James Bond, Blade Runner... et si la publicité venait modifier nos films préférés ?

Antoine Desrues | 28 avril 2021
Antoine Desrues | 28 avril 2021

De nouvelles technologies de retouches numériques permettent désormais d’ajouter ou de modifier l’apparition de marques dans les films et les séries.

Avec l'hégémonie naissante du streaming, la publicité a dû trouver un nouveau moyen de s’immiscer dans nos programmes télévisés ou cinématographiques. Après tout, Netflix ou Amazon Prime Video n’ont jamais disposé de pauses publicitaires (hors leur propre promo), poussant ainsi l'industrie à avoir de plus en plus recours au placement de produits. Un fait assez logique, et qui n’est pas un mal en soi, puisqu’il peut régulièrement aider des productions à récupérer des fonds nécessaires à leur fabrication.

D’après la société d’analyses de données PQ Media (on passera sur le nom), le placement de produits aurait rapporté en 2019 20,6 milliards de dollars à travers les films, les séries et les clips vidéo. Forcément, l’aspect lucratif de la chose a amené certaines entreprises à pousser plus loin cette stratégie, voire peut-être un peu trop loin.

 

photoMême les plus grands, comme Blade Runner, y sont passés

 

En effet, d’après un article assez alarmant de la BBC, des placements de produits pourraient être ajoutés ou modifiés dans certains classiques du septième art. Avec la magie des effets spéciaux numériques, plusieurs firmes comme Mirriad ont mis au point des technologies permettant de mettre en avant un produit ou une marque, sans même que l’objet concerné soit sur le plateau.

Stephan Beringer, le directeur exécutif de Mirriad, a expliqué que cette pratique allait sans nul doute se démocratiser dans les années à venir. La société a notamment travaillé sur les programmes d’une plateforme de streaming chinoise, mais a aussi réalisé quelques expérimentations sur la série Modern Family :

“La technologie peut ‘lire’ une image, en comprendre la profondeur, les mouvements, les matières, absolument tout. C’est pourquoi vous pouvez introduire de nouvelles images. L’œil humain ne peut pas constater qu’elles ont été ajoutées après un tournage.”

 

photoBientôt une nouvelle version avec Coca ou Sprite ou Red Bull ?

 

Si l’idée peut tout à fait avoir sa place au sein d’une production en cours, elle paraît néanmoins bien plus discutable sur des œuvres préexistantes. Alors que la comédie Le Garage de Fatty de Buster Keaton (1919) est souvent considérée comme le premier film à avoir eu recours au placement de produits, il n'est pas difficile d’imaginer que ses divers logos pour des marques de pétrole pourraient être remplacés par de nouveaux.

Bien entendu, de nombreuses questions se posent sur la conservation d’œuvres de patrimoine, ou encore sur l’image d’un acteur, qui pourrait être raccroché à une marque contre son gré. En plus de potentiellement ternir le travail du production designer (chef décorateur pour faire court), cette réécriture de l’histoire a un problème : elle est bien plus insidieuse que d’autres changements de ce type, à l’instar des très célèbres “Special Editions” de Star Wars, qui ont tant attisé la colère des fans.

 

photo, Lashana Lynch, Daniel Craig"Il y a une faille dans le continuum espace-temps, James ! Cet ordinateur date de 2021."

 

Si la BBC a pris l’exemple très pertinent du Rick’s Cafe de Casablanca, dont les bouteilles de champagne pourraient très bien changer d’étiquettes à l’avenir, cette nouvelle démarche reflète surtout l’inconstance d’une industrie qui refuse de plus en plus de marquer leurs œuvres dans le temps. Des films plus récents, à commencer par d’immenses succès au box-office, auraient tout intérêt à, par exemple, profiter d’une édition vidéo ou d’une sortie en streaming pour modifier un panneau publicitaire, ou un modèle de téléphone portable.

D’ailleurs, il ne fait aucun doute que la technologie de Mirriad devrait être utile pour Mourir peut attendre, le dernier James Bond qui a subi de nombreux reports à cause de la pandémie mondiale. Alors que la franchise 007 a toujours utilisé certains placements de produits prestigieux (Aston Martin, Martini, etc), des sources ont révélé que la production a dû organiser des reshoots pour éviter que les produits représentés ne soient obsolètes à la sortie du film.

Pour rappel, les nouvelles aventures de l’agent secret sont pour le moment prévues pour sortir dans les salles françaises le 6 octobre 2021.

Tout savoir sur Mourir peut attendre

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Morcar
07/07/2021 à 16:21

Honnêtement, si lors de la prochaine diffusion TV de "Blade Runner", pour prendre un exemple, ils remplacent la pub Coca Cola par un pub Pepsi ou Snickers, ça changera quoi ? A la base, l'affichage de la marque Cocal Cola n'était pas un choix artistique du réalisateur, mais juste un placement de pub. Donc ils peuvent bien remplacer cette pub par une autre, je m'en cogne. Du moment que l'incrustation est bien faite.

Kyle Reese
28/04/2021 à 21:55

@En fait c'est déjà le cas

Ah oui j'en avais entendu parlé de ce fameux châssis il y a quelques années.
Je peux comprendre pour la sorte d'enchère aux marques, ça ne me choque pas plus que cela car ça reste en amont de la sortie du film. Ca fait donc parti de sa fabrication. Si le personnage n'a pas besoin d'avoir une voiture, une marque en particulier qui apporte un élément à la caractérisation de son personnage Why not.
Par contre adapter le modèle de voiture en fonction du support voir du pays là c'est déjà limite, le film ne devenant presque plus qu'un support publicitaire qu'une œuvre à part entière. Et puis dans ton exemple sur ce qui pourrait arriver (va arriver) là c'est cauchemardesque.
L'utilisation des algorithmes tout comme l'IA et la science cognitive pour cibler les consommateur et mieux vendre, plus vendre, des produits c'est la quintessence et l'horreur du consumérisme pour moi. N'être plus considéré que comme un con-sommateur, une vache à lait quoi, plutôt qu'un spectateur avec un cerveau et une sensibilité ça me débecte. Bon c'est pas nouveau, voir les contrats des cigarettiers avec les stars hollywoodiennes de l'age d'or, mais ça risque d'aller trop loin cette affaire. Le public de base, les nouvelles générations ne s'offusqueront sans doute même pas et consommeront tant qu'ils peuvent.
C'est un peu l'histoire de la grenouille dans la marmite. Les enfants sont déjà habitués depuis plus d'une décennie à la pub dés leur plus jeune age dans la poussette avec les appli de jeux "gratuits" sur le smartphone de leur parents.

"La pub nous fait courir après des voitures et des fringues, on fait des boulots qu’on déteste pour se payer des merdes qui nous servent à rien !" Tyler Durden.

Tellement vrai.

En fait c'est déjà le cas
28/04/2021 à 20:03

Dans les films récents et les séries, il y a déjà des produits et des marques ajoutés numériquement.

L'oeuvre cinématographique est passée via le numérique d'un partenariat de production à support publicitaire. C'est-à-dire que désormais, un film pourra vendre des encarts publicitaires au plus offrant. Par exemple, telle marque pour la sortie ciné, telle autre marque pour la sortie VOD et telle autre pour la sortie sur support numérique. Mais aussi telle ou telle marque suivant le pays de sortie.

Prenons les véhicules, par exemple. Aujourd'hui on utilise des chassis réglables pour les poursuites en voitures capables de s'adapter aux dimensions d'un modèle mais également à son comportement routier et ensuite, il suffit de rajouter une carrosserie numérique dessus du modèle souhaité. Et on y voit que du feu.

Dans tout film comportant des cascades et des poursuites en bagnoles, ça offre de sacrées possibilités pour vendre la poursuite à différentes marques de voitures. James pourra donc tout à tour être en anglaise, ou en allemande dans le même film mais sur différents supports.

Et puis suivant le pays, on pourra adapter la publicité aux préférences culturelles locales.

Mais allons plus loin. Grâce aux algorithmes qui nous tracent en permanence, la possibilité d'incruster des produits numériquement permet lors de l'achat/location d'un film en VOD de personnaliser pour chaque client les produits à afficher. Et je crois que c'est surtout ça le marché visé.

Quel monde fabuleux que celui dans lequel nous vivons où le "soi-disant" progrès technique ne sert qu'à vendre toujours plus de produits dont personne n'a réellement besoin...

Eddie Felson
28/04/2021 à 19:42

Pour le dernier oo7 oui, logique, mais pour toucher aux oeuvres déjà existantes c’est un non écoeuré et désabusé tant le mercantile prend une place démesuré et déplacé. Pauvre monde.

alulu
28/04/2021 à 18:01

Du Coca Cola à la place du Dr Pepper dans Forest Gump ne changera absolument rien au film mais c'est con dans l'absolu.

Nyl
28/04/2021 à 17:17

Ah la la ...Les pubs ...toujours de bonnes idées pour se taper l'incruste.

Fox
28/04/2021 à 15:53

Pour ceux que le sujet intéresse (bien que je le trouve très effrayant par certains aspects), le film de Morgan Spurlock "The Greatest Movie Ever Sold" est assez instructif (et drôle aussi).

Kyle Reese
28/04/2021 à 14:56

Pour le dernier 007 repoussé et pas encore diffusé je peux comprendre. Pour le reste c’est du grand n importe quoi. La marque vu dans le film fait partie du contexte de l’époque. Mettre une marque de champagne récente sur les bouteilles en place dans Casablanca serait une hérésie. Désolé mais je ne veux pas voir Pepsi ou Schweppes à la place du logo de Coca Cola dans le mega panneau publicitaire de Blade Runner. Ce plan iconique n’appartient à l’histoire du cinéma et fait parti intégrante de Blade runner, le remplacer serait dénaturer l’œuvre.

Ethan
28/04/2021 à 14:48

Catastrophique. J'ai rien d'autres à dire. Le monde devient fou.
Le numérique devient la norme au détriment du cinéma du vrai