Spider-Man par James Cameron : "le meilleur film jamais fait" (selon lui-même)

Geoffrey Crété | 18 septembre 2022 - MAJ : 18/09/2022 14:20
Geoffrey Crété | 18 septembre 2022 - MAJ : 18/09/2022 14:20

James Cameron a failli réaliser un film Spider-Man, et c'était tellement excitant que son projet a inspiré la trilogie Sam Raimi.

À peu près tous les chemins mènent ou ont failli mener à James Cameron. Ainsi, durant les décennies de développement et espoirs d'adapter les comics Spider-Man au cinéma (dont un Spider-Man par Fincher), le réalisateur culte a sérieusement tâté de l'araignée. C'était dans les années 90, quelque part autour de Terminator 2, True Lies et Titanic. Et le projet était tellement excitant qu'il a ouvert la voie à la trilogie réalisée par Sam Raimi, lequel a conservé quelques idées du grand maître.

Retour sur cette version enterrée à cause de sombres histoires de business, et qui a certainement été un grand moment de cinéma hollywoodien dans une réalité parallèle.

 

 

mettre les droits sur SPIDEr-man

1er septembre 1993. Hollywood se remet à peine d'un été marqué par Jurassic Park, Last Action Hero et Sauvez Willy (trouvez l'intrus) qu'un nouveau monstre se profile à l'horizon. Variety annonce que le film Spider-Man est en très bonne voie, le réalisateur James Cameron ayant terminé le scénario pour le studio Carolco. Il n'y a pas encore de budget ni d'acteur, mais l'industrie s'excite. Le projet est comparé à Batman en termes d'envergure et de potentiel commercial.

Propulsé par Terminator, confirmé avec Aliens, James Cameron a survécu à Abyss (tournage infernal et succès tiède en salles), a triomphé avec Terminator 2, et a retrouvé Schwarzy pour True Lies. Rien ne semble l'arrêter, surtout avec le soutien de Carolco, le studio derrière Rambo, Total Recall, Terminator 2 ou encore Basic Instinct. Rien, sauf le business pur, dur et triste.

 

Aliens - Le retour : Photo James Cameron, Sigourney Weaver"Ne les touche pas (ces droits)"

 

Car la très longue histoire de Spider-Man au cinéma est d'abord une histoire de droits, remontant au début des années 80. Quand le studio Carolco a mis la main dessus au début des années 90, c'était dans le cadre d'un accord avec le producteur Menahem Golan (ex-studio Cannon), sur la promesse d'un film à 50 millions de dollars, dont un bon million pour lui à la clé. Golan exigeait aussi un crédit de producteur, et ce détail sera une bombe à retardement.

Dans un dossier publié en 2017, Empire racontait que James Cameron avait aussi ses exigences. Parmi elles : un salaire de trois millions, et un droit de regard sur tous les gens impliqués. Pour une raison ou un autre, le réalisateur ne voulait pas que le nom de Menahem Golan apparaisse au générique. Résultat : le producteur vexé a attaqué Carolco en justice en avril 1993, alors que le projet décollait pour de bon.

 

Spider-Man, l'homme araignée : photo"J'accuse !" "Moi d'abord !"

 

C'était le premier clou dans le cercueil. Le deuxième : la santé financière de Carolco, au bord de la faillite. Bien en peine, le studio a tenté d'éviter la noyade en revendant les droits de Spider-Man à MGM. Une situation qui a ouvert les portes de l'enfer, puisque toutes les personnes liées aux droits du héros depuis des années sont sorties du bois avec leurs avocats.

Carolco a attaqué Viacom et Tri-Star pour les droits de TV et vidéo de Spider-Man, qui à leur tour ont rétorqué contre Carolco, mais également Marvel et 21st Century Films (où officiait alors Menahem Golan). Et Pathé, qui détenait alors MGM, a sorti la mitraillette pour attaquer à peu près tout le monde. Un an après, c'était un champ de ruines, la moitié des boîtes ayant déposé le bilan.

James Cameron a tenté de sauver l'affaire en allant voir la Fox, pour les convaincre de racheter les droits. Mais le cas Spider-Man était un enfer à démêler, notamment avec Sony qui s'accrochait aux droits, et la Fox ne voulait pas se lancer dans une telle bataille.

 

Spider-Man : photo Spider-manVous avez tous oublié ce Spider-Man japonais

 

spider-boy

En parallèle de cette tempête qui devait faire frétiller la moitié des cabinets d'avocats de Los Angeles, James Cameron rêvait très fort de son film. En une cinquantaine de pages, il avait établi les grandes lignes de son Spider-Man, légèrement différentes de celui des comics. Peter Parker gagnait ainsi ses pouvoirs suite à une sortie scolaire pour étudier des mouches génétiquement modifiées. L'une d'elles se retrouvait dans la toile d'une araignée, laquelle finissait par la bouffer puis mordre l'adolescent.

 

Spider-Man : photo storyboard James CameronLa Mouche vs Spider (storyboard de Daniele Tomasi)

 

Mais le détail de taille qui a marqué les esprits est la nature des toiles tissées par Peter. Dans les comics, le héros utilise des lance-toiles. James Cameron, lui, transforme ça en pure extension organique, qu'il sécrète et lance de ses poignets (en réalité, l'idée venait du scénario de Leslie Stevens, pour une version horrifique complètement déglinguée).

Le héros décidait toutefois de camoufler sa nature avec de faux lance-toiles, pour ne pas être vu comme un monstre. Une idée lourde de sens pour un film sur l'adolescence, et qui sera réutilisée par Sam Raimi.

 

Spider-Man : photo storyboard James CameronStoryboard : l'ado le matin, par Daniele Tomasi

 

Malmené par Flash, amoureux de Mary-Jane (qui se révélait toute gentille et géniale derrière ses airs de gosse de riche), Peter vivait une transformation plus lente et étrange. Hanté par des rêves fiévreux, témoin des métamorphoses progressives de son corps, il se réveillait dans des endroits absurdes - notamment accroché la tête à l'envers à un poteau, et au sommet d'un pont en caleçon.

Conscient de sa nature mi-fantastique mi-monstrueuse, il décidait de se transformer en attraction, sous l'identité de Spider-Man, pour gagner de l'argent dans les rues et à la télévision. Mais il décidait également de mentir sur ses toiles organiques, en faisant croire qu'elles étaient créées par des lance-toiles. D'un côté, l'adolescent parvenait à créer un alter-ego populaire, fort et admiré. De l'autre, il avait peur d'être perçu comme une créature de fête foraine.

Sa romance avec Mary-Jane, créée grâce à un travail à l'école sur les araignées, était bien évidemment centrale. Avec quelques petites touches plus matures : Peter essayait d'utiliser ses pouvoirs pour l'épier (comme tout bon ado libidineux), et finissait par coucher avec elle au sommet du pont de Brooklyn, où il l'attachait avec ses toiles (presque comme tout bon ado libidineux).

 

Spider-Man : photo storyboard James Cameron Spider-Mate (storyboard de Daniele Tomasi)

 

electro trump

Découvrant peu à peu l'étendue de ses pouvoirs, Peter vivait le même trauma avec la mort de son oncle, tué par un voleur qu'il n'avait pas arrêté. Emmené par la police après avoir retrouvé le meurtrier, il décidait de s'échapper, devenant ainsi un fugitif. Pour le plus grand bonheur d'un J. Jonah Jameson, présentateur TV convaincu que ce Spider-Man ne pouvait être qu'une menace pour la société.

Côté méchants, rien de bien étonnant pour quiconque a suivi le héros au cinéma depuis : Spider-Man affrontait Carlton Strand alias Electro, ainsi que son homme de main, L'Homme-sable.

 

Spider-Man : No Way Home : photoElectro-tôt pour voir le jour

 

James Cameron avait choisi de présenter un Strand déjà devenu Electro au début de film. En cours de route, un flashback remontant à 10 ans expliquait comment ce petit escroc était devenu un super-vilain : fuyant la police, Strand s'était retrouvé sur un site scientifique au milieu du désert, électrocuté lors d'un orage au milieu de dizaines de paratonnerres.

Il décidait alors de se venger de ses anciens partenaires qui l'avaient trahi, et comprenait que son contrôle sur la technologie (téléphones, ordinateurs) lui donnait le plus grand des pouvoirs : l'information. Manipulant les données bancaires et compagnie, il devenait ainsi un puissant homme d'affaires, présenté par James Cameron comme un mélange entre Donald Trump et Michael Milken.

Avec un prix à payer néanmoins : à cause de ses pouvoirs, Strand ne pouvait plus avoir aucun contact humain, notamment avec sa femme Cordelia. Il lui suffisait d'embrasser quelqu'un pour provoquer une petite crise cardiaque, et éventuellement réanimer son coeur, si l'envie était là.

 

Spider-Man 3 : photoIl était déjà là

 

Apprenant l'existence de Spider-Man, Strand essayait d'abord de le recruter, pour rejoindre sa bande de super-vilains. Malgré la tentation d'une grosse somme d'argent pouvant aider sa tante May, Peter refusait. Légèrement agacé, Strand décidait de ruiner sa réputation de héros, en mettant en scène de faux et méchants Spider-Man dans la ville, et en payant grassement Jameson pour inonder les JT avec les images.

Strand perdait les pédales, allant jusqu'à tuer Cordelia pour que Spider-Man soit accusé du meurtre. Il kidnappait (évidemment) MJ pour piéger Spider-Man, et les deux s'affrontaient au sommet du World Trade Center, où Peter sauvait in extremis (évidemment) MJ. Electro était finalement tué dans le combat, durant lequel Peter retirait son masque.

À la fin de la bataille, à l'aube, le Robin des bois tisseur décidait de littéralement lâcher dans les airs la fortune de Strand, qui tombait dans les rues de New York.

Autre petit point commun avec le film de Sam Raimi : à la fin, MJ embrassait Peter, et sentait quelque chose de familier dans ce baiser. Néanmoins, c'était bien plus explicite (et assumé) chez James Cameron, puisque Peter lui dévoilait clairement son identité de Spider-Man. Il humiliait Flash devant toute l'école, et l'histoire se terminait sur l'annonce de la vie après le lycée, avec Spider-Man veillant sur la ville.

 

Spider-Man : photoSpider-Money

 

SPIDER-hard

Peter mordu par l'araignée pendant qu'il photographie Mary-Jane, Mary-Jane attaquée par des petites frappes dans la rue, Spider-Man qui l'embrasse en relevant seulement le bas de son masque, sans parler des toiles organiques... Il y a beaucoup, beaucoup de similitudes entre le scénario de James Cameron, et le film réalisé par Sam Raimi. Ce qui n'a rien d'extraordinaire à ce niveau hollywoodien.

Nul doute que le scénariste David Koepp a été engagé pour prendre le meilleur des précédents essais, et pour rester entre les emprunts légalement tolérés en évitant un potentiel procès. Le scénariste Ted Newson, qui avait travaillé sur une des nombreuses versions de Spider-Man avant Cameron, avait d'ailleurs demandé à être crédité sur le blockbuster de 2002. Sans succès.

 

Titanic : Photo James Cameron, Leonardo DiCaprio"Dessine-moi comme un de tes Spider-Man"

 

Grosse différence néanmoins : James Cameron imaginait un Spider-Man plus adulte, avec notamment des répliques pas très douces ("I'll kill you motherfuckers! You goddamn bastards!"). Ce qui sera totalement évacué par la suite, pour arriver à un spectacle familial.

La question du casting a nourri bien des fantasmes. En 1997, pendant la promo de Titanic, James Cameron a expliqué qu'il envisageait Leonardo DiCaprio pour le rôle de Peter Parker. Arnold Schwarzenegger, lui, a mentionné qu'il devait incarner Octopus. Il disait à Empire en 2012 : "Ça n'est jamais arrivé parce que James s'est battu avec le studio, et ils ont pris une autre direction".

Octopus le temps d'une apparition, afin de préparer la suite ? James Cameron ayant toujours eu en tête une saga, l'idée semble logique.

 

Spider-Man 2 : photo, Alfred MolinaDr OctopuSchwarzy

 

Spider-mAvatar

Dans tous les cas, le fantôme de Spider-Man, lui, s'accroche à James Cameron. En 2014, à Collider, Cameron résumait très simplement le chaos de ce projet avorté :

"Spider-Man n'allait nulle part. Cannon, une boîte de production de films à très petits budgets des années 80, a brièvement eu les droits. Personne n'en avait fait grand-chose. Les personnages Marvel en général n'étaient pas bien développés à cette époque. J'ai incité Carolco Pictures à acheter Spider-Man. Je voulais lancer une série de films. J'ai écrit un traitement plutôt développé - 80 ou 90 pages, je crois. Et encore une fois, Carolco s'est écroulée, les droits ont été lâchés et je ne les ai pas récupérés parce que je partais sur Titanic et d'autres choses. Quand j'étais enfant, pour moi il y avait tous les super-héros, et puis il y avait Spider-Man."

Dans son livre Tech Noir: The Art of James Cameron, publié en 2021, le réalisateur en parle comme du "meilleur film jamais fait". En interview avec Screen Crush, il réexpliquait à quel point l'histoire de Spider-Man était pour lui une grande métaphore, à la fois de la puberté, mais aussi du potentiel enfoui en chacun de nous.

 

Spider-Man : photo storyboard James CameronDe l'importance de bien viser

 

Il détaillait sa vision, validée par Stan Lee, consulté de A à Z à l'époque :

"Ma version aurait été très différente. La première chose qu'il faut avoir en tête, c'est que ça n'est pas Spider-Man. Il s'appelle Spider-Man, mais il n'est pas Spider-Man. Il est Spider-Kid. Il est Spider-le-gamin-du-lycée [...] Je voulais quelque chose de plus réaliste et brut. Les super-héros en général me semblent toujours un peu fantaisistes, et je voulais quelque chose dans la veine de Terminator et Aliens, qu'on croit en cette réalité. Donc on est dans le monde réel, pas dans un Gotham City mythique. Ou Superman avec le Daily Planet et tout ça, où ça semble toujours dans la métaphore ou le conte de fées. Je voulais que ce soit simple : c'est New York. C'est maintenant."

Et de conclure avec un esprit de sale gosse :

"La Fox ne voulait pas se battre pour Spider-Man. Et j'étais genre, 'Vous rigolez ? Ce truc pourrait valoir, je ne sais pas, un milliard !'. Et 10 milliards plus tard..."

oth Cameron Spidey paintings peer down at the character as he climbs up the side of a building while New York City bustles below him. In Tech Noir, Cameron calls Spider-Man “the greatest movie I never made.” When I had the opportunity to talk to Cameron as part of a Zoom roundtable discussion of Tech Noir, I asked: Why does he consider his Spider-Man the great white whale of his career, and how would his vision of the character been different from the many Spider-Man films we’ve seen to date?

Read More: James Cameron Reveals His Vision For His Unmade Spider-Man Film | https://screencrush.com/james-cameron-spider-man-movie/?utm_source=tsmclip&utm_medium=referral

 

Spider-Man : photo storyboard James Cameron Le storyboard complet du passionné de Daniele Tomasi

 

Le cinéaste a en tout cas retenu une grande et belle leçon : "Après Titanic, j'ai décidé d'avancer et faire mes propres trucs, et ne pas m'acharner sur les propriétés intellectuelles. Donc le fait que Spider-Man ne se fasse pas a probablement été le coup de pied aux fesses qui m'a permis de faire mes propres trucs."

Both Cameron Spidey paintings peer down at the character as he climbs up the side of a building while New York City bustles below him. In Tech Noir, Cameron calls Spider-Man “the greatest movie I never made.” When I had the opportunity to talk to Cameron as part of a Zoom roundtable discussion of Tech Noir, I asked: Why does he consider his Spider-Man the great white whale of his career, and how would his vision of the character been different from the many Spider-Man films we’ve seen to date?

Read More: James Cameron Reveals His Vision For His Unmade Spider-Man Film | https://screencrush.com/james-cameron-spider-man-movie/?utm_source=tsmclip&utm_medium=referral

De là à se dire que l'homme-araignée a participé à la création d'Avatar, il n'y a qu'un pas. Car James Cameron a posé les premières pierres du monde de Pandora en 1994, pile-poil pendant l'ouragan Spider-Man.

Tout savoir sur Spider-Man : No Way Home

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commentaires
Tom’s
19/09/2022 à 15:00

En lisant ça je me dis le truc énorme ce serait que le Studio Disney via Marvel propose à Cameron de rebooter le perso en lui laissant carte blanche, redéfinissant les contours de ce que devrais être ces films, fait par des gens qui ont une vision d’ensemble non bridé par un studio qui méprise le cinéma.

un peu à côté
19/09/2022 à 10:08

Tant qu'on parle de Cameron, d'emprunts et d'histoires originales... cela me fait penser à ce film Titanic sorti dans les années 50 et auquel James Cameron a copieusement piqué les plus beaux plans pour y accoler son histoire d'amour entre Rose et Jack. Je serai bien content d'avoir un jour un article ou une vidéo sur le sujet (à moins que ça n'ait déjà été fait). Merci

Sprig
13/12/2021 à 18:49

mais n'y avait il pas un projet de Spider man de Cameron où Shwarzenneger était casté en Venom ?

Maxproducts
10/12/2021 à 19:50

C'est un peu fort de café d'attribuer une relation entre Cameron et le Spidey de Raimi. Même si un scénario de Mr Terminator trainé ds les studios, je crois qu'ils devaient bien en avoir une centaine depuis les années 60! Merci pour ce retour sur ce fait.

Pacino
10/12/2021 à 17:27

Article super-interessant. Merci EcranLarge.

DL
10/12/2021 à 15:59

En dehors du fait que Spider-man aurait juré (ce qui au demeurant ne me plait pas spécialement), je trouve que son Spidey aurait été vraiment bon (James Cameron en même temps en tant que scénariste et réalisateur en même temps).

Comme d'habitude, l'enseignement a en tirer, les droits et les propriétés intellectuelles sont de vrais bordel mais au moins il se concentre plus que sur ses propres créations dorénavant ! Hâte de voir Avatar 2 !

l'info en plus
10/12/2021 à 14:52

Après Spiderman, Cameron n'a peut être pas complètement lâché l'affaire des adaptations de comics. A cette époque, des rumeurs couraient sur sa rencontre avec Michael Turner, le créateur de "Fathom" un comic aquatique, avec la possibilité de Jessica ALba dans le 1er rôle. JE n'ai jamais su la fin de l'histoire, mais les tenues et les coupes de cheveux des omatikayas ressemblent énormément à certains personnages de ce comics.