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« Interdit dans 3 ou 5 ans » : Wicked est trop radical pour les États-Unis, selon ce réalisateur

Par Déborah Lechner
27 décembre 2024
"Interdit dans 3 ou 5 ans" : Wicked est trop radical pour les États-Unis, selon Adam McKay © Canva Universal Pictures International France

Adam McKay, le réalisateur de Vice et Don’t Look Up, s’est exprimé sur le film Wicked, qu’il ne serait pas surpris de voir censuré aux États-Unis.

C’était un des événements ciné de cette fin d’année : la sortie de Wicked, partie 1, l’ambitieuse adaptation de la pièce éponyme culte de Broadway. Ce premier volet porté par Cynthia Erivo et Ariana Grande est un tel carton qu’il a mis une pile à Gladiator 2 avec plus de 586 millions de dollars au box-office mondial, dont près de 398 millions rien qu’à domicile.

Il faut dire que cette histoire tirée de l’univers du Magicien d’Oz a une aura toute particulière aux États-Unis et dans la sphère anglophone. Il suffit de voir le démarrage bien moins flamboyant du film de Jon Chu en France et le scepticisme qui régnait dès les premières bandes-annonces.

Pourtant, derrière le vernis rose bonbon de Wicked et son imagerie volontairement kitsch se trouve une charge féroce et éminemment politique (ce qui était déjà le cas du Magicien d’Oz sur lequel de nombreuses thématiques ont été projetées). Xénophobie, discrimination, résistance et éveil des consciences forment ainsi les grandes lignes de cette histoire aussi désenchantée que pailletée. De fait, le réalisateur Adam McKay (qui a travaillé avec Ariana Grande sur Don’t Look Up) ne serait malheureusement pas étonné qu’il soit interdit dans les années qui arrivent.

Fichue cancel culture

CHASSE À LA SORCIÈRE

Pour faire dans l’euphémisme : le contexte politique et social des États-Unis n’est pas au beau fixe. Il suffit de lire n’importe quel article de presse où Donald Trump est cité dans le titre pour en prendre la mesure.

C’est pourquoi le réalisateur Adam McKay, qui n’a pas peur de mettre les pieds dans le plat et même de renverser la table (notamment avec les grinçants Don’t Look Up, The Big Short et Vice), a expliqué sur Twitter/X qu’il trouvait le scénario bien plus radical qu’à l’ordinaire pour une production à 140 millions de dollars.

« D’un point de vue purement narratif, Wicked est l’un des films les plus radicaux jamais réalisés par un grand studio hollywoodien. Je sais que la suite revient un peu au centre, mais la première partie parle ouvertement de la radicalisation face au carriérisme, au fascisme et à la propagande.

Ce qui est vraiment frappant avec Wicked, c’est qu’il sort au moment où l’Amérique n’a jamais été aussi à droite et propagandiste. Et oui, je sais que la pièce de théâtre et le livre sont bien plus anciens, donc le timing est en partie une coïncidence, mais quand même… [ …] Si l’Amérique continue sur cette voie, je ne serais pas surpris de voir le film être interdit dans 3 ou 5 ans. »

wicked Cynthia Erivo
Elphaba a la peau verte, la peau verte Elphaba a

Après avoir notamment cité Hunger Games, le cinéaste a précisé qu’il oubliait très certainement une demi-douzaine d’autres surproductions hollywoodiennes qu’on pourrait qualifier de radicales, et qui ont cartonné au box-office. On pourrait par exemple citer Avatar 2, alias le blockbuster gauchiste suprême.

Si la première partie de Wicked se déroule avant l’arrivée de Dorothy et explique comment Elphaba est devenue la Méchante Sorcière de l’Ouest, la seconde devrait se dérouler en parallèle des événements du Magicien d’Oz et offrir ainsi un autre point de vue à cette histoire culte. Pour ça, il faudra patienter jusqu’au 26 novembre 2025, dans la joie et la protestation politique.

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Tout savoir sur Wicked : Partie 1
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Vincent Terranova

Quelle perte de temps ce film. Un recyclage de la reine des neige, pour certaines chansons, et de Harry Potter dans le monde cauchemardesque d’Oz.
Si les enfants vont s’éclater, les adultes, passez votre chemin. A moins d’être ados attardé(e)s.

julie45

Vu ce que ce film a fait aux actrices niveau santé, ça ne fera que du bien de se faire bannir des salles.
Et puis, on va se mentir vu ce raconte les films américains à l’heure actuelle, Donald Trump à raison de mettre son grain sel. Leur propagande est abjecte, elle l’était déjà dans les années 2000 avec l’Irak.

Trop bien

Wicked dans son essence méta-textuelle, transcende l’anecdotique pour interroger les interstices moraux entre narrativité hégémonique et marginalité subversive, et c’est précisément ce qui en fait une œuvre si fascinante dans le paysage actuel du cinéma populaire.
La dialectique entre Glinda et Elphaba ne se limite pas à une opposition binaire entre le bien et le mal, mais s’inscrit dans une heuristique du devenir-éthique, où chaque geste narratif devient une négociation complexe entre le désir de cohérence identitaire et l’irruption du chaos altéritaire.

Dans un contexte où les blockbusters peinent souvent à dépasser une lecture superficielle des récits manichéens, Wicked redéfinit les codes en explorant une zone grise presque insaisissable. Si l’Oz paradigmatique fonctionne comme un “symbolique” lacanien quasi-totalitaire (un ordre établi écrasant toute dissidence), la trajectoire d’Elphaba, à l’inverse, incarne une praxis de déterritorialisation deleuzienne.
Cette approche recontextualise la figure de la sorcière, non pas comme une simple antagoniste, mais comme une entité dissidente, porteuse d’une altérité radicale qui trouble nos repères moraux.

En somme, au-delà de sa direction artistique éblouissante et de ses performances vocales impressionnantes, Wicked se démarque par sa critique subtile de l’essentialisme narratif.
Le film propose une esthétique de la liminalité qui, dans une ère saturée d’histoires linéaires, s’affirme comme un geste à la fois courageux et nécessaire.
Chez Ecran Large, où l’on apprécie les œuvres capables de conjuguer spectacle et réflexion, on ne peut que saluer un blockbuster qui ose naviguer dans des eaux aussi philosophiques.