Nathaniel Brown (Enter the void)

Didier Verdurand | 3 mai 2010
Didier Verdurand | 3 mai 2010

On ne sait pas grand chose sur Nathaniel Brown, l'acteur principal du nouveau film de Gaspar Noé, Enter the void. Alors avec le site Letempsdetruittout.net, on a décidé de lui poser quelques questions pour en savoir plus. Les interviews par mail laissent parfois un sacré flou artistique dans les réponses, et celle-ci ne déroge pas à la règle, lisez plutôt :

 

Pouvez-vous nous parler un peu de votre enfance, de votre « cursus », de vos passions : qui êtes-vous, Nathaniel Brown ?

Je m'appelle Nathan Brown. La beauté de la vie elle-même a été mon cursus depuis mon plus jeune âge, et la capacité d'un film à capturer sa beauté et son aspect dramatique m'a toujours passionné. C'est une manière d'englober les hauts, les bas, la tristesse, la joie ainsi que tous les événements absurdes qui font partie de ce fol événement qu'est la vie.

Venons-en à Enter the Void : connaissiez-vous le cinéma de Gaspar Noé avant de travailler avec lui ?

Je n'avais pas vu Irréversible, ne connaissais pas son travail et ne l'avais pas rencontré avant de travailler avec lui. Ceci dit, si j'avais connu ses films avant le tournage, je ne pense pas que celà aurait affecté mon choix de travailler avec lui. J'étais bien conscient, après la lecture du scénario, que ce projet allait être sans précédent dans son oeuvre et je ne souhaitais rien de plus qu'y participer.

 

Quand et comment a commencé l'aventure Enter the Void ?

Tout a commencé en octobre 2007, quand mon agent m'a contacté pour me proposer un rendez-vous totalement inattendu afin d'évoquer ensemble le rôle principal du nouveau film de Gaspar Noé. Depuis ce jour, l'histoire a été celle de Gaspar et je lui suis reconnaissant de faire partie de celle-ci. Je suis également heureux que cette histoire soit aussi la mienne. Bien plus que ce que je peux exprimer ici en quelques mots.

 

Pouvez-vous évoquer ce Japon qui est au cœur du film : quels sont vos meilleurs souvenirs là-bas ?

Tokyo est une expérience unique. En raison de notre plan de tournage chargé, je n'ai pas pu voyager en dehors de la ville autant que je l'aurais désiré mais je peux dire que Tokyo existe en toute indépendance... Je vois Tokyo comme un endroit qui n'est lié, de près ou de loin, à aucun autre lieu passé ou à venir et dont le potentiel se situe dans l'esprit qui s'en dégage à tout moment. Tokyo est l'une des plus grandes infrastructures au monde, et ce fut une expérience incroyable que de prendre part à la création d'une histoire au sein de cette ville sauvage et inquiétante. Mon meilleur souvenir concerne la fois où j'ai évité de sérieux problèmes en faisant semblant d'être un Yakuza dans l'un des quartiers les plus denses de la ville, tard dans la nuit. Partir à la rencontre des multiples facettes de Tokyo, vivre et en faire partie a été l'une des expérience de vie les plus importantes que j'ai jamais eues. Vivre là-bas fut mon plus grand souvenir.

L'équipe du film a passé environ deux mois au Canada. Où avez-vous tourné et avez-vous noté des différences entre le travail au Japon et là-bas ?

En fait, je n'ai pas tourné au Canada. L'équipe a tourné avec ma doublure enfant que j'ai eu le plaisir de rencontrer à Cannes en 2009.

 

Que se dit-on quand on s'apprête à tourner avec Gaspar Noé, sachant ce réalisateur capable de tout ? J'ai lu sur le net qu'il avait emmené Olly Alexander dans les quartiers chauds de Paris, histoire de le mettre dans le bain... En a-t-il été de même pour vous ? Avez-vous suivi une préparation particulière ?

Comme je l'ai dit précédemment, du jour où j'ai pris part à cette histoire, elle  fut celle de Gaspar. Lui et moi avons eu l'opportunité de créer une relation de travail qui est devenue ce que le public a vu et verra à l'écran. C'est ainsi qu'est née une relation que j'apprécie énormément. J'ai, pour Gaspar, une énorme confiance, ce qui est important pour moi à divers niveaux. La seule "préparation" particulière qui m'ait été demandée fut que Gaspar me suggera de lire Le Livre des morts tibétain, que - malgré l'excitation et la peur due au projet à venir - j'ai pu lire en intégralité... et à plusieurs reprises.

 

Dans une vieille interview, Gaspar a défini Enter the Void comme « une ode à l'amour de la vie », car il traite de la manière dont Oscar « tente de tenir ses promesses » alors qu'il est en train de mourir. On est loin d'Irréversible, à la thématique plus jusqu'au-boutiste et désespérée, dans le sens où, si la tragédie du quotidien est toujours bien présente, le sujet est traité de manière visiblement plus mûre mais aussi plus résignée. Partagez-vous la définition de Gaspar quant au film ?

Irréversible traitait de la vie réelle alors qu'Enter the Void est une séquence rêvée... Ce qui en fait un film mature est  la manière dont il traite de quelqu'un qui observe sa vie du point de vue d'un esprit mourant, dont la lente dérive dans et hors de lui-même tend à se dissoudre... à l'image de la vie elle-même qui quitte chaque entité vivante. Comme l'a dit Gaspar, Enter the Void est, en fait, une ode à la vie, avec tout ce qu'elle comporte de sombres éventualités mais qui, au final, devrait laisser comme sentiments espoir et compassion.

 

Quels sont vos liens personnels, intimes, avec le personnage d'Oscar et votre relation à la vie et à la mort ?

Lorsque j'ai eu l'opportunité de prendre part au film, je peux dire que j'étais beaucoup plus proche du personnage d'Oscar, dans ma vie quotidienne, que je ne le suis aujourd'hui. Ce film m'a offert l'opportunité d'une introspection que je n'aurais jamais imaginé auparavant. Comme beaucoup, j'ai été proche de la mort à plusieurs reprises et ce film m'a permis de me plonger pleinement dans la perspective de la mort et ainsi de me rendre compte de l'absolue beauté de la vie.

Nous savons tous que ce tournage a été, du point de vue technique, particulièrement complexe. Quelles ont été ces difficultés ? Avez-vous ressenti, comme Benoit Debie, que la communication entre Gaspar et l'équipe japonaise n'était pas toujours simple ?

La communication entre Gaspar, l'équipe française, l'équipe japonaise et les acteurs faisait elle aussi partie de l'histoire. Je n'imagine pas que Gaspar ne savait pas ce qu'il faisait quand il a choisi Tokyo comme lieu de tournage de son nouveau film. C'est, pour un étranger, une ville-monde à laquelle on reconnaît une création cinématographique totalement inédite et ingénue, déconnectée de toute autre... car vous regardez ce monde étranger avec des yeux d'enfants.Je pense que celà donne une authenticité à l'histoire que le public peut partager.

 

Combien d'heure par jour durait le tournage, en moyenne ?

Très longtemps...

 

Sur Irréversible, il n'y avait pas de scénario à proprement parler, juste une trame sur laquelle l'équipe improvisait. Pour Enter the Void, Gaspar parlait d'un scénario assez long et sur-écrit avec peu de dialogues. Entre le script de départ et le résultat final, y a-t-il eu des changements significatifs ?

Quand on travaille sur un film écrit et réalisé par la même personne, ce qui était le cas de Gaspar, il est naturel qu'une bonne partie de ce film soit improvisée et se transforme en un monde qui lui est propre.

 

A quelle période avez-vous pu voir le film monté et qu'avez-vous ressenti ?

J'ai vu le montage cannois, qui a été accueilli avec un certain mépris de la part de la presse, ce qui m'a donné un avant-goût de l'impact de ce que nous avions créé. Par la suite, j'ai vu la version finale à Sundance qui était absolument hallucinante. C'est alors que j'ai pleinement  pris conscience du projet, grâce à cette belle leçon d'humilité.

Existe t-il des scènes filmées mais non retenues dans le montage final ?

Nous avons beaucoup tourné mais les scènes que Gaspar a choisi pour le montagne final sont celles qui couvrent l'histoire, et il n'est pas vraiment important de savoir s'il y a ou non des scènes supprimées puisque l'histoire sera montrée de la manière dont elle doit l'être. Et parce que la nature du film était particulièrement technique, j'ai passé beaucoup de temps avec le monteur, Marc Boucrot, en sachant que Gaspar et lui inclueraient les scènes nécessaires.

 

Quelle a été pour vous la séquence la plus difficile à tourner ? Le fait que Gaspar privilégie les plans-séquence n'a t-il pas facilité votre incarnation malgré les difficultés techniques de tels procédés ?

J'ai eu la trouille durant tout le tournage. Mais être incinéré m'a conduit vers des sommets de noirceur... Ce fut une expérience vraiment terrifiante et c'est l'unique fois où je me suis posé des questions sur la santé mentale de Gaspar, en tant qu'être humain, face à un autre être humain en situation de détresse. Ceci dit, je ne tournerais plus avec un réalisateur qui ne privilégie pas le plan-séquence.

 

Au moment de cette interview, Enter the Void a été projeté dans une douzaine de grand festivals (Cannes, Toronto, Sitges, London, Stockholm, Tallinn, Sundance, Dublin, SXSW, Tokyo, Hong-Kong, Lyon...). Vous avez été vous-même présent dans plusieurs d'entre eux. Quel est votre meilleur souvenir ?

Découvrir Cannes fut un moment unique et Sundance était aussi gratifiant. Je garde les yeux grands ouverts. Je prends les choses comme elles viennent et je suis ravi que les gens voient le film quel que soit le festival. Je suis tout simplement heureux que les gens puissent le découvrir.

Pensez-vous que le fait que Gaspar ait amélioré le film soit la seule explication pour justifier le fait que les critiques sont un peu meilleures chaque jour ou est-ce simplement parce que le film est bon et que le temps aide à mieux l'apprécier ?

J'ai arrêté de lire les critiques après Cannes. Les gens prendront ce qu'ils voudront et les critiques seront les même que pour les autres films... c'est-à-dire l'opinion, bonne ou mauvaise, de celui qui les écrit. Comme pour n'importe quel autre film, il faut le voir pour soi-même. Ceci étant dit, c'est une étape importante dans l'histoire du cinéma. Quelque chose d'absolument pur et vrai.

 

Que pensez-vous des différentes affiches du film ainsi que de la version finale avec votre cadavre étendu sur le sol ?

Les affiches de films sont très importantes à mes yeux tout comme le moindre élément graphique, j'adore la version finale de l'affiche et j'espère qu'elle sera utilisée pour la sortie du film aux USA. Un gars mort couché sous une enseigne au néon sur laquelle on peut lire "SEXE ARGENT POUVOIR". Tout est dit.

 

Quels sont vos projets maintenant ?

J'espère continuer à vivre et évoluer.

 

Questions de Frédéric Polizine - Traduction de Frédéric Polizine et Stéphanie Himpe, les brillants webmasters du site  Letempsdetruittout.net - Photo en noir et blanc © Neal Franc. Découvrez les autres photos envoyées par Nathan dans notre galerie.

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