Cannes 2018 : critique à chaud de Climax, le nouveau Gaspar Noé

Simon Riaux | 13 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 13 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58


S'ils ont enchanté les dénicheurs d'images folles et autres addicts à la dope filmique, Love et Enter The Void ont également laissé sur le carreau les spectateurs troublés par leur semblant de nihilisme ou leurs ambitions thématiques inassouvibles. De retour avec un dispositif à la fois plus simple et plus léger, Gaspar Noé tient peut-être avec Climax de quoi rassembler et fasciner ceux que son oeuvre transgressive a éparpillé au fil des années.

 

SUSPIRAIL

Une école de danse. Une troupe de performers épuisés par une répétition exigeante. Une fête. De la sangria. Et dans les gobelets, quelque chose qui s'apprete à faire dérailler la soirée. Voici les principaux ingrédients de ce trip au dispositif aussi limpide que programmatique. C'est donc tout naturellement que cet univers charrie une armada de références, allant de Suspiria, en passant par Hellraiser et évidemment Silent Hill qui infusent naturellement avec les identités remarquables du cinéma de Noé. Ce dernier arrive ici à un niveau d'équilibre et de maîtrise dans l'agencement de ses effets et signatures particulièrement jubilatoire.

 

photo climax

 

Faux plans séquences, scrutations zénitales, humour absurde et ravagé, tous les totems du cinéaste se tirent la bourre délicieusement, non plus à coups de pulsations anarchiques, mais en saccouplant idéalement au récit. Et si on note lors de l'acte central, essentiellement dialogué, quelques essoufflements qui laissent à penser que le montage n'est pas tout à fait finalisé, force est de constater que Climax est sans doute la proposition la plus cohérente et aboutie de son auteur. Peut-etre libéré par une structure narrative idéalement linéaire, Noé est parvenu à proposer une immersion irréfragable au spectateur

 

photo climax

 

KICK ME LOVELY

Car si le cinéaste raconte finalement peu de choses il n'en a pas pour autant rien à dire. Il nous plonge une nouvelle fois dans sa conception entropique du collectif, sa vision de l'humain dévorant l'humain, auxquelles il accole une métaphore évidente mais signifiante et nécessaire. En effet, cette troupe en forme d'instantané de la diversité hexagonale a beau identifier la sangria comme responsable de sa désagrégation, c'est bien face à un immense drapeau tricolore qu'elle est démantibulée par ses propres pulsions. Une constatation d'autant plus ludique que le film lui même revendique ses origines nationales avec fierté, tenant dans un même geste un état des lieux implacable de la dissolution du corps social et la revendication vitale d'une création française. Enfin, on verra dans le rôle tenu par Sofia Boutella, un ultime manifeste des ambitions devorantes et hybrides de Climax, de ses paradoxes et de sa tripale modernité.

 

4/5

 

Photo

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commentaires
Daï
23/05/2018 à 00:27

Love reste le plus beau film d'amour jamais tourné.
Ce mec est un génie et comme d'hab en France il sera reconnu a sa juste valeur après sa mort

Simon Riaux
14/05/2018 à 17:35

Ce que je trouve étrange, c'est que vous causez de Noé bien plus que de ses films.
Films dont vous fantasmez la réception. Love et Enter The Void ont été pulvérisés par beaucoup de critiques...

Bref on en recause quand vous aurez vu climax ?

corleone
14/05/2018 à 15:03

Où comment essayer de se racheter après la salve de crachats gratuits sur le maestro Godard. Honte à toi Simon Riaux!

Buddy Revel
14/05/2018 à 13:55

à DIRTY HARRY

Le problème est peut-être qu'on ne sent jamais Noé vraiment sincère. Selon moi il raconte des histoires auxquelles il ne croit pas vraiment. Ses films ne me paraissent jamais personnels juste des exercices de styles faits pour provoquer. Se dégage une impression de discours non-honnête. Comme dans un film de commande. L'une des choses qui se dégagent le plus d'un film c'est s'il est sincère ou non. Luc Besson écrit des histoires affreusement niaises mais au moins on sent qu'il y croit. Chez Noé, je n'ai jamais senti de sincérité. Juste une envie de faire des effets techniques et de la provoc' immature et facile.

Monk
14/05/2018 à 13:32

@Dirty Harry

Que G.Noé soit un technicien brillant et exigeant, c'est sûr. Qu'il soit un bon réalisateur ? Pas pour moi. Sans doute parce que ses films sont mal, peu, voire pas du tout écrits (Climax a été tourné sans scénario de l'aveu de G.Noé). Ils ne sont pas vraiment maitrisés non plus : la technique n'est en fait pas vraiment au service de ses films, elle EST ses films. Mais c'est comme une cinématique de jeu vidéo qui en jette mais qui ouvre un jeu sans intérêt. Enfin, outre l'extrême naïveté du propos et la transgressivité de supérette, je ne me suis jamais senti "transporté" par un de ses films. Il peut tout arriver aux personnages, je m'en cague. Il n'y aucune implication émotionnelle.

Finalement, les films de G.Noé ne sont stimulants ni intellectuellement, ni émotionnellement. Reste des prouesses techniques qui impressionnent plus qu'elles n'enchantent. On se demande comment c'est fait techniquement mais on n'admire pas vraiment. Ça en jette mais est-ce que c'est beau ? Bof.

Dirty Harry
14/05/2018 à 12:32

@ Monk, Constantine et Buddy Revel : vous avez en partie raison sur le sort de Noe qui n'est bien conscient de transgresser que ce que nos elites adorent voir transgresser, pour les autres cela fait queue de comète des tabous du XIXe siècle - sexe drogue et regression civilisatrice - en plus d'avoir une écriture de personnages assez faible et un regard sur la vie assez immature (je vous accorde tout cela, ça saute aux yeux). Néanmoins je lui sauve tout de meme quelque chose de rare, c'est de faire de la vraie mise en scène, des mouvements opératiques de camera aux idées de montage et de lumière, il est étonnant que ce réalisateur ait une si grande maturité filmique (un peu comme un peintre, métier de son père d'ailleurs), tout en restant mentalement un adolescent plutôt attardé. Mais bon je suivrais son nouvel opus malgré la "hype" artificielle autour de son travail, rien que pour les processus filmiques.

TheMan
14/05/2018 à 09:42

J'adore les gens qui crachent sur Noé, c'est pas juste un mauvais réal pour eux, c'est un combat, ils jouent leurs vies.

Monk
14/05/2018 à 09:29

Certains disent que les films de Téchiné ou Agnès Jaoui sont pour les bobos parisiens mais c'est faux.

Le vrai archétype du cinéma de bobos c'est celui de G.Noé : calibré pour les rebelles en toc fringués by The Kooples qui prennent de la Manzana au bord du Canal St Martin en disant à quel point ils trouvent que les films de G.Noé sont "un choc qui secoue le cinéma français, tu vois".

the défenders
14/05/2018 à 08:53

excellente Analyse de Constantine et Buddy Revel du vrai cinéma de merde je confirme !!!

jired
14/05/2018 à 00:18

@Constantine

Les notes spectateurs concernant Noé sur imdb, c'est :
Seul contre tous > 7,5/10 (pour 16k votes)
Irréversible > 7,4/10 (pour 98k votes)
Enter the Void > 7,3/10 (pour 54k votes)

Alors arrête de raconter n'importe quoi, merci.

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