Netflix : le cinéma français monte au créneau contre la SVoD

Antoine Desrues | 12 mars 2021 - MAJ : 12/03/2021 18:32
Antoine Desrues | 12 mars 2021 - MAJ : 12/03/2021 18:32

Alors qu’un décret du gouvernement pourrait privilégier les plateformes de streaming, des cinéastes ont délivré une tribune inquiète.

Sur Ecran Large, il nous est arrivé de revenir sur la fameuse chronologie des médias, cette réglementation française définissant l’ordre et les délais d’exploitation d’une œuvre cinématographique sur les différents canaux de diffusion. Certes rigide, mais essentielle, celle-ci est devenue de plus en plus incomprise face à l’immédiateté des plateformes de streaming. Et on vous a même une vidéo d'actu sur la question.

 

 

Il faut dire que contrairement à d’autres pays comme les États-Unis, la France a pu passer pour le village résistant encore à l’envahisseur, puisque les services de SVoD ont toujours été relégués au bout de la chaîne. Si une œuvre de cinéma a suivi une chronologie traditionnelle (sortie en salles, puis en vidéo, etc), une plateforme n’a le droit de la diffuser que trente-six mois après son exploitation sur grand écran.

 

photo, Robert Downey Jr.C'est pour ça que vous n'avez pas encore Avengers : Endgame sur Disney+...

 

D’un côté, il est clair que la chronologie des médias aurait besoin d’être dépoussiérée par des réformes, et les nouveaux acteurs du marché ont offert pour cela une occasion idéale. De l’autre, il est nécessaire que ces révisions de loi restent fermes pour privilégier la diversité culturelle et l’équilibre global de la chaîne.

On a d’ailleurs vu en comparaison que l’absence de chronologie des médias aux États-Unis a vite fait des ravages, puisque Disney+ ou encore HBO Max n’ont pas attendu d’autorisation pour outrepasser la salle. Sur l’argument assez fallacieux du “choix laissé au spectateur”, les gros studios n’ont fait que mettre en valeur leur structure interne, dont l’absence d’intermédiaires leur a rapporté in fine bien plus d’argent qu’une sortie traditionnelle.

Dès lors, la situation en France a amené les professionnels du secteur à débattre pour envisager un potentiel assouplissement de la chronologie des médias. L’ordonnance publiée en décembre a posé un délai, étendu de manière indéterminée jusqu’à six mois. Problème, un décret du 28 janvier 2021 a ensuite imposé une prise de décision avant le 31 mars.

 

photo, Jean Dujardin, Grégory GadeboisMais que fait le gouvernement ?

 

C’est pourquoi Le Monde a publié ce 10 mars une tribune inquiète "pour l’avenir du cinéma”, signée par une centaine d’auteurs et de réalisateurs, parmi lesquels Michel Hazanavicius, Jacques AudiardClaire Denis ou encore Agnès Jaoui. Ceux-ci ont expliqué leur crainte à l'idée que le gouvernement n’entérine, dans la précipitation, “un décret [bien trop] favorable aux plateformes de streaming”.

En effet, le décret Smad (services des médias audiovisuels à la demande) a surtout préoccupé les artistes dans son rapport au financement de la création. La chronologie des médias a toujours créé un système sain, obligeant les diffuseurs à investir en grande partie dans le cinéma français pour assurer sa pérennité et sa diversité. Et si Canal+ a mis 104 millions d’euros sur la table en 2019, l’apport de Netflix n’est estimé qu’à seulement 18 millions.

En somme, les signataires de la tribune ont mis en avant le risque logique de voir les autres acteurs du marché s’adapter au succès des plateformes, surtout si leurs contreparties devaient être minimes :

 

photo, Anya Taylor-JoyÇa va demander de la stratégie...

 

“Si le gouvernement passait en force, faisant fi de ces nécessaires accords interprofessionnels, cela aurait pour conséquence immédiate de fragiliser les partenaires historiques, et pousserait certains à s’aligner sur le modèle de ces nouveaux entrants.”

On soulignera par ailleurs la phrase forte de ce texte, en soutien à la liberté de création, et le soutien aux jeunes auteurs : “S’il y a un avenir que nous embrassons, ce n’est pas celui du démantèlement.”

Dès lors, les différents artistes concernés par la tribune ont précisé qu’ils ne signeraient pas d’accord, tout en amenant une solution : “Nous sommes disposés à accueillir les plateformes, mais ce sera à elles de s’adapter à la chronologie des médias et non l’inverse. Ce sera à elles de respecter notre droit d’auteur français et sa juste rémunération liée à la diffusion des œuvres – ces plateformes auront à s’y engager à travers une clause auteur.” Affaire à suivre donc...

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commentaires
GTB
13/03/2021 à 13:58

Contrairement à ce que certains semble penser, le cinéma français performe très bien et est l'un des plus respectés et prolifique au monde. Bien sûr, le ciné US performe bien plus, néanmoins il n'en reste pas moins que le ciné fr est 2ème.
Y compris sur les plateformes svod d'ailleurs. Balle Perdue, Bronx ou encore Lupin font parti des plus gros succès Netflix en 2020.

S'il ne fait aucun doute qu'il y a pleins de problèmes dans notre système, et que certaines personnes lèvent le poing surtout pour défendre leurs propres intérêts, il ne faut pas pour autant sous-estimer la valeur de notre cinéma. On produit de beaux films et notre cinéma fait parti de ceux qui marche le mieux à l'international. Sans parler de nos scénaristes, réal, acteurs qui travaillent à l'international. Notre savoir-faire en FX s'exporte beaucoup également.

Ecran pas large
13/03/2021 à 08:11

ces professionnels du Cinema Français defendent leur fromage, ils font passer cela pour ladefense du systeme français, de la defense de l'exception culturelle, mais ils ne defendent que leurs interêtes
des escrocs en quelque sorte, le cinoche français n'est certainement pas une reference sur le Plan mondial, çà se verrait à, l'export,
ils vendent la cam des mondialistes a longueur d'annee qui est anti française, et apres ils viennent chialer, on peut pas voir la mondialisation ET l'exception culurelle avec des Frontieres, hein?
merci bien de ne pas Stri-ker le Com, car la Verite est tounjours bonne a dire,

VPN
13/03/2021 à 03:02

Merci les vpn

alulu
12/03/2021 à 21:45

Le schéma classique est passé de mode, 36 mois c'est trop, surtout qu'à coté les studios enquillent les productions à un rythme élevé. Le cinéma français devra s'adapter car il ne pourra pas rivaliser face aux plateformes ou à l'évolution de nos habitudes. De plus, pour un studio, la dématérialisation c'est un peu le St-Graal, ça court-circuite la TV déjà moribonde et qui au final passe plus de série maison, de DTV, d'émissions que de films. Il y a aussi moins de galettes à fabriquer dans l'absolu, donc moins de coup sur la fabrication et donc moins de partage de bénefs...en gros c'est du circuit court. De mon point de vue, la bataille est perdue d'avance, les plateformes et les studios ne voudront rien lâcher. Le seul moyen de levier pourrait venir de l'état en marchandant un passage aux plateformes pour l'utilisation de nos réseaux afin de financer le cinéma français. Comme nous sommes en bout de chaîne, on paiera forcément mais bon ça sera mutualisé.

Kravenx
12/03/2021 à 20:02

@ Simmon Riaux .
Netflix sera rentable des l’annee prochaine et Disney+ le sera très vite.Je ne crois pas que les blockbusters cherchent a quitter les salles (en ce moment peu être, car le public n’est pas la) mais leurs rentabilités passent par le grand écran.

Ethan
12/03/2021 à 19:59

je veux dire plutôt sur "Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait" que c'est un film inintéressant

Ethan
12/03/2021 à 19:55

@EL
Sauf qu'il y a une volonté de faire marcher les plate-formes streaming. Les blockbusters s'y retrouvent malgré eux. La sortie de top gun 2 ou de mi7 c'est dommage car il n'est pas dit que les cinés réouvrent. Il fallait je pense empêcher la diffusion des films sur toute plate-forme streaming afin d'éviter toute concurrence.
Sur le cinéma français c'est à l'Etat un moment donné de le défendre. Mais il me semble que celui-ci traversait déjà une crise : des films qui ne trouvent tout simplement pas de public : intéressant tel que "Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait", bien souvent ce sont des films à revendications très contestées et financés également par de l'argent public

Simon Riaux
12/03/2021 à 19:01

@Kravenx

Hummm c'est peut-être un peu plus compliqué que ça, étant donné que les blockbusters cherchent à tout prix à quitter les salles et que les plateformes n'ont toujours pas réussi à trouver de modèle de rentabilté.

@Nettoyage a Sec
Est-il étonnant de ne pas trouver beaucoup de réalisateurs de droite dans une tribune demandant la continuité d'une gestion collective du cinéma ? C'est au contraire parfaitement logique. Quant à l'orientation politique du cinéma français, elle est extrêmement diverse.

"le contribuable est au moins a 50% de Droite et je ne trouve pas cette proportion dans les films qui sortent" Pour le coup, voilà une double affirmation plutôt absurde.

Kravenx
12/03/2021 à 18:54

Encore, une belle règlementation comme on aime tant en France. Pour maintenir sous perfusion un système qui périclite.et qui produit en majorité des œuvres qui n'ont plus leur place sur grand écran.. C'est sans doute regrettable, mais dans les années qui viennent, seuls les mega blockbusters américains, et sans doutes chinois, auront droit a une sortie en salle.et le reste des productions sortiront sur les plateformes VOD. A mon avis elles seront les seules a avoir les moyens de financer en masse des productions et d''attirer les talents. Faite un rapide calcul du chiffre d'affaire annuel d'un Netflix ( 200 millions d'abonnes x 10euros x 12mois= 24milliard d'euros/an) et Disney+ qui sera sans doute devant dans pas longtemps. Je ne pense pas que ces plateformes vont financer des œuvres pour le grand écran. alors la chronologie des médias en France ca doit doucement les faire rigoler. Qu'on le veuille ou pas, l'avenir du cinéma passera par les plateformes de VOD. Et si cela permet a des gens comme Scorsese ou Fincher de bosser et bien tant mieux. Et c'est quelqu'un qui va régulièrement au ciné depuis 50 ans qui vous le dit.

GTB
12/03/2021 à 18:25

Autre éléments de mon post initial; vous noterez qui parlent au nom de la défense du système à chaque fois. Quand on écoute les jeunes auteurs, scénaristes et créateurs le constat est autrement plus nuancé justement.

Bref, persiste quand même cette impression qu'on défend un statu quo qui convient très bien à certains; plus qu'on ne cherche à actualiser les choses vers un système plus équilibré et de concurrence vertueuse.

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