Le mal-aimé : The Island, le flop de Michael Bay avec Scarlett Johansson et Ewan McGregor

Geoffrey Crété | 8 juillet 2017 - MAJ : 23/03/2022 16:13
Geoffrey Crété | 8 juillet 2017 - MAJ : 23/03/2022 16:13

Parce que le cinéma est un univers impitoyable, soumis aux modes et à la mauvaise foi, la rubrique des mal-aimés d'Ecran Large existe. Le but : revenir sur des films un peu (trop) oubliés et mésestimés amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie.

C'est le cas de The Island, blockbuster réalisé par Michael Bay, où Ewan McGregor et Scarlett Johansson foncent à toute vitesse au milieu d'une histoire de clones.

 

The Island : Affiche

"La daube de l'été" (Les Cahiers du cinéma)

"Les héros découvrent un nouveau monde fait de crashs sur l'autoroute, de motos volontes, d'immeubles qui explosent, de jeu mauvais et d'incohérence psychologique - comme un vieux film de Michael Bay donc" (Rolling Stone)

"Une bonne bourrade cher payée, mais on espère que le bide massif du film rapellera à son instigateur qu'il n'est pas vraiment taillé pour la gloriole critique tant recherchée" (Mad Movies)  

  



LE RESUME EXPRESS

2019. L'humanité vit dans un complexe sous-terrain régi par des règles strictes, protégée d'une Terre devenue inhabitable. Chacun rêve d'aller sur l'île : une destination paradisiaque, accessible via une loterie.

Lincoln Six Echo en a marre de ne pas pouvoir manger de bacon et toucher Scarlett Johansson. Il pense aussi qu'on lui cache des choses. Il fouine et découvre qu'il n'y a pas d'île : ceux qui gagnent à la loterie sont en réalité tués.

Lincoln et Jordan courent, courent, courent. A l'extérieur, ils découvrent le monde normal, avec son désert, sa gare, son train qui flotte et sa métropole. Ils découvrent aussi qu'ils sont des clones : des gens riches commandent des doubles d'eux, afin de pouvoir récupérer des organes en parfait état en cas de besoin.

Après avoir détruit quelques dizaines de voitures et la moitié d'un immeuble, ils retrouvent le Lincoln original, un Ecossais parfaitement désagréable. Lincoln-clone en a tellement marre qu'il le fait tuer en se faisant passer pour l'original. Avec sa copine, ils décident de revenir dans le complexe pour libérer tous leurs amis, après avoir évidemment tué Sean Bean.

FIN

 

Photo Scarlett JohanssonUne fille et un flingue

   

LES COULISSES

En 2003, après Bad Boys II, Michael Bay a une soudaine envie d'être pris au sérieux. Il fait des infidélités à son fidèle Jerry Bruckheimer pour aller chez Dreamworks, le studio de Steven Spielberg. Lors de la tournée promo de The Island en 2005, le cinéaste expliquait : « Je suis très ami avec Jerry. Il me manque. Mais pour ce film, je suis allé à une rencontre avec cinq personnes, et c'était Spielberg, Walter Parks, Laurie, Adam Goodman et Mark Haims. Je suis sorti et j'ai réalisé, "Oh mon dieu, c'est un studio où ils font vraiment des films !". Tellement de patrons de studios ne comprennent pas comment on fait des films. Dreamworks est plus intime, ils sont d'un grand soutien pour améliorer le scénario. »

Il expliquera aussi qu'en apprenant la nouvelle, Bruckheimer est devenu fou : il avait lu et refusé le scénario.

Dans le scénario original signé Caspian Tredwell-Owen, Jordan Two Delta, le personnage féminin, était très différent. A IGN, Scarlett Johansson expliquait : « Elle s'appelait Ester. J'étais enceinte. J'avais de l'asthme, ce qui nous obligeait à nous arrêter tout le temps et Ewan s'occupait de moi. J'avais failli mourir et c'était ce truc classique où Ewan était le gros macho et moi, la jeune fille en détresse. On s'apprêtait à tourner, et Michael m'a dit : "Au fait, on a changé le nom et tout ton personnage". C'était une semaine avant le tournage. Il a été très pro-actif. Il ne voulait pas que je sois la petite chose fragile, il voulait que je botte des fesses. »

 

Photo Michael BayMichael Bay

 

Michael Bay tournera une partie du film avec la toute nouvelle caméra Arriflex 235 : il en achètera une directement auprès de la compagnie avant qu'elle soit mise sur le marché, surexcité par les possibilités d'une caméra si légère.

Interrogé sur les ressemblances avec THX 1138 (la dystopie blanche qui empêche les contacts humains) ou L'Âge de cristal (la fuite d'un homme et d'une femme, qui échappent à une société sous vase clos pour découvrir le grand mensonge à l'air libre), Michael Bay répondait : « Il y a certaines thématiques en commun oui. Quand vous regardez THX vous avez envie de vous tirer une balle dans la tête. Je trouve que c'est si oppressant... Je voulais faire quelque chose de plus fun et décalé. »

Certaines personnes penseront autrement puisque les créateurs du film The Clonus Horror de 1979 attaqueront pour plagiat en 2005. Après avoir essayé de balayer l'accusation, DreamWorks versera une somme inconnue à sept chiffres pour boucler l'affaire fin 2006. Le studio avait possédait les droits du livre Spares de Michael Marshall Smith, avec lequel The Island entretient quelques liens évidents.

 

Photo Ewan McGregor, Scarlett JohanssonLa ville super futuriste (non)

 

LE flop de the island

Petit échec. The Island a officiellement coûté 126 millions de dollars, sans compter le marketing d'un blockbuster de ce calibre (probablement 50-80 millions). Aux Etats-Unis, la superproduction n'a engrangé que 35 millions, pour un box-office mondial d'à peine 163 millions. 

La non-réussite commerciale du film de Michael Bay est évidente comparé aux autres films du cinéaste : en 2003, Bad Boys II atteint les 273 millions pour un budget similaire, tandis que Transformers en 2007 décolle jusqu'à 709 millions.

The Island est ainsi un accident de parcours dans la carrière solide du réalisateur, qui connaissait alors son premier vrai échec. A l'époque, seul Bad Boys a encaissé moins en salles (141 millions), mais était néanmoins un succès phénoménal vu son petit budget de 19 millions. Depuis, Michael Bay a aligné quelques petits échecs, comme 13 Hours (50 millions de budget et 69 au box-office).

 

Photo Ewan McGregor, Scarlett Johansson, Scarlett JohanssonTiens, on dirait L'Âge de cristal

 

En 2005, Laurie et Parkes MacDonald de Dreamworks revenaient sur ce box-office pour en trouver les raisons. A commencer par le statut des deux acteurs principaux : « Je pense que dans l'industrie, on a l'impression qu'ils sont de plus grandes stars, particulièrement Scarlett. On sait qu'Ewan n'est pas une star, mais il est tellement talentueux. Scarlett n'est pas un attrait pour la jeune génération. Même de plus petites actrices de télévision, honnêtement, auraient plus attiré ce public. Ce sont des superstars du futur, pas du présent. »

Autre coupable : le marketing. « La plupart des gens pensent que c'est un bon film, mais la manière dont il a été présenté dans le marketing n'a pas attiré. C'est un mauvais titre. Il fait référence à une chose qui n'existe pas dans le film. On pourrait se dire que c'est pas grave, mais vraiment, le titre donne la couleur de la campagne promo, et la campagne promo donne une image au public de ce qu'il pourrait y voir, donc ça a été un problème. »

Michael Bay regrettera de son côté les limites du budget qui l'ont notamment empêché de réaliser un affrontement final à la hauteur de ses envies entre Ewan McGregor et Sean Bean. Il expliquera qu'une partie a été improvisée.

 

Photo Ewan McGregor, Scarlett JohanssonUn couple d'acteurs prestigieux et attachés au ciné indé

 

pourquoi the island mérite d'être revu

Quand Michael Bay s'essaye à la superproduction dite intelligente (c'est-à-dire avec au moins quelques neurones activés), il reste Michael Bay. Inutile donc d'attendre une once de subtilité ou d'inventivité dans cette histoire de science-fiction, de clones et d'exploitation des corps, qui n'est au fond qu'un prétexte, et une toile de fond.

The Island se déroule dans un complexe hermétique où s'organise une société ultra-régulée, avec vêtements blancs et contacts interdits. THX 1138L'Âge de cristal, The Clonus HorrorOrange mécanique, Blade RunnerMinority Report, Matrix et une tonne de livres : le scénario de Caspian Tredwell-Owen, Alex Kurtzman et Roberto Orci est un ramassis de clichés du genre, qui est un parfait best of de la SF pour les nuls. Qu'il en ait eu conscience ou pas, Michael Bay n'est pas là pour réinventer l'eau chaude, mais pour arroser le monde d'une pluie bruyante et pétaradante, comme toujours.

A condition de ravaler ses envies de science-fiction, et d'accepter le contrat établi dès la scène d'intro digne d'une publicité pour parfum, The Island se présente alors comme l'un des divertissements les plus amusants de la filmo de Michael Bay. Le plaisir est simple et instantané devant ce film d'action rondement mené, qui avance à toute allure sur deux bonnes heures, avec deux parties distinctes : la première, plus légère et tranquille, dans le complexe ; et le seconde, bruyante et explosive, typique d'un Michael Bay.

 

L'Âge de cristal : L'Âge de cristalL'Age du plagiat

 

 

 

A défaut d'être originale ou audacieuse, la dystopie blanche est plus qu'amusante à découvrir. A défaut d'être originale ou audacieuse, la suite de scènes d'action est plus ou moins solide, avec notamment une réjouissante scène sur l'autoroute avec des carcasses écrasées (qui rappelle l'intro de Destination finale 2) ou encore la chute d'un R gigantesque.

La direction artistique du film, qui offre quelques superbes décors de science-fiction ainsi qu'une belle photographie, laisse penser que le réalisateur d'Armageddon s'est beaucoup amusé, et s'est peut-être même plus écouté que dans d'autres de ses films. La musique de Steven Jablonsky est par ailleurs l'une des plus marquantes de sa filmo.

 

Photo Michael BayMichael Bay sur le tournage avec Ewan McGregor

 

Léger malgré le discours, The Island (qui aurait pu être retitré "Run !") oscille entre un humour réussi ("Je ne sais pas ce que c'est, mais j'en veux une") et un autre nettement moins glorieux ("Une règle universelle : ne jamais donner sa carte de crédit à une femme", le sketch sur l'homosexualité dans les toilettes pour homme). En grand enfant, Michael Bay s'amuse un moment avec l'innocence de ses héros, et leur compréhension décalée des expressions et du monde. C'est bête, mais efficace.

Si le scénario délivre un message pas inintéressant mais plutôt limité ("Tout le monde veut vivre éternellement. C'est le nouveau rêve américain. Et certains sont assez riches que se l'offrir"), c'est une image a priori grotesque qui prendra un sens fascinant : celle où le personnage de Scarlett Johansson regarde une publicité avec Scarlett Johansson (qui existait réellement et n'a pas été tournée pour le film). Dans cette scène silencieuse, The Island prend un sens autre : l'histoire de clones et de double devient comme une métaphore de la célébrité, d'un rapport étrange à sa propre personne. Derrière la star hollywoodienne, le sex symbol, il y a une femme, et comme un gouffre entre ces deux visages. L'être humain naïf et pur regarde l'actrice qui s'est vendue à une grande marque comme une étrangère, et le trouble est étonnant. Le champ-contre-champ est d'une mélancolie inattendue. C'est probablement le placement de produit le plus intéressant de la filmographie de Bay, qui a habitué le spectateur à la manœuvre commerciale.

 

Photo Ewan McGregor, Scarlett JohanssonOh mon dieu, un scénario

 

LE PIRE de the island

A partir de la 43ème minute, Michael Bay reprend les choses en main. Les héros sont traqués dans le complexe car l'un d'eux a découvert la vérité ? Les militaires ouvrent le feu sans hésitation. Les héros s'enfuient ? La musique s'emballe, la caméra s'excite et bouge dans tous les sens. La fille doit suivre le héros pour le bon déroulement des opérations ? Elle, qui croyait dur comme fer au mensonge, décide de le suivre en quelques instants, sans hésiter lorsqu'ils entrent dans les zones censées être dangereuses. Les héros font une chute vertigineuse d'un immeuble avec un hélicoptère et un logo géant ? Un joli filet de sécurité les sauvera. La logique Bay est à l'œuvre, avec l'impresssion qu'elle piétine l'intrigue pour assembler des morceaux d'action, peu importe comment et pourquoi.

Si la première heure, d'une non-originalité effarante, est amusante, la suite est parfois laborieuse car nettement plus classique. Peu à peu, The Island rentre ainsi dans le plus balisé des chemins, jusqu'à un climax ordinaire où le héros affronte un pseudo-antagoniste avant d'embrasser la donzelle. Dire que l'intérêt du film décroît au fil des minutes est possible.

Lorsque le scénario tente d'être profond avec le personnage de Laurent (Djimon Hounsou), qui mentionne au détour d'une scène la guerre du Burkina Faso, le cinéaste retombe dans les mauvaises tendances du cinéma hollywoodien. Même chose lorsqu'il utilise ce personnage de mercenaire pour permettre au grand méchant de déballer toute la mythologie sans détour. Dans la forme, The Island abuse des ralentis pas très nobles, d'une caméra virevolante qui n'a parfois rien de noble. 

 

Photo Ewan McGregor, Djimon HounsouUn Ewan McGregor en cache un autre

 

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commentaires
Joker
13/11/2021 à 21:43

Bon sang ce film mérite plus que trois étoiles .
Comme beaucoup à l'époque, j'étais devenu allergique à la filmo de Bay toujours dégoulinante de niaiseries et de patriotisme ringard, mais je reste aujourd'hui persuadé que l'implication de Dreamworks le studio de Steven Spielberg avec l'addition de ses bons conseils, ont changés la donne dans la réalisation de The Island. Michael Bay fait pour une fois un long métrage intelligent, c'est assez rare pour le souligner.
Un film SF à voir absolument en VO c'est encore mieux.

Camille
14/05/2020 à 08:09

Excellent film a voir en tant de c19 : interdiction de la proximité entre les 2 persos, contamination mondial que tlm a intégré dans sa tête, GPA, surveillance de la comminucation... L'histoire se passe en 2019!!!

Sallah
09/07/2017 à 21:06

@chevaliershakka

Sachant qu'en plus c'est plus ou moins précisément ce que dit l'article et que tout le monde a répété/validé... T'aurais tout à fait pu le répéter à ton tour ;)

chevaliershakka
09/07/2017 à 20:55

Je voulais faire un com' mais au final je vais répéter la même chose que les commentaires en dessous : une première partie prometteuse, une seconde bien trop... Bay.

J'ai vraiment cru à l'époque que ça allait amorcer un tournant intéressant dans la carrière du réal'. J'ai été fort déçu.

Prometheus56
09/07/2017 à 17:28

J'aime aussi beaucoup The Iskand surtout pour sa première partie pleine d'humour et aux décors superbes. L'idée de base est vraiment excellente. Après bien sur ça se gâte avec de laction non stop. Mais la photo est belle, les acteurs sont en alchimie, et l'ambiance SF est bien rendue.

diez
09/07/2017 à 13:20

J'aime bien ce film également. Pour le coup ça raconte quelque chose, même si on reste à la surface des choses.

Tim
09/07/2017 à 12:16

Bien meilleur que Transformers ou Armageddon

TheArri
08/07/2017 à 18:00

Perso je trouve que c'est un très bon film, du moins la première moitié du film, à partir du moment ou l'action commencent et que les 2 personnages principaux sortent du complexe ça deviens vite le bordel avec tout ce que je déteste chez Bay, shaky cam, montage épileptique, scènes d'action filmé à la longue focale... Ca aurai put être un grand film mais il ce plante après 1h de film. Je conseil le FanEdit du film qu'on trouve sur certain sites, le film est plus court mais bien meilleur.
Au passage, certaines scènes d'action on été réutilisé dans le premier Transformers, ils on juste changé la colorimétrie, ajouté des images en CGI et des Robots mais c'est les mêmes.

Colonel Stuart
08/07/2017 à 16:55

C'est dingue, car perso j'ai toujours trouvé que c'était un des meilleurs M.Bay (avec NO PAIN NO GAIN et 13 HEURES).
C'est un film que j'apprécie toujours de regarder, même si les tics de Bay reviennent à un moment, cette oeuvre n'en reste pas moins un très bon film de SF!