Michel Munz et Gerard Bitton (Le Cactus)

Ilan Ferry | 16 juin 2006
Ilan Ferry | 16 juin 2006

A deux c'est mieux… un adage que Michel Munz et Gérard Bitton suivent à la lettre depuis des années puisque les deux hommes ont cosigné ensemble les scénarios de l'un des plus gros succès du cinéma français : La vérité si je mens et sa suite réalisée 4 ans plus tard. Après le sympathique Ah si j'étais riche qui marqua leurs premiers pas en tant que réalisateurs, les deux hommes reviennent avec Le Cactus, et mettent face à face Clovis Cornillac avec l'hypocondriaque Pascal Elbé.

 

 

Comment est née l'idée du film ?
Michel Munz : Elle est née de plusieurs tranches de sujets : Nous nous sommes d'abord demandés ce que nous ferions s'il ne nous restait que trois mois à vivre. Puis, partis de ce constat, ce qui se passerait si nous en étions juste persuadés, la suite consista à créer un quiproquo autour de cette situation. Cependant le sujet s'est réellement mis en place lorsque nous nous sommes interrogés sur ce qui se passerait si notre meilleur ami n'avait plus que trois mois à vivre. Ce qui nous intéressait n'était pas tant l'hypocondrie, mais surtout comment celle-ci peut pourrir la vie de notre entourage. Enfin est venue l'idée de l'Inde, puisque beaucoup de mourants y vont afin de faire un voyage initiatique.

 

Il y aurait eu 21 versions du scénario, combien de temps a duré l'écriture ?
Gérard Bitton : Deux ans dont un an de retouche, puisque nous écrivons jusqu'au dernier moment. De plus, notre voyage en Inde lors des repérages a nourri notre imagination. 

Michel Munz : Au moment où nous sommes partis là bas, le scénario a été complètement modifié et nous sommes revenus avec beaucoup de scènes vécues. Il est toutefois vrai que la version vingt ne diffère pas tant de la version vingt et une, mais il y a toujours des changements et c'est ce qui nous plaît.

 

Quel a été le plus gros changement ?
Michel Munz : Les plus gros changements ont concerné le personnage de Justine (Alice Taglioni) et son histoire d'amour qu'on a eu du mal à insérer dans un duo comique masculin.

 


 

Combien de temps a duré le tournage en Inde ?
Michel Munz : Un mois et demi plus cinq semaines de préparation. Nous avons vu pas mal de films avec le chef opérateur pour utiliser au maximum l'Inde et ne pas en faire un simple cadre. C'est pour ça qu'on a insisté pour tourner dans des décors réels et non en studio. Comme nous voulions tourner à Bombay et éviter que mille personnes regardent la caméra, nous avons construit un faux plateau de cinéma pour faire diversion, c'était une véritable aventure !

Gérard Bitton : Le tournage là bas s'est très bien déroulé que ce soit avec l'équipe ou les autorités indiennes. Nous voulions la véritable Inde et non pas celle de carte postale et ainsi pouvoir s'éloigner de l'image bollywoodienne du pays.

 

Aviez-vous déjà Pierre Richard en tête pour le rôle de Christian au moment de l'écriture ?
Michel Munz : Non pas du tout. Lors de l'écriture nous n'avons jamais vraiment d'acteurs précis en tête. Lorsque nous nous demandions qui pourrait bien interpréter Christian, Pierre Richard s'est très vite imposé comme une évidence. Il a accepté de venir en Inde et a été d'autant plus formidable que nous nous sommes rendus compte après coup qu'il s'agissait d'un beau clin d'œil puisque il y a encore vingt cinq ans, c'est lui qui aurait joué le rôle de Sami (Pascal Elbé).

 


 

Dans Ah, si j'étais riche vous avez fait appel à Darryl Cowl et dans Le Cactus à Pierre Richard, à quel autre grand comique aimeriez-vous faire appel pour votre prochain film ?
Michel Munz : Louis de Funès (Rires)…Valérie Lemercier car en plus d'être une actrice confirmée, elle est l'une des rares à avoir le vrai sens du ridicule. Travailler avec elle serait d'autant plus idéal que nous avons beaucoup de mal à écrire pour les femmes.

 

Vous situeriez plus votre film du côté de La Chèvre ou du Corniaud ?
Michel Munz : Le film se situe plus du côté de La Chèvre qui est un modèle de mécanique. Le Corniaud est un film que j'adore mais qui a plus attrait au burlesque et à la fantaisie. De notre côté, nous avons essayé de faire une comédie, on espère, plus réaliste voire plus humaine.

 


 

Pensez-vous justement en terme de mécanique du rire durant l'écriture du scénario ?
Michel Munz : Lorsque nous écrivons une scène, l'enjeu principal est de savoir comment la rendre drôle même sur des sujets qui ne le sont pas forcément. C'est toujours intéressant de faire rire à partir de situations tragiques.

 

Vous venez tous les deux de la télévision, pensez-vous que ce soit une bonne école de scénario ?
Gérard Bitton : Nous avons eu la chance de travailler à la télévision au moment de l'ouverture de celle-ci, nous disposions d'une réelle liberté du fait de son caractère expérimental. C'est à cette époque qu'apparaissaient les tous premiers sitcoms, et celui sur lequel nous travaillions était interactif : à l'issu de l'épisode, les spectateurs choisissaient la direction à prendre, cela nous a permis d'apprendre à travailler très vite et à nous faire les dents. C'était une excellente école sur le tas.

 

Dénotez-vous aujourd'hui une tendance inverse à la télévision ?
Gérard Bitton : Les conditions d'écriture actuelles sont plus difficiles et fragmentées, il est rare qu'un scénariste de télévision qui commence un travail l'achève. La tendance actuelle est plus au travail d'écriture par équipe de personnes. Vous en avez une pour la structure, l'autre pour les dialogues. Au final, nous sommes plus devant un produit qu'une œuvre. Au cinéma, on prend des risques afin de séduire les gens pour les faire sortir de chez eux tandis que la télévision opère la démarche inverse et évite de les heurter pour mieux les inciter à rester devant leur poste. Du fait d'une certaine frilosité en matière d'adaptation de concepts étrangers, la télévision préfère éviter de prendre des risques et on ne compte plus le nombre incroyable de déclinaisons de flics qui déferlent sur les chaînes. 

Michel Munz : On voit par exemple qu'aux Etats-Unis, leurs séries sont plus intéressantes que leurs films ne serait ce qu'en terme de narration. La grande différence avec la France, c'est que la personne qui initie une série là bas en devient le maître, souvent les scénaristes sont producteurs de la série et ont carte blanche à partir du moment où cette dernière marche, la chaîne n'ayant pas le même souci que la France de voir la série s'intégrer à son image. Ainsi, en France, quand une série marche, tout est mis au crédit du diffuseur.

 

Comment s'est opéré ce basculement vers la réalisation ?
Michel Munz : De manière assez naturelle, même si il est vrai que Gérard en avait plus envie que moi. On cite souvent comme exemple celui du scénariste qui fais les courses et prépare le repas mais qui laisse le réalisateur passe à table à sa place ! Au fur et à mesure, cette impression est devenu de plus en persistante. Et puis il y aussi un équilibre de vie : le travail d'écriture est très solitaire tandis que celui de réalisateur se fait en équipe, c'est pour ça qu'on signe pas « un film de… » mais « un film écrit et réalisé par… ». Enfin, on s'est rendu compte du bonheur qu'apportait le travail de réalisateur que ce soit le travail avec les acteurs ou le cadre.

 


 

Etes-vous de grands amateurs de DVD ? Quels films attendez-vous sur ce support ?
Gérard Bitton : Pour moi, notre rapport au DVD se fait selon deux angles : il y a le film culte qu'on veut absolument posséder en DVD, même si on n'est pas sûr de le revoir plusieurs fois, puis il y a le film qu'on n'a pas vu et que le DVD nous permet de découvrir.

Michel Munz : J'ai été très content de redécouvrir certains films américains des années 70 en DVD ainsi que le cinéma français des années 50/60. Dernièrement, nous avons revu Le 7ème juré de Georges Lautner, qui est un film magnifiquement écrit et filmé. Ce qui est agréable, c'est de savoir qu'il y a encore des films à découvrir en DVD.

 

Quels sont les avantages et les inconvénients du travail à deux ?
Gérard Bitton : Il y a plus d'avantages que d'inconvénients : A deux on est plus forts et plus crédibles face aux investisseurs, mais surtout on a plus d'idées. Pour les inconvénients, il peut arriver qu'on ne soit pas d'accord mais nous avons tellement l'habitude de régler ce genre de conflits que lorsque cela arrive ce n'est plus vraiment un problème.
Michel Munz : L'autre inconvénient, c'est qu'on est obligé de partager l'argent équitablement (Rires)

 

 

 

Propos recueillis par Ilan Ferry.
Autoportrait de Michel Munz et Gerard Bitton.

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