023 à 15:30

Merde j'avais pas fini de supprimer certaines séries que je venais de copier-coller, venant de mes Notes. Je comptais en mettre seulement 4 ou 5 (et en rajouter une qui n'y est même pas au final, m'enfin). J'en avais déjà supprimé pas mal.
Du coup y en a plusieurs qui ont été inscrites ici alors qu'elles n'ont absolument rien à faire dans ce que je considère comme des "perles rares de nôtre ère"...
J'avais pas terminé mon message mais ai cliqué sur 'envoyer'.
& pas moyen de le modifier

sCorphæ
22/04/2023 à 15:23

Je venais dans l'optique de laisser un commentaire afin de faire savoir que c'est ma série préférée - ou du moins à égalité avec plusieurs autres, qui sont en vérité probablement trop différentes pour réellement être mises en comparaisons.
Je l'avais déjà fait savoir ici il y a 2 ans que "To Old to Die Young" est une masterpiece, à mon sens. J'en avais fait les louanges sous un autre pseudo "Xyhorr".
Mais bref.
Elle est toujours dans le haut de mon classement, accompagnées des plus grandes autres perles rares de de nôtre ère, tels que :
The Last of Us
- Raised By Wolves
- Taboo
- Gangs of London
- Watchmen
- Tales From the Loop
- Peripheral
○ Westworld 
○ The Boys
○ Andor
○ Yellowjackets
○ True Detective
○ Mindhunter
○ Vikings
○ The Devil's Hour

lovetvshow
04/12/2022 à 01:44

Détester?non je ne croit pa en revanche je conteste la légitimité des critiques français qui tombent souvent a coter des séries que j'adore.moi too old die young j'ai trouver cette série déroutante envoutante différentes bref un vrai pti bijoux télévisuelle une vrai œuvre d'art rarement vu a la télévision ne tenez pas compte de cette critiques elle est fausses et courez voir cette série?Les critiques français devrait se contenter de critiquer des série comme plus belle la vie ou Joséphine ange gardien c’a leur correspond plus.

YP
22/04/2022 à 13:05

Expérience volontairement soporifique, contemplative et douloureuse où les moments courts et abrupts d'une violence inéluctable et sans concession apparaissent comme lueur majestueuse quasi jouissive. Ici réside tout le paradoxe de l'œuvre de NWR.

L'épisode 8 en est la parfaite illustration où après 45 minutes d'indigestion où l'ennui guette [scène de théâtre dans le commissariat surréaliste, abrutissante et léthargique suivie d'une séquence soporative mielleuse d'un amour irréel] arrive la chute revigorante. Celle-ci ouverte avec brio par une scène glaçante et âpre où la violence n'en finit plus de briller. C'est ici tout le génie et la force de NWR.

Xyhörr
05/09/2020 à 13:26

Nicolas Winding Refn : putain d'génie.

Tout comme je considère Christopher Nolan d'une manière toute autre.
& quelques autres, bien sûr.

Le perso qu'incarne Ryan Gosling dans Drive me parle directement.
Drive est d'une véritable magie.

D'autres des films de Refn le sont aussi (magique), mais m'atteignent quelque peu moins. Quelque peu.

Too Old to Die Young, c'est la seconde fois je mate la série, après peut-être 2 ans, et putain quel délice. Magistral.. clairement.

Je comprends qu'on ne puisse pas aimer.

Définir clairement TOtDY est relativement complexe, c'est une œuvre aussi complexe que limpide. Mais pour essayer de placer des mots dessus, sans parler des jeux de pouvoirs, de la névrose du monde moderne - ou plus spécifiquement, la névrose de l'être humain en déconnexion total avec la Nature Source, de l'oubli de soi, de la justice désincarnée, du double-tranchant schizophrénique qui nous anime pour la majorité, et j'en passe.. je dirais simplement :
Psychédélique. Psychologique. Psychotique sévère. Psychiatrique. Ultra lucide de manière rationnelle extrême face à la réalité du monde - tel le Joker des DC comics (du moins parfois, en ce qui concerne ce dernier). & purement intelligent..
Ceci accompagné de ce que je disais juste au-dessus.

Du moins, à mon sens .. toujours.
Tout ceci n'est que ma perception

FT
03/01/2020 à 10:51

Je viens enfin de voir cette série... Quelqu'un peut m'expliquer (sans spoiler) les deux derniers épisodes (les moins réussis pour moi). Y a t il un côté mystique et divinatoire ? Qui sont en réalité les "Etres" dont parle Diana ?
Sinon c'est une série très lente mais ô combien originales, hypnotisante (binge pour moi) et visuellement très riche. Je suis très fan de l'univers et des films de NWR.
Que l'on aime ou pas c'est rassurant de voir exister de telle créations dans le monde souvent aseptisé des séries TV.

Marlon
13/09/2019 à 12:07

Extraordinaire

Simon Riaux
03/07/2019 à 11:27

@Sandro

"Ceci étant dit, cette série n'est pas à mettre en toutes les mains. "

C'est précisément ce que veut dire ce titre, avec un peu d'humour et de second degré. Et vu la température au bureau, c'est le diable qui viendra à nous.

Sandro
03/07/2019 à 11:24

Allez au diable avec vos titres d'article à la con.
Ceci étant dit, cette série n'est pas à mettre en toutes les mains. Il faut être sensible au travail de Refn. Comme la saison 03 de Twin Peaks pour Lynch. Les deux séries sont d'ailleurs très liées, car totalement radicales et très à l'image de leurs auteurs. Et au niveau du sujet, sans spoiler, on peut dire que ça se rapproche pas mal (la luttle du bien contre le mal, un monde au bord du gouffre...). A titre personnel, je suis fan du cinéaste et j'ai trouvé cette série extraordinaire. Hormis un ou deux épisodes un peu trop lents, le reste est très riche, haletant, choquant et totalement fascinant. Une vraie pépite. Puis, surtout, Refn est un vrai génie de la mise en scène, c'est du grand Art!

rag
02/07/2019 à 21:46

j ai adoré car j ai regardé cette série comme on se recueille devant une toile étrange. Il faut faire le choix d'attendre... et d'attendre encore que le plan séquence se termine. Donc très rapidement, on comprend que c'est un parti pris du réalisateur et on l'accepte, au point de faire de ce rythme la référence de la série, ou alors on arrête.

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