Le Martyre des Chrétiens du Khabour : Le documentaire choc sur la guerre en Syrie de la rentrée

Christophe Foltzer | 10 septembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 10 septembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Nous parlons majoritairement de films et de séries de divertissement sur EcranLarge, de super-héros et d'histoires d'horreur qui nous font marrer ou frémir. Mais il arrive parfois que l'on ne puisse pas fermer les yeux sur la réalité, surtout lorsqu'un documentaire exceptionnel arrive sur nos écrans. Et c'est pour cela que nous nous faisons le relai du Martyre des Chrétiens du Khabour. Parce que c'est important.

La guerre en Syrie fait rage depuis de nombreuses années, et elle semble loin d'être terminée malheureusement. Si nous en entendons parler quotidiennement dans nos fils d'actualités et dans nos journaux télé, on peut s'étonner du fait, qu'au final, nous ne la connaissons pas vraiment. Sans parler des implications géopolitiques et des problèmes territoriaux et économiques qui lui ont donné naissance, le sort des habitants sur place nous demeure inconnu. Et c'est ce que le documentaire Le Martyre des Chrétiens du Khabour souhaite nous montrer.

Une réalité terrible qui revêt des qualités de document exceptionnel puisque les réalisateurs Chris Huby et Matthieu Delmas sont les seuls reporters au monde à avoir pu pénétrer au Rojava, dans les environs de la ville d'Hassaké, pour nous ramener ces images terribles. Le documentaire d'une vingtaine de minutes nous propose de suivre plusieurs points de vue avec, en fil rouge, l'Archevêque de la communauté chrétienne de la ville, Jacques Behnan Hindo.

 

Photo Khabour

 

LA GUERRE, LA VRAIE

Isolé et "protégé" par les troupes kurdes du YPG, l'Archevêque refuse de partir pour soutenir sa communauté et continuer à se battre pour ses croyances alors même que la guerre fait rage et que Daesh n'est jamais très loin. Une situation intenable et complexe qui met en lumière les ravages fous furieux de l'Etat Islamique et la cohabitation difficile entre plusieurs groupes de confessions différentes, pour l'instant tournés vers un ennemi commun mais qui risquent de se monter les uns contre les autres lorsque la menace sera vaincue. L'homme d'église nous emmène donc dans un village proche, intégralement détruit par les intégristes, où ne reste plus qu'un seul habitant, revenu de son exil d'Allemagne où il a laissé toute sa famille parce qu'il est chez lui et qu'il veut tout reconstruire.

Nous rencontrons ensuite un restaurateur dont l'établissement a été totalement mis en pièce et qui se trouve dans la ligne de mire de l'EI parce qu'il vendait de l'alcool. Des images terribles et douloureuses qui nous montrent enfin la réalité du conflit et le quotidien de cette population malheureuse qui n'avait rien demandé à personne. Un voyage au centre de l'horreur dans la région du Rojava jugée inaccessible aux étrangers et qui rend le tout encore plus exceptionnel. Un compte-rendu terrifiant mais tout aussi nécessaire, bien loin des déclarations de nos chefs-d'état, de la propagande militaire et gouvernementale (quelle qu'en soit l'origine) et des rapports sur les différentes attaques pour éradiquer une menace qui tue à travers le monde depuis trop longtemps pour des motifs faussement religieux.

 

Photo Khabour

 

SYRIANA

Avec Le Martyre, nous avons donc la véritable preuve que l'Etat Islamique ne poursuit pas une Guerre Sainte, ni une noble idéologie mais n'est qu'instrument de chaos et de destruction jusqu'à des extrêmes inimaginables pour nous autres, occidentaux, confortablement installés dans nos salons et qui pestons parce que bon, quand même, ils nous embêtent quand même un peu ces gens-là avec leurs attentats tous les 3 jours.

Une leçon de vie de ces habitants qui ont tout perdu mais qui se battent pour survivre, s'organisent et se redressent sur des ruines encore fumantes. On a la gorge nouée en découvrant ces témoignages tristes où règne cependant une intense lumière, on remet les choses en perspective face à ces gens, pas si différents de nous, qui ont connu l'horreur absolue, qui sont encore là pour en parler et dont le sort est plus qu'incertain. On est pris de colère aussi, contre l'Etat Islamique, et contre nous-mêmes, spectateurs chanceux d'un massacre qui se passe à quelques heures d'avion de nos maisons.

Si Le Martyre prend pour sujet les chrétiens orthodoxes d'Hassaké, il ne prend pas parti pour une religion contre une autre. Seul compte l'humain dans cette affaire, quelles que soient ses croyances. Le documentaire nous rappelle que nous sommes tous égaux face à l'horreur et la souffrance et, le seul défaut que l'on pourrait lui trouver est qu'il soit bien trop court pour un sujet de cette ampleur. Un défaut qui sera bientôt corrigé puisque, selon nos informations, il devrait sortir en version longue à la fin de l'année.

 

 

On saluera la sensibilité des deux réalisateurs avec laquelle ils ont abordé le sujet. Oui, le documentaire n'est pas à mettre entre toutes les mains, certaines images sont extrêmement dures, mais ce n'est jamais gratuit. Le respect des intervenants et de leur malheur est total, le film est au service de leur voix et ne se permet aucun jugement déplacé, ni effet de manche spectaculaire. C'est la réalité brute qui nous est présentée et c'est terrifiant tout autant qu'émouvant. Et important. D'ailleurs, on ne peut s'empêcher de mentionner les autres travaux de l'un des reporters, Chris Huby, qui n'en est pas à son premier voyage sur ces terres de désolation et dont les derniers reportages sur la bataille de Raqqa valent le coup d'oeil. Sans vouloir faire de pub honteuse, on vous conseille quand même d'aller faire un tour sur le site du Guardian et de L'Obs pour savoir de quoi on parle.

 

Voir Le Martyre des Chrétiens du Khabour, c'est se rappeler la réalité, voir notre monde tel qu'il est et accepter cet état de fait comme point de départ pour en faire quelque chose. C'est aussi se souvenir que nous sommes des êtres humains et que si nous ne sommes pas contre un post-apo de temps en temps au cinoche, le chaos et la destruction existent bel et bien aujourd'hui, pas si loin de nous et que nous en entendons parler sans bouger un doigt. Il faut impérativement voir ce documentaire exceptionnel, sur le site Spicee (toujours dans les bons coups, décidément), il faut en parler, il faut le partager, que cela crée le débat, hors des sentiers officiels. Ce qui leur arrive n'est pas anodin, c'est abominable et, malheureusement, il n'est pas dit que cela ne nous arrive pas un jour.

 

Photo Raqqa

Photo : Chris Huby - Tous droits réservés

 

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commentaires
Dirty Harry
14/09/2017 à 16:56

hé bé, voir Christophe Foltzer mettre son anticléricalisme anachronique de coté et son indolence habituelle envers les croyants d'obédience catholique pour s'émouvoir le martyre chrétien (des profanations de cimetières aux coptes du moyen orient, sans compter les valeurs sans cesses piétinées) redonne l'espoir en l'humanité. Comme quoi il y a certainement un coeur qui bat derrière cette plume, une sensibilité qui pourra peut être ouvrir les yeux un jour sur l'erreur de taper sur un christianisme qui est à terre....

Starfox
10/09/2017 à 20:49

La guerre en Syrie, elle est très compliquée. Merci en introduction d'avoir indiqué que finalement nous ne savons finalement pas grand chose sur ce gachis monumental.

De ce côté-ci du monde, tout a été fait pour nous raconter les faits comme si nous étions des enfants. A la mode western. Equivalente à la rhétorique d'un George Bush après le 11 septembre. D'un côté, dans le rôle du méchant, Bachar El Assad, le tyran sanguinaire qui tue son peuple aveuglément. De l'autre côté du ring, les rebelles, les gentils, la fleur au bout du fusil, pour la liberté. A préciser qu'à ce moment-là, daesh n'existe pas encore en Syrie.

Et quand on s'intéresse un peu plus sérieusement à cette histoire, on se rend compte que les choses ne sont pas si simples. Dans ce genre de situations, évidemment que ce n'est jamais simple. Mais pour nous vendre une intervention en Syrie, nos chers décideurs en haut-lieu nous ont pris comme d'habitude, pour des enfants, en simplifiant tout.

En occultant, par exemple, des atrocités commises par des "rebelles" sur les populations civiles, chrétiennes ou musulmanes, quand les sbires d'Al-Zarqaoui ne sévissait qu'en Irak à ce moment-là. Ils formeront daesh plus tard en Irak et en Syrie. En précisant que la frontière entre rebelles syriens et daesh s'est finalement avérée très fine sur le terrain.

Quand l'occident s'est rangé, pour d'obscures raisons, du côté des rebelles, El Assad avait prévenu de ne pas jouer avec le feu : "aujourd'hui, les terroristes sont en Syrie, demain ils seront chez vous".

Voilà, on y est.

Ded
10/09/2017 à 20:01

Vos intentions sont louables, jeune homme, et je suis pleinement d'accord avec ces préoccupation humanistes qui vous honorent. Cependant vous faites fausse route quant aux motivations profondes de cette mouvance terroriste. Lisez donc les éditos de Riss ou "A la manivelle" de Gérard Biard de "Charlie Hebdo" dans les locaux duquel "ce qui risque de nous arriver" comme vous dites a commencé, je vous le rappelle, le 7 janvier 2015. Faut-il vous rappeler également les autres dates et le nombre des victimes ? Et quelles seront celles à venir ?...