Nic Balthazar (Ben X)

Jonatan Fischer | 18 mars 2008
Jonatan Fischer | 18 mars 2008
Critique de cinéma et acteur frustré, Nic Balthazar aurait pu voir la vie en noir. Mais comme on le sait, le hasard fait souvent bien les choses et c'est en feuilletant son journal quotidien que cet artiste polyvalent a trouvé ce qui allait le sujet de son premier livre. Succès retentissant en Belgique, l'ouvrage se verra adapté au théâtre avant de bénéficier aujourd'hui d'une adaptation cinématographique. Le cinéma, les jeux vidéos, l'adolescence, le monde : Nic Balthazar s'est prêté avec amusement et lucidité à notre interview.

 

 

Avant de devenir un film, Ben X était un livre puis une pièce de théâtre. Raconter cette histoire pour vous, c’était une nécessité ? Comment êtes-vous passé à la réalisation ?

Je ne pense pas correspondre au mythe de l’auteur qui ressent le besoin de raconter à tout prix une histoire sous toutes les coutures. Tout est arrivé par hasard.

Le gouvernement et un éditeur cherchaient un auteur capable d’écrire un livre « pour les jeunes qui ne lisaient pas ».

Et j’ai vu un jour dans le journal cette histoire d’un ado de 17 ans qui s’était suicidé car il était harcelé à mort. Il s’avérait qu’il était autiste. En faisant mes recherches, j’ai découvert qu’il jouait beaucoup aux jeux vidéos et qu’il avait quelque part une copine sur Internet. Je me suis inspiré de ces faits réels pour écrire le livre et je ne me doutais pas qu’il susciterait de tels échos. L’histoire a touché les jeunes, autistes ou non, mais aussi leurs parents pour qui avoir un enfant harcelé constitue le pire des cauchemars.  

Puis un jour un acteur m’a incité à faire de ce livre une pièce, pas mal de personnes étaient intéressées et je n’avais pas envie de laisser quelqu’un d’autre mettre en scène cette histoire qui m’habitait. A la fin des premières représentations il y avait déjà plusieurs producteurs dans la salle d’intéressés pour en faire un film. Tout ça est arrivé par hasard et m’a permis de réaliser une envie que j’avais depuis très longtemps : faire du cinéma. Je suis le cliché même du critique qui se rêvait en acteur ou réalisateur.  Sauf que mon talent d’acteur était surtout d’être un acteur médiocre (rires). J’avais l’envie de faire un film et j’attendais d’avoir vraiment quelque chose d’important à dire, à raconter.  Il me semble qu’avec l’histoire de ce garçon je l’ai trouvée.

 

 

 

 

Dans le film, Ben de par sa maladie finit par confondre réalité et jeux vidéos. Pensez-vous que ces jeux et Internet peuvent aujourd’hui constituer un danger pour les jeunes, en les éloignant complètement de la vie réelle ?

Oui, absolument. Tout comme le cinéma peut être un danger pour tous ceux qui vivent trop leur vie par procuration à travers les films. Mais je ne veux pas condamner le cinéma vu toutes les belles choses qu’il apporte, tout comme je n’ai pas envie de condamner les jeux vidéos qui malgré leur violence offrent aussi une certaine forme de poésie. Internet, les jeux vidéos en ligne, c’est une opportunité pour les gens qui souffrent d’autisme, qui sont mal dans leur peau. Sur Internet on peut tout réinventer : sexe, origine ethnique, corpulence, personnalité... C’est un nouveau monde où l’on peut trouver de l’amour, de la compréhension. Mais c’est un monde virtuel.

 

 

 

Ben X est votre première réalisation. Elle se caractérise par une accumulation d’effets : ralentis, images de téléphone portable, fausse émission documentaire, extraits de jeux vidéos…N’aviez-vous pas peur au final que votre film paraisse trop artificiel?

Ce qui me fascine particulièrement dans la culture media des jeunes, c’est ce zapping qu’ils pratiquent souvent sans même en avoir conscience. Ils jouent aux jeux vidéos, surfent sur Internet, la télé est toujours allumée, la radio est en fond derrière, le téléphone portable toujours à proximité. C’est comme une grande soupe d’images dans laquelle ils nagent avec plaisir. Aujourd’hui pour que quelque chose soit jugé comme important, il faut que cela passe à la télévision. Pour exister il faut être dans les médias. Je voulais aussi parler de ça.

Pour raconter l’histoire de Ben, j’avais envie de mettre toutes ces images différentes et laisser le spectateur faire le tri, reconstituer son propre puzzle. J’aime les films ludiques, qui font réfléchir tout en instaurant une interaction avec le spectateur.

 

 

 

 

Le film utilise également beaucoup de musiques…

Oui, car cela fait aussi parti du quotidien des adolescents. La musique pour eux, c’est quelque chose de vital. La musique est pour beaucoup une arme de défense, qui permet d’avancer. A l’origine, Ben X a été pensé comme un film pour les jeunes, c’est au fil des projections qu’on lui a découvert une portée universelle.

Le film essaie de donner à voir le monde a travers le regard d’un adolescent qui  vit dans l’angoisse, comme malheureusement 90% de ceux atteints d’autisme. Les différentes chansons traduisent son état. Lors du mixage j’ai pu constater à quel point la musique pouvait faire basculer la structure d’un film, lui apporter une nouvelle dimension.

 

 

 

 

Pensez vous que le cinéma peut changer le monde ?

A quoi servirait cette machine coûteuse et compliquée qu’est le cinéma si on ne pouvait plus s’en servir pour faire bouger les choses ? Néanmoins, je pense que pour un réalisateur, c’est un grand danger aujourd’hui d’avoir un film avec un message, car pour les critiques, ce genre de films passe tout de suite comme moralisateur. Mais pour moi, c’était important de transmettre un message, une réalité, d’oser le faire, quitte à être stigmatisé de moralisateur même si j’espère que le film parvient à éviter cela.

 

Pleins d’instituteurs me disent : « grâce au film on a pu parler à nouveau du thème du harcèlement en cours ». Le film permet d’évoquer le problème de façon plus ludique pour les jeunes  qu’un débat en classe qui peut rapidement devenir rébarbatif. Le ministre de l’éducation a même fait évoluer les programmes scolaires après l’avoir vu. C’est là que l’on se rend compte que le cinéma peut faire bouger les choses. Et même si ce n’est qu’un petit peu, c’est déjà ça.

 

 

 

Propos recueillis par Jonathan Fischer
Un grand merci à Nic Balthazar pour sa disponibilité et gentillesse
Remerciements à Sophie Bataille

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commentaires
Sabri
28/05/2019 à 23:06

J'ai lui le livre et ma fille aussi pour exam à l'école mais même en relisant on arrive pas à comprendre si Barbie existe vraiment, car á la fin on dit qu'elle n'a pas besoin de place á table, ni de billet d'avion pour venir et que certain trouvé bizar que Ben parle á un VIDE? On pèse QU'IL l'a rencontré sur le net, empêché de se suicider puis la familles est partie voir les dauphins avec Ben mais pas Barbie..... Fin difficile à comprendre.... est il mort pour ses amis et parti juste avec ses proches? Barbie existe t elle vraiment??? Exam la semaine prochaine, si vous pouvez m'éclairer...