Festival International du Film de Saint-Jean-De-Luz : Jour 3 et grosses claques

Christophe Foltzer | 7 octobre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 7 octobre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Si les deux premiers jours de la compétition nous avaient déjà offert de grands moments, le Festival a décidé de sortir l'artillerie lourde en nous assénant coup sur coup trois grands films. Rien que ça.

Il y a toujours un moment durant le Festival où l'on sait qu'un film retient notre attention, qu'il se démarque des autres et qu'il restera dans notre coeur un très long moment; Sauf que là, on est un peu embêtés, il y en a eu 3, et d'affilée en plus. Et on commence sans plus attendre avec le chilien You'll never be alone d'Alex Anwandter, tragédie poignante sur un jeune homosexuel rêvant d'intégrer le cabaret et qui a le malheur de tomber au mauvais endroit et sur les mauvaise personnes. Hospitalisé, ses rêves s'envolent et nous suivons son père qui peu à peu découvrira la vie de son fils ainsi que sa propre incapacité à l'assumer. Ce film constitue une énorme surprise dans son traitement en brisant son postulat de départ que l'on craignait classique et cousu de fil blanc. Alors que l'on pouvait en effet craindre une énième romance interdite entre deux adolescents, le film bascule totalement pour épouser le point de vue du père et commence ainsi sa longue analyse de la société chilienne et ses limites. Doté d'une mise en scène exemplaire et ingénieuse (bien que l'on peut trouver sa photographie un peu trop sombre par instants), le film étonne par sa maitrise et sa maturité et en devient un objet de cinéma passionnant, fort et émouvant.

 

Photo You'll never be alone

  

Paris la blanche de Lidia Leber Terki nous propose de suivre Reika, une vieille algérienne qui décide de gagner la France pour retrouver son mari, parti sur les chantiers et qu'elle n'a pas vu depuis 48 ans. Délaissant volontairement le côté politique lourdaud que l'on pouvait craindre pour s'attarder sur ses personnages et sa belle histoire d'amour, la réalisatrice compose une véritable ôde humaniste, sorte de fable moderne parmi les laissés pour compte,sondant ce que notre société moderne essaye de cacher par honte, un portrait de femme on ne peut plus touchant et sensible porté par des comédiens exemplaires et touchants de justesse. Jamais prétentieux, jamais poseur ni donneur de leçons, le film sait se montrer idéaliste sans être naïf, lumineux sans négliger sa part d'ombre, grave sans être lourd et n'oublie jamais que le plus important entre les humains sont les sentiments et le vrai amour tout en nous épargnant une conclusion fleur bleue en nous rappelant de façon émouvante que la plus belle preuve d'amour envers quelqu'un est peut-être d'accepter le parcours qu'il s'est choisi. Très beau.

 

Photo Souffler plus fort que la mer

 

Puis vint le choc de la journée, voire du festival, voire de l'année : Souffler plus fort que la mer de Marine Place. Il sera très difficile de garder son calme et son objectivité tant ce film nous a bouleversé. Nous pressentionq qu'il nous marquerait et nous plairait, mais jamais nous n'aurions pu imaginer à quel point. Partant d'une histoire simple en apparence (la dernière famille de marins-pêcheurs d'une petite île bretonne est obligée de vendre son bateau pour survivre), le film se révèle d'une justesse et d'une puissance incroyables, porté par les performances remarquables d'Aurélien Recoing, Olivia Ross et Corinne Masiero.

Extrêmement dur tout autant que beau, ce film nous saisit par sa grande sincérité, son honnêteté humaine et son abandon sensoriel total passé les 20 premières minutes déjà très belles. A partir de cet instant, le film s'affranchit de son fond social (sans pourtant jamais le perdre) pour plonger de plein pied dans son versant mélancolique pur, voire mythologique. Nous nous retrouvons alors en présence d'un objet qui conjugue à la fois la symbolique, la psychanalyse, la musique, la métaphysique, dans un ensemble ultra maitrisé et d'une puissance émotionnelle dévastatrice qui ne nous lâche pas jusqu'à son ultime plan; Porté par une mise en sène servant les tourments et la complexité de ses personnages, parcourue d'idées qui dépassent largement le cadre réaliste et quotidien de ses protagonistes pour accéder à une dimension mythologique voire archaïque dans son climax, Souffler plus fort que la mer est une expérience tout aussi éprouvante que magnifique et l'on a bien du mal à croire qu'il s'agisse d'un premier film.

Vous l'aurez compris, notre vrai choc du Festival est ce film et il n'existe pas suffisamment de mots et de superlatifs pour exprimer tout l'amour que nous ressentons à son égard. Souffler plus fort que la mer est un film rare et précieux dans notre cinéma, une rencontre inattendue mais rétrospectivement capitale avec une réalisatrice et un univers que l'on est prêt à défendre contre les marées les plus violentes.

Voilà de quoi nous mettre en joie pour le reste de la compétition. Plus que jamais, le Festival prouve son statut d'évèvenement indispensable; Vite,la suite.

 

Photo Déborah François

Stéphanie Pillonca et Déborah François (Crédits Photo Chris Huby - (Tous droits réservés)

 

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