Scorsese vs Marvel : Chadwick Boseman entre dans la bagarre pour sauver le cinéma et les Oscars

La Rédaction | 12 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 12 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Des semaines plus tard, les propos de Martin Scorsese continuent de mettre tout Marvel en PLS. C’est au tour de Chadwick Boseman de voir flou.

Enjeux répétés ad nauseam, système de production ultra-maîtrisé, tentative d’élimination systématique du risque… Martin Scorsese a récemment expliqué en quoi les blockbusters Marvel (comprendre les productions super-héroïques en général et les films conçus d’après leur modèle) sortaient de la définition classique du cinéma, tel qu’il le pratique et l’entend.

Les films de super étant, au moins pour Disney, une source de revenus massifs et une des mécaniques de leur image auprès du grand public, impossible de laisser passer cet affront de la part du réalisateur de The Irishman. Depuis plusieurs semaines, on ne compte plus les réalisateurs et comédiens s’exprimant pour défendre l’entreprise, tandis que quelques metteurs en scène (Francis Ford Coppola, Ken Loach) se sont rangés du côté du cinéaste auquel on doit Les Affranchis.

 

photo, Martin ScorseseScorsese sur le tournage des Infiltrés

 

Ces dernières heures, l’acteur Chadwick Boseman, révélé au très grand public par le succès planétaire de Black Panther, est revenu sur les déclarations de l’artiste. Et comme ses confrères avant lui, il semble suivre un schéma écrit à l’avance, dont les articulations sont aussi visibles qu’amusantes. Ainsi, la règle cardinale du démontage de Scorsese semble être « commence par un compliment, et puis c’est open bar ». En témoignent ses déclarations au micro de la BBC.

« Je dois respecter son opinion, parce que son travail est celui d’un véritable génie. Et en même temps, il faut songer au moment où il dit cela. Il le dit au moment où il entame une potentielle campagne pour remporter un Oscar. »

Passons sur le fait que Marty ne soit pas particulièrement connu pour boxer d’éventuels concurrents aux récompenses, et que sa prise de parole initiale provenait d’une question qui lui était posée, pour apprécier le raisonnement de la star de Black Panther (qu’on retrouve parallèlement au cinéma, dans le très sympathique Message from the King, par exemple) :

 

Photo Ryan Coogler, Chadwick BosemanLe réalisateur Ryan Coogler et Chadwick Boseman sur le tournage de Black Panther

 

« Il le dit alors qu’il réalise un film pour Netflix, et c’est comme ça qu’on fait se détourner les regards du grand écran. Le film ne sera pas vu dans les meilleures conditions possible. Il parle avec un agenda en tête, et avec son intérêt comme objectif… Vous savez, j’ai fait le premier film de super-héros à avoir été nommé à l’Oscar du Meilleur Film, alors je suis plutôt à l’aise avec ça. »

En l’état, Chadwick Boseman a surtout participé au premier film de super-héros à se faire ridiculiser par les cinématiques du premier jeu PS2 venu. De même, on n’est pas certains que Martin Scorsese soit vraiment l’ennemi déclaré du cinéma. Mais on ne sait jamais hein, peut-être que The Irishman, micro-film d’auteur à 200 patates, avait bien besoin d’un assaut en règle contre Marvel pour sortir de l’ombre. Le film arrivera ce 27 novembre sur Netflix en France.

 

photoLa bataille pour l'Oscar fait rage

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Darpalex
13/11/2019 à 15:13

Dailleur un Black Panther ou un Captain Marvel a tout autant sa place qu'un apocalypse down, un parrain ou qu'un taxi driver dans le pantheon des grands films du 7éme art!

Birdy
13/11/2019 à 14:34

Voici les propos complets de Scorsese sur la question. Bonne lecture.

« Quand j’étais en Angleterre au début du mois d’octobre, j’ai donné une interview à Empire magazine. On m’a posé une question sur les films Marvel. J’y ai répondu. J’ai dit que j’avais essayé d’en regarder quelques-uns et qu’ils n’étaient pas pour moi, qu’ils me semblaient plus proches des parcs d’attraction que des films tels que je les ai connus et aimés au cours de ma vie, et qu’au final je ne pensais pas que c’était du cinéma.

Certaines personnes ont pris la dernière partie de ma réponse comme une insulte, ou comme une preuve de ma haine anti-Marvel. Si quelqu’un est tenté d’interpréter mes mots à cette lumière, il n’y a rien que je puisse y faire.

Beaucoup de films de franchise sont fait par des gens possédant un talent et un sens artistique considérables. Ça se voit à l’écran. Le fait que les films eux-mêmes ne m’intéressent pas relève du goût personnel et du tempérament. Je sais que si j’étais plus jeune, si j’avais grandi plus tard, je serais sans doute excité par ces films, et peut-être que j’aurais envie d’en réaliser un moi-même. Mais j’ai grandi quand j’ai grandi et j’ai développé un sens des films (ce qu’ils étaient et ce qu’ils pouvaient être) aussi éloignés de l’univers Marvel que ne peut l’être la Terre par rapport à Alpha du Centaure.

Pour moi, pour les réalisateurs que j’apprécie et que je respecte, pour mes amis qui ont commencé à faire des films à la même époque que moi, le cinéma était une histoire de révélation (révélation esthétique, émotionnelle et spirituelle). Il s’agissait de personnages, de la complexité des gens et leurs contradictions, et parfois leurs natures paradoxales, la façon dont ils peuvent se blesser et s’aimer les uns les autres et se retrouver soudainement face à eux-mêmes.

Il s’agissait de confronter l’inattendu à l’écran et dans la vie où il est dramatisé et interprété, et d’élargir le sentiment de ce qui est possible dans cette forme d’art.

Et c’était la clé pour nous : c’était une forme d’art. Il y avait des débats autour de ça à l’époque, donc on a défendu le fait que le cinéma soit l’égal de la littérature, de la musique ou de la danse. Et on a fini par comprendre que l’art pouvait se trouver dans bien des endroits et bien des formes – dans J'ai vécu l'enfer de Corée (The Steel Helmet) de Samuel Fuller et Persona d’Ingmar Bergman, dans Beau fixe sur New York (It's Always Fair Weather) de Stanley Donen et Gene Kelly et dans Scorpio Rising de Kenneth Anger, dans Vivre sa vie de Jean-Luc Godard et À bout portant (The Killers) de Don Siegel.

Ou dans les films d’Alfred Hitchcock – je suppose qu’on peut dire que Hitchcock était une franchise en soi. Ou qu’il était notre franchise. Chaque nouveau film de Hitchcock était un évènement. Se retrouver dans une salle pleine d’un vieux cinéma en train de regarder Fenêtre sur cours était une expérience extraordinaire. C’était un évènement créé par l’alchimie entre le public et le film lui-même, et c’était électrisant.

Et d’une certaine manière, les films de Hitchcock étaient aussi des comme des parcs d’attraction. Je pense à L'Inconnu du Nord-Express (Strangers on a Train), dont le final se déroule dans un manège, et Psychose, que j’ai vu lors d’une séance de minuit le jour de sa sortie, une expérience que je n’oublierai jamais. Les gens venaient pour être surpris et être heureux, et ils n’étaient pas déçus.

60 ou 70 ans plus tard, on regarde toujours ses films en s’émerveillant. Mais est-ce qu’on y retourne pour les frissons et les chocs ? Je ne le pense pas. Les décors de La Mort aux trousses sont incroyables, mais ils ne seraient qu’une succession de compositions dynamiques et élégantes et de coupes sans les émotions douloureuses qui sont au centre de l’histoire ou l’absolu perdition du personnage de Cary Grant.

Le climax de L’Inconnu du Nord-Express est une prouesse, mais c’est l’interaction entre les deux personnages principaux et la performance profondément dérangeante de Robert Walker qui résonnent encore aujourd’hui.

Certains dissent que tous les films de Hitchcock se ressemblent, et c’est peut-être vrai – Hitchcock lui-même se posait la question. Mais la ressemblance des films de franchise d’aujourd’hui est d’un tout autre niveau. Beaucoup des éléments qui définissent le cinéma tel que je le connais se retrouvent dans les films Marvel. Ce qu’on n’y trouve pas, c’est la révélation, le mystère, ou un véritable danger émotionnel. Rien n’est en danger. Les films sont faits pour satisfaire des demandes bien précises, et ils sont conçus comme des variations autour d’un nombre de thèmes fini.

On appelle ça des suites, mais en réalité ce sont des remakes, et tout ce qu’il y a dedans a été officiellement autorisé parce qu’on ne peut pas faire autrement. C’est la nature d’un film de franchise moderne : études de marché, tests auprès du public, validations, modifications, nouvelles validations, et nouvelles modifications jusqu’à ce que ce soit prêt à être consommé.

Une autre façon de la dire, c’est qu’ils sont à l’opposé des films de Paul Thomas Anderson ou Claire Denis ou Spike Lee ou Ari Aster or Kathryn Bigelow or Wes Anderson. Quand je regarde le film d’un de ses réalisateurs, je sais que je vais voir quelque chose d’absolument nouveau et vivre une expérience inattendue et peut-être indicible. Ma vision de ce qu’il est possible de faire quand on raconte une histoire avec des images animées va être étendue.

Donc, vous vous demandez peut-être, quel est le problème ? Pourquoi ne pas laisser les films de super-héros et les autres films de franchise tranquille ? La raison est simple. Dans beaucoup d’endroits dans ce pays et autour du monde, les films de franchise sont désormais le choix principal quand vous choisissez d’aller voir quelque chose sur grand écran. C’est un temps périlleux pour l’expérience cinéma, et il y a de moins en moins de salles indépendantes. L’équation s’est retournée et le streaming est devenu le premier canal de distribution. Cela dit, je ne connais pas un réalisateur qui ne veut pas créer des films pour le grand écran, qui soient projetés en salle devant un public.

Moi compris, et je parle en tant que personne qui vient de terminer un film pour Netflix. Ils, personne d’autre, nous ont permis de faire The Irishman comme il devait l’être, et pour ça je serai toujours reconnaissant. Le film sort aussi en salle, ce qui est génial. Aurais-je souhaité que le film sorte sur plus d’écrans et sur une période plus longue ? Bien sûr. Mais peu importe avec qui vous faites vos films, le fait est que les écrans de la plupart des multiplexes sont occupés par les films de franchise.

Et si vous me dites que c’est tout simplement une question d’offre et de demande et de donner aux gens ce qu’ils veulent, je ne vais pas être d’accord. On en revient à l’oeuf et la poule. Si on donne aux gens un seul type de chose et qu’on ne vend qu’un seul type de chose, évidemment que le public demandera toujours plus de cet unique type de chose.

Mais, vous me direz, ils peuvent rentrer chez eux ce qu’ils veulent sur Netflix, iTunes ou Hulu ? Bien sûr, partout sauf sur grand écran, là où le ou la réalisatrice avait prévu de monter son film.

Au cours des 20 dernières années, comme nous le savons tous, le business du cinéma a changé à tous points de vue. Mais le changement le plus triste s’est opéré tranquillement et à l’abri des regards : la disparition, graduelle mais certaine du risque. Beaucoup de films aujourd’hui sont des produits parfaitement conçus pour une consommation immédiate. Nombre d’entre eux ont été bien conçus par des équipes de gens talentueux. Mais il leur manque quelque chose d’essentiel au cinéma : la vision unificatrice d’un artiste. Parce que, bien sûr, l’artiste est le facteur le plus risqué qui soit.

Je n’insinue surtout pas que les films devraient être une forme d’art subventionné, où qu’ils l’ont jamais été. Quand le système des studios à Hollywood était encore vivant et en bonne santé, la tension entre les artistes et les dirigeants étaient constante et intense, mais c’était une tension productive qui nous a offert quelques-uns des plus grands films jamais réalisés, pour reprendre les mots de Bob Dylan, les meilleurs d’entre eux étaient « héroïques et visionnaires ».

Aujourd’hui, cette tension a disparu, et certaines personnes dans ce business sont totalement indifférents à la question de l’art et à la prise en compte de l’histoire du cinéma, ce qui est à la fois dédaigneux et confiscatoire : une combinaison létale. La situation, malheureusement, c’est ce que nous avons maintenant deux champs séparés distinctement : d’un côté le divertissement audiovisuel mondial, de l’autre le cinéma. Ils se croisent encore de temps en temps, mais ça devient de plus en plus rare. Et je crains que la domination financière de l’un soit utilisée pour marginaliser et même rabaisser l’existence de l’autre.

Pour quiconque rêve de faire des films ou commence tout juste, la situation actuellement est brutale et inhospitalière pour l’art. Et le simple fait d’écrire ces mots me remplit d’une terrible tristesse. »

Darpalex
13/11/2019 à 13:35

Les films de super héros sont des drames ou des comédies, avec une réelle profondeur imagée de notre société, et de très bons jeux d'acteurs. On le critique car ils sont en collant et en cape.
Les cinéastes qui font dans le cinéma d'auteur sans costumes colorés n'ont qu'à faire de bons films (comme Joker tiens mdr)... Et d'arrêter de critiquer ces films de super héros qu'on aime, et qu'on attend depuis 40 ans. Merci.

Adrianito
13/11/2019 à 02:00

« Vous savez, j’ai fait le premier film de super-héros à avoir été nommé à l’Oscar du Meilleur Film »
Scorsese a gagné la palme d’or en 1976. Tu es né en 1977. Reste à ta place va.

Marc
12/11/2019 à 22:52

Je partage assez l'opinion de Bosman quant à l'opportunisme des propos de Scorcèse. Mais je ne dis pas cela contre ce réalisateur.

En fait ses propos contre MARVEL sont aussi un signal d'alarme: alors que les films du MCU cartonnent, des réalisateurs ne trouvent pas de studios pour financer/promouvoir leurs films au cinéma.

Ils sont même un peu obligé de faire le "buzz" pour attirer l'attention.

En soi c'est assez anormal et je crois que cela pointe le vrai problème de fond: il n y aurait aucun problème avec les films MARVEL si le cinéma finançait d'autres productions artistiques.

Le souci avec MARVEL n'est pas leurs films, mais la place qu'il prend .

Si toutes les productions artistiques au cinéma disposaient d'autant de moyens et de visibilité que Marvel, les films du MCU existeraient tranquillement, sans polémique ni conflit.

Red Cloud
12/11/2019 à 21:15

@Teknfree merci tu m'as fait bien rire, c'est tout à fait ça.

Micju
12/11/2019 à 20:16

J’ai pour ma part j’ai très hâte de voir le prochain film de Scorsese. Taxi Driver est dans mon top 5 . Mais malgré tout je crois tout de même que les Marvel sont aussi du cinéma. Il faut pas oublier qu’avant de cogner à la porte de Netflix il a certainement frapper aux portes de tous les grands studios et c’est fait dire non.Donc après il est normal d’en vouloir a ceux qui eux reçoivent une grande partie du financement à quelle on croit avoir droit. La vérité même si c’est plutôt triste c’est l’argent qui est roi dans ce monde. Et malgré son génie Scorsese n’a jamais été très payant. Et tous les studios où il a fait part de son projet on considéré que le risque était trop grand.

Jean louis Kevin
12/11/2019 à 18:56

@ Jean Louis Kevin; tu peux pas me spoiler chère compte troll, j'ai copyright, si en plus je dois maintenant gérer un fan, ça va pas aller !

Jean louis Kevin
12/11/2019 à 18:02

Maintenant je vous laisse rager et je part me refaire endgame qui j'en suis sure repartira avec au moins trois ou quatres statuettes!!! Dont meilleur film et meilleure actrice pour Brie Larson ou Scarlette Johanson!!

Jean louis Kevin
12/11/2019 à 17:47

Ca prouve juste que j'ai raison les gars, suffit de voir le niveau des commentaires ;) entre un qui crois que Jean Louis Kévin est mon vrai nom, et les autres qui passe juste leur temps à cracher sur tous les articles d'Ecran Large, c'est encore pire que Alociné içi, tellement le niveau est bas, niveau argumentaire c'est pas compliqué y'en a aucun, ça se resume juste à ouvré mes guillimets
"ouin ouin c'est nul, ouin ouin travail de yes man, ouin ouin, Ecran sont des vendus, ouin ouin, c'est pas du cinéma (j'adore cette remarque) ouin ouin je me prend un vrai cinéphile je sais mieux que tout le monde ce qui le vrai cinéma voilà ça résume bien le niveau içi :)
Et ceux qui vont me répondre me donnerons raison en répondant avec rage et détermination !
Ah et pour Mike alias Miki, non je suis pas lobotomisé par Marvel, mais effectivement je pense que les mecs chez Marvel sont plus intelligent que les mecs qui viennent poster içi.

Plus