Greg Marcks

Didier Verdurand | 25 novembre 2004
Didier Verdurand | 25 novembre 2004

Greg Marcks, réalisateur du très remarqué – pour les rares qui l'ont vu – 11:14, était le bizut du festival de Deauville en 2003. À 27 ans, il débarquait en Normandie avec un divertissement très efficace qui bénéficie d'un riche casting, avec parmi les dix rôles principaux une récente gagnante de l'oscar de la Meilleure Actrice : Hilary Swank. Ni timide, ni trop sûr de lui, Greg Marcks s'était confié sur le chemin parcouru pour en arriver aux planches.

Vous représentez un peu le « rêve américain » en venant présenter votre film à Deauville à seulement 27 ans !
Je n'y suis pas arrivé en me tournant les pouces ! J'ai obtenu mon diplôme dans la section cinéma de la Florida state university, et réalisé huit courts métrages avant d'arriver à Hollywood, donc j'étais assez à l'aise avec la caméra avant le tournage de 11:14. D'autant plus que le concept m'était familier, dans le sens où il s'agissait de tourner plusieurs histoires qui se déroulaient en même temps et quasiment au même endroit. Mais ça n'a pas été facile de trouver des producteurs qui me fassent confiance juste en regardant des courts métrages.

De plus, vous n'aviez pas de relations…
Non. Je viens d'une petite ville dans le Massachussetts ! C'est gràce à la force du scénario que j'ai pu éveiller l'intérêt de certaines personnes, à commencer par mon agent.

Quel est le budget ?
5 millions de dollars. Il était à l'origine aux alentours de 3 millions, mais nous avons pu obtenir plus d'argent car le potentiel commercial augmentait du fait que nous avions un très joli casting. Cela n'a pas été facile pour autant, avec vingt-six nuits de tournage essentiellement en extérieur. Et comme c'était pendant l'été, les nuits sont courtes !

Pourquoi avoir choisi cette heure-là ?
C'est une coïncidence rigolote. Je réfléchissais depuis un moment à un scénario de long métrage, et quand tout s'est éclairci dans ma tête, il se trouve que je conduisais ma voiture de nuit. J'ai regardé ma montre et il était 23h14 ! J'ai choisi de garder cette heure, car il s'agit d'une comédie noire, et la nuit était le moment idéal.

Vous nous montrez des évènements qui se déroulent entre 22h54 et 23h34. Avez-vous fait des reconstitutions pour être certain de rester réaliste ?
En fait, non, parce que nous n'avons pas tourné là où je l'avais prévu à l'écriture du scénario. En réalité, je ne pensais pas à un lieu en particulier ! Mais il fallait bien entendu réfléchir à ce qui était possible ou non.

Vous avez écrit ce scénario en souhaitant que le spectateur veuille revoir le film ?
Oui, je pensais déjà à la vision en DVD, où vous pouvez regarder le film en boucle pour rechercher des erreurs, comme il m'arrive de le faire avec d'autres films ! Je me suis amusé à glisser quelques petits détails amusants qu'il est difficile de remarquer la première fois, aussi bien visuels que dans les dialogues.

On peut alors s'attendre à un DVD de qualité !
Nous mettrons probablement des images du tournage, mais j'espère qu'il y aura surtout un commentaire, car c'est ce qui personnellement m'intéresse le plus dans un DVD. Il y aura peut-être aussi une scène coupée avec Patrick Swayze, et une autre avec les flics, dans le cimetière, que j'aime beaucoup mais que nous avons finalement décidé de ne pas garder.

Vous aviez le final cut ?
Non, mais ce n'est pas forcément plus mal pour un premier film. Il est important de rester à l'écoute des autres, de pouvoir défendre ses opinions et d'avoir l'honnêteté d'accepter les critiques des producteurs, surtout quand elles sont justes. Quand vous ètes réalisateur, vous devez prendre des millions de décisions, et vous ne pouvez pas vous couper des autres, cela serait néfaste. Et je le répète, c'est un premier film !

Il y a des références évidentes, comme Memento et Go par exemple, mais j'ai aussi pensé à Very bad things !
C'est marrant que vous le citiez : un de mes monteurs a travaillé dessus. C'est vrai qu'au niveau de l'humour, il y a des similitudes, mais ça s'arrête là ! J'ai surtout été inspiré par Blood simple. Les frères Coen manient parfaitement l'humour qui met mal à l'aise. Regardez Fargo ! J'ai aussi pensé à Lost highway, de David Lynch, qui filmait merveilleusement bien la nuit.

N'est-ce pas intimidant de diriger Hilary Swank, qui a rejoint le club fermé des actrices qui possèdent un oscar ?
J'essayais de ne pas y penser. Il n'y avait pas qu'elle qui était impressionnante. Barbara Hershey a travaillé avec Martin Scorsese, Jane Campion… Henry Thomas a commencé sa carrière avec Spielberg… Patrick Swayze a été une star… Vous remerciez le ciel d'avoir des comédiens aussi talentueux, mais à la fin de la journée, tout le monde n'est satisfait que si vous avez fait un bon boulot. Il y avait une réelle motivation commune de faire le mieux possible, donc vous oubliez vite votre inexpérience. Pour en revenir à Hilary, c'est elle qui a eu l'idée de mettre un appareil dentaire. Il y avait un vrai souci de réalisme, nous ne voulions pas d'une belle jeune femme derrière une caisse dans une épicerie ! Quand nous en avions parlé, elle n'avait pas encore signé, mais j'ai senti qu'elle était vraiment intéressée, et qu'elle n'était pas une de ces actrices qui ne prennent aucun risque.

Est-ce que Tom Hanks est venu voir son fils Colin sur le tournage ?
Non, non ! Je n'ai jamais vu Tom Hanks ! Colin a été extra, parce qu'il n'a cessé de conduire et jouer en même temps. J'étais le cameraman dans le mini van, et j'étais comblé de voir ces trois comédiens, dont Colin, jouer avec une telle alchimie. Ils ont été excellents.

Difficile de ne pas parler non plus de Rachel Leigh Cook !
J'avais une idée très précise du personnage, et elle y correspondait tout à fait. Rachel a un physique innocent, et on ne se doute pas qu'elle puisse incarner une telle manipulatrice. Le public va aimer la voir dans un autre style que son personnage dans les comédies teenagers genre Elle est trop bien ! Son éventail est plus large qu'il n'y paraît.

Vous voulez rester dans le cinéma indépendant ?
Je ne me vois pas réaliser des blockbusters. Ce qui m'attire le plus, c'est de raconter des histoires qui n'ont pas été traitées avant, et cela implique souvent une audience plus limitée, donc moins d'argent. J'admire Steven Soderbergh qui navigue entre les gros et petits budgets, en gardant une totale liberté.

(Propos recueillis par Didier Verdurand en septembre 2003)

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