Bertrand Blier a abandonné son film de tueur de femmes à cause d'une époque trop puritaine et féministe

La Rédaction | 19 mars 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 19 mars 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Blier devait adapter son livre Existe en blanc, avec Benoît Poelvoorde, mais explique pourquoi il a laissé tomber pour faire Convoi exceptionnel.

En 2015, c'était la belle nouvelle de l'année. Bertrand Blier allait adapter son livre Existe en blanc, avec Benoît PoelvoordeMaïwennAnaïs Demoustier et Grégory Gadebois. Une histoire de tueur en série obsédé par les soutiens-gorge des femmes, qu'il utilise pour les étrangler, et qui offrait un intrigant terrain de jeu pour le réalisateur culte de Buffet froidLes Valseuses et Tenue de soirée.

Puis, plus rien. Le projet a disparu, et Blier est revenu avec Convoi exceptionnel, une comédie où Gérard Depardieu et Christian Clavier courent après les pages du scénario de leur vie. La déception face à ce film raté est d'autant plus grande que ce Existe en blanc a été enterré en silence.

Allociné a eu la bonne idée d'interroger le cinéaste sur cette décision.

 

photo, Gérard Depardieu, Christian Clavier It's not a deal

 

Si le facteur financier est cité, Bertrand Blier ne cache pas la véritable raison : il s'est dégonflé. Ayant conscience d'avoir entre les mains une histoire violente et provocante, surtout à l'ère #MeToo, il a préféré abandonner.

"C'est un projet tiré d'un de mes bouquins dont le sujet est particulièrement casse-gueule, extraordinairement dangereux et très hard. Je me suis dit qu'à 80 ans, j'en avais assez pris dans la gueule. Ce serait aller trop loin dans la provocation. C'est un roman épouvantable avec plein de meurtres. Et on tue des femmes, ce n'est pas pareil. Aujourd'hui, on ne peut pas faire un film où on tue des femmes. Avec la tendance en place actuellement, ce n'est pas possible. J'ai donc décidé de ne pas le faire. Je me dégonfle."

C'est donc plutôt ça le fin de l'histoire, puisque l'ami Lars von Trier a sorti son The House That Jack Built sur un modèle sensiblement proche. Et le monde n'a pas cessé de tourner, et "l'époque" n'a pas mis le feu aux salles de cinéma.

 

photo, Bernard Blier, Gérard Depardieu Des tueurs chez Blier

 

Publié en 1998 et alors vivement critiqué, Existe en blanc suit le parcours d'un homme obsédé depuis son enfance par les soutiens-gorge. Adulte, devenu directeur des ressources humaines d'une entreprise de lingerie, il a pris l'habitude d'étrangler les femmes une fois qu'elles ont retiré le sous-vêtement qu'il aime tant.

Il y avait de quoi espérer un grand Blier anticonformiste et fou, surtout avec Benoît Poelvoorde en première ligne. L'odyssée d'un tueur en série spécialisé dans les femmes à soutien-gorge aurait pu donner un grand moment de cinéma avec un tel duo, mais la vie en a décidé autrement. Et vu comme Blier, 80 ans, raconte avoir lutté pour financer Convoi exceptionnel malgré ses acteurs populaires, difficile d'être très optimiste.

 

AfficheUne autre époque

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commentaires
Kaladar
21/03/2019 à 15:53

J'avoue que je comprends l'inquiétude de Blier ! Prendre le contre exemple de Lars von Trier ne me semble pas vraiment pertinent car lui, à cause de ses très maladroites sorties en festival ("I hunderstand Hitler". Sérieux. Qui dit ça ?) est déjà perdu pour la cause. Il a déjà franchie la ligne et intégré le club des infréquentables.

Blier à encore quelque chose à perdre...

KibuK
19/03/2019 à 19:10

SAUF QUE...
Lors d'une récente interview pour la promo de Convoi Exceptionnel, Monsieur Blier a déclaré que son prochain film sera plus hard que les Valseuses, qu'il voulait en quelque sorte lâcher les chevaux et s'amuser.
A suivre...

japz
19/03/2019 à 19:05

Il faut voir comment il veut traiter le sujet et sa façon de le faire donc comparer deux sujets qui semble similaire n'est pas forcément vrai. LVT à plus de poids à l’international, c'est sûrement plus facile pour ce dernier d'avoir les finances nécessaire pour tourner un film. Et c'est une évidence que notre époque est devenue plus puritaine.

Winston T.
19/03/2019 à 18:20

@GC

Ca m'apprendra à lire à l'arrache...

Geoffrey Crété - Rédaction
19/03/2019 à 18:14

@Winston T.

Exactement l'exemple qu'on utilise oui :)

Winston T.
19/03/2019 à 18:12

C'est un peu un argument de merde l'époque... Lars Von Trier a bien The House that Jack Built qu'est centré sur un tueur mysogine as fuck et c'est passé hein..

japz
19/03/2019 à 15:16

Se dire qu'un projet plus personnel ne pourra pas se faire et de se contenter d'un projet plus "friendly", c'est triste. De réalisateur, il devient une machine à tourner et au final cela donne souvent des produits sans saveurs particulières. Le cinéma, les arts doivent rester en terrain neutre, ou l'artiste peut expérimenter même si ça doit déranger. J'ai l'impression que le monde s'est infantilisé. Moi même sur certains sujets, je reste campé sur mes positions mais ce n'est pas pour autant que je vais hurler avec la meute. Certains n'ont pas captés qu'en interdisant (même par voies détournées), que l'on effritait un peu de notre liberté.

CinéGood
19/03/2019 à 11:13

@ GC
Je suis d'accord avec vous, ils retoquent sans doute aussi de mauvais scénarios comme ils en produisent (mais ces derniers sont "calibrés" selon leurs critères !

Au passage, je viens de vérifier, selon Clavier : "on n'a aucune chaîne hertzienne avec nous".

Qu'on aime ou pas ce film, effectivement, ça en dit long sur la politique des chaînes et la prudence de Blier quand aux sujets qu'il veut traiter.

Geoffrey Crété - Rédaction
19/03/2019 à 10:33

@CinéGood

Alors si le scénario pesait si lourd dans la balance des producteurs, on n'aurait probablement pas tant de films (notamment comiques) aussi basiques et vilains, dont l'existence semble entièrement reposer sur le tiercé gagnant de têtes d'affiche populaires... C'est ce qu'on pointe du doigt ici, vu le duo Depardieu-Clavier.

bubblegumcrisis
19/03/2019 à 10:25

Le problème de Blier n'est pas l'époque devenue trop puritaine et féministe. Le problème de Blier est que les producteurs qui sont depuis un bon moment déjà des financiers qui n'ont plus grand chose à voir avec le cinéma, suivent des cahiers de tendances. Et dans ces tendances, le féminisme est en bonne place via #balancetonporc et #metoo.

Dans l'esprit de ces financiers tuer des femmes est synonyme de rendement faible voire négatif. Ce type d'individu qui ne prend aucun risque et se contente de suivre des recettes pré-établies, celles qui rapportent, ne se pose pas la question de savoir si un film où on tue des femmes est un film qui fait l'apologie du féminicide ou si au contraire est un film qui peut interroger sur le féminicide.

Je n'ai pas une bonne opinion de Blier concernant les femmes, il fait partie de cette génération de réalisateurs dont les tendances misogynes sont culturelles, sa filmographie parle pour lui, et son analyse du regain de féminisme dans la société qu'il considère comme une tendance en dit long sur sa compréhension du truc.

Néanmoins c'est un réalisateur qui a une vision du cinéma bien particulière qui oblige à prendre position tant sur le fond que sur la forme. Et ça vu l'état du cinéma hexagonal ça n'a pas de prix. Mais dans un système noyauté par la puissance financière de la télévision qui nivelle tout au niveau intellectuel de sa ménagère il est juste bon pour la retraite.

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