Romain Duris

Didier Verdurand | 15 mars 2007
Didier Verdurand | 15 mars 2007

Jacques Audiard a la réputation de tirer le meilleur de ses comédiens et Romain Duris, très remarqué au dernier Festival de Berlin, ne nous contredira pas. Sa performance dans le sombre De battre mon coeur s'est arrêté restera dans les mémoires comme l'une des plus riches de sa prolifique carrière. Discussion avec un jeune homme de 30 ans plus calme qu'on pourrait l'imaginer.

 

Beaucoup d'acteurs accepteraient de tourner pour Audiard les yeux fermés sans même lire le scénario. L'avez-vous quand même lu, pour la forme ?
C'est vrai qu'il y a trois ou quatre ans, quand on m'avait demandé avec qui je voulais travailler, j'avais répondu Jacques Audiard et Maurice Pialat, en mettant la barre très haute. Cela dit, c'est encore meilleur quand on a quelque chose dans les mains ! Je pense avoir été son premier choix, mais il faudrait lui demander…

 

Comment fonctionne Jacques Audiard ?
Il y a eu des répétitions avec à peu près tous les comédiens. Avec Aure Atika et Jonathan Zaccaï, nous avons même interprété des scènes qui n'étaient pas présentes dans le scénario. Nous improvisions, ce qui nous permettait à la fois de nous chauffer, prendre nos marques les uns par rapport aux autres et de donner des idées nouvelles à Jacques.

 

Et sur le plateau ? L'ambiance était-elle similaire à celle du film, c'est-à-dire oppressante ?
Non, les tournages de Jacques sont vraiment agréables et d'une rare efficacité pour recréer la vie. Il y a sans cesse du mouvement et un libre espace de création qui fait avancer tout le monde. J'étais vraiment concentré sur mon personnage, réservé, et je n'étais pas là à taper dans le dos de tout le monde. J'aime cet esprit de travail car cela montre aussi qu'il y a un véritable investissement. C'était un rôle assez éprouvant… Le soir, je ne dormais pas malgré l'épuisement.

 

 

 

 

Sitôt le clap final passé, vous quittez facilement le personnage ?
Je n'ai pas eu le choix car j'enchaînais directement sur Les poupées russes de Cédric Klapisch ! J'aime bien faire le deuil de mes rôles justement, partir me reposer quelque part et me ressourcer. Ce n'est peut-être pas plus mal car Tom, que j'interprète dans le Audiard, me touche beaucoup et j'aurais pu devenir nostalgique, voire mélancolique.

 

Vous avez l'air en effet particulièrement touché par Tom.
Déjà par la musique et ensuite par l'énergie qu'il utilise pour changer de vie. J'ai ressenti le désir de le croiser, de lui ressembler…

 

Il y a 10 ans sortait Le péril jeune. Tout a vraiment commencé par un casting sauvage, c'est-à-dire qu'on vous a « découvert » dans la rue ?
C'est Bruno Lévy, directeur de casting à l'époque, qui cherchait un groupe cohérent pour Le péril jeune. J'étais incapable à l'époque de juger la valeur d'un scénario et j'avais donc de l'appréhension d'autant plus qu'il s'agissait d'un téléfilm. Cette méfiance s'est dissipée lorsque j'ai rencontré Cédric Klapisch, dont la personnalité m'a séduite. J'ai eu beaucoup de chance.

 

Comme Tom dans De battre mon coeur s'est arrêté, vous auriez pu mal tourner ?
Impossible à savoir… J'étais parti pour faire carrière dans le dessin et j'aurais rencontré probablement plus de difficultés. Percer dans ce milieu et gagner sa vie en dessinant n'est pas donné à tout le monde, loin de là. Il ne faut pas être seulement très talentueux, il faut aussi être très malin. En tout cas j'imagine que j'aurais été dans une situation moins confortable, parce que le métier de comédien, pour ceux qui ont la chance de bosser….

 

Vous n'êtes pas obsédé par le confort, parce qu'on peut aussi bien vous trouver dans une production à quelques milliers d'euros, Osmose, que dans Arsène Lupin qui a coûté 25 millions ! Cela traduit également vos goûts de spectateur ?
Il est exact que j'ai un plus d'appréhension face à une grosse production mais quand on interprète un personnage comme Arsène Lupin, on oublie les moyens, lorsqu'on est face à la caméra et au réalisateur. Un tournage avec deux cents personnes autour de vous ou seulement cinq revient un peu au même finalement.

 

Vous gardez un oeil sur les box-offices de vos films ?
Ca m'intéresse mais j'ai appris à ne pas en tenir compte parce qu'ils peuvent troubler. La quantité n'a jamais été gage de qualité et quand je vois les films qui marchent en France ou ailleurs… Comment traduire les résultats de Sur mes lèvres et Les Choristes (respectivement 600 000 et 8,6 millions d'entrées, NDLR) ? Je vois ce qu'aiment les français et parfois je suis dérouté.

 

Et les critiques de vos films ?
Je prends aussi du recul vis-à-vis d'elles. J'aime avancer sans penser à l'image. Et j'ai l'impression qu'une critique n'est jamais totalement objective. Beaucoup de choses rentrent en jeu, comme l'auteur, l'image du média… Pour avoir déjà discuté de ce sujet avec de nombreux réalisateurs et même des comédiens, je peux vous dire que je n'ai jamais rencontré quelqu'un dont la vie avait changé à cause d'une critique, en bien ou en mal. C'est un réflexe de ne pas s'en préoccuper.

 

Leur mérite est d'attirer l'attention sur des oeuvres de qualité, comme le Audiard aujourd'hui.
Elles sont très importantes en effet dans ce cas. Personnellement, je ne suis jamais l'avis d'un critique. Le conseil d'un pote, oui. C'est une chance de pouvoir suivre aveuglément les goûts d'un critique et je ne l'ai pas trouvé !

 

Après avoir enchaîné film sur film, vous n'avez rien tourné depuis Les poupées russes. Vacances ?
Ma vie reste très remplie, le temps passe si vite… Après deux ans de tournages successifs, les papiers se sont accumulés, les factures, les machins, les trucs… Le tout forme un agréable bordel qu'il faut réorganiser, entre deux voyages de promo à l'étranger pour Arsène Lupin et autre promo comme aujourd'hui. Je suis débordé, peut-être parce que je suis parisien et que Paris est ma ville natale.

 

Propos recueillis par Didier Verdurand.
Photos de Côme Bardon.

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