Le mal-aimé : Signes, le chef-d'œuvre alien de Shyamalan

Geoffrey Crété | 18 janvier 2023 - MAJ : 22/01/2023 17:07
Geoffrey Crété | 18 janvier 2023 - MAJ : 22/01/2023 17:07

Dans la rubrique des mal-aimés, Écran Large revient sur des films oubliés, mésestimés, ou simplement rejetés par la critique et/ou le public à leur sortie. Alors pourquoi Signes, avec Mel Gibson et Joaquin Phoenix, réalisé par M. Night Shyamalan après les succès de Sixième Sens et Incassable ? Parce qu'il est souvent considéré comme le début de la fin pour le cinéaste, et rarement comme l'un de ses grands films.

Erreur : c'est l'une de ses plus grandes réussites, voire l'un de ses chefs-d'œuvre.

 

Signes : Affiche française

 

"...à la limite du ridicule" (Le Parisien)"

"L'histoire a été écrite avec des semelles de plomb" (Le Nouvel Obs)

"Aussi doué soit-il, Mr Shyamalan est défait par sa prétention" (NY Times)

"L'histoire ne tient pas debout, les dialogues sont indigents, les acteurs terre à terre" (Zurban)

"On peut se demander si la persistance de Shyamalan à répliquer la formule du Sixième sens n'est pas futile et contre-productive" (Variety)

 

 

 

LE RÉSUME EXPRESS (SPOILERS)

Graham a perdu sa femme et sa foi d'un coup, et depuis, il s'occupe avec son fils, sa fils, son frère et son maïs de Pennsylvanie. Mais un jour, il découvre des crop circles dans ses champs.

Tout le monde parle d'aliens, sauf Graham. Mais un jour, il voit une jambe verte d'alien dans son champ, puis coupe un doigt d'alien. Graham est d'accord : il y a des aliens.

La famille se barricade et prépare un dernier dîner-psychodrame, mais ils ont oublié de fermer le grenier. Tout le monde descend à la cave, mais c'est la panique, et le fiston fait une crise d'asthme.

Ellipse. L'invasion semble finie, sauf l'alien au doigt coupé. Mais tout était prévu par dieu : les verres d'eau, la batte de baseball, l'asthme.

Bingo : Graham retrouve la foi.

 

SignesMel Gibson cherche la foi

 

incassable signes post-sixième sens

À l'aube du nouveau millénaire, M. Night Shyamalan est un demi-dieu à Hollywood. Il a déjà réalisé quatre films, mais seuls deux ont compté aux yeux du monde entier : Sixième sens en 1999, et Incassable en 2000. Le premier a absolument tout écrasé, avec plus de 672 millions au box-office (pour un budget de 40 millions), un bouche-à-oreille ahurissant (cinq semaines au sommet du box-office américain), et un prestige jusqu'aux Oscars (six nominations, dont meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario).

Le deuxième ne pouvait se hisser au même niveau ("seulement" 248 millions au box-office, pour un budget de 75), mais peu importe. Shyamalan était le roi. Il était même "le prochain Spielberg" (il a d'ailleurs failli écrire Indiana Jones 4).

 

M. Night Shyamalan : photoUne couverture qui a bien vieilli

 

Autant dire que pour son troisième film, il avait certainement carte blanche. Il racontait à The Ringer en 2020 comment était venue l'inspiration : "Signes est venu de deux idées : une famille qui découvre des crop circles dans son jardin, et un film sur la fin du monde depuis une maison, un peu comme La Nuit des morts-vivants".

En réalité, il y en avait une troisième : l'envie d'aller contre Incassable. "J'ai eu une réaction compliquée aux réactions d'Incassable. Je voulais faire un film sur les comics, et ce n'était pas une époque où ça intéressait les gens. Je voulais faire ça de manière très dramatique. (...) J'ai appelé Disney, et je leur ai dit, 'Je veux faire un film qui soit joyeux, et n'est pas aussi lourd et dramatique'. Il peut y avoir beaucoup de conflits dedans, mais l'angle, je voulais que ce soit plus enfantin presque. Et Signes est né ainsi".

Shyamalan raconte qu'il n'écrivait que lorsqu'il était d'humeur joyeuse, et assemblait les idées avec une légèreté assumée. Il s'est notamment beaucoup inspiré de sa propre fille, qui avait 9 ans à l'époque (comme Bo dans Signes). Après six mois et cinq versions, il avait fini. "Ça a été le scénario le plus facile à écrire de ma carrière. Ça a été le tournage le plus facile que j'ai jamais fait".

Déjà derrière Sixième sens et Incassable, Disney (via sa filiale Buena Vista Pictures Distribution) n'a pas hésité longtemps. En quelques jours, le studio a proposé une jolie somme à Shyamalan (au moins 10 millions selon Première, à l'époque) pour lancer le projet, entièrement financé sur son nom puisqu'aucun acteur n'était encore casté.

 

Signes : Photo M. Night Shyamalan"J'ai écrit le scénario et voici la clé du scénario"

 

En 2006, le réalisateur et scénariste expliquait à Something Awful comment il en était arrivé à une histoire d'aliens : "J'ai ressenti beaucoup de pression à l'époque pour que je fasse de la science-fiction. Je ne suis pas le genre de mec à faire le prochain Star Wars ou Aliens. Ce sont des films parfaitement bien, mais je voulais essayer de faire quelque chose de plus profond et plus universel. (...) C'est l'histoire d'une guerre entre le Paradis et l'Enfer. Les aliens sont des démons et les êtres chers décédés, des anges. C'est pour ça qu'ils prient plusieurs fois dans le film. C'est sur la foi".

Et oui, Shyamalan a bien utilisé l'eau symboliquement comme de l'eau bénite pour détruire les aliens, il l'a confirmé lui-même.

Tout n'a pas été de tout repos sur Signes, notamment côté casting. Mark Ruffalo devait incarner Merrill, mais a été contraint de se retirer du projet pour des problèmes de santé, quelques semaines avant le début du tournage. Pour le rôle de Graham, Shyamalan rêvait apparemment de Paul Newman (qui n'était pas intéressé) et Clint Eastwood (pas disponible), avant de rajeunir le rôle et décrocher Mel Gibson.

A l'époque, Mel Gibson expliquait avoir accepté très vite chez BBC : "Pour moi, les films doivent faire trois choses : divertir, éduquer, et si possible, vous élever. Je pense que Signes fait ces trois choses, et c'est la marque de grands films. Quand j'ai lu le scénario, j'ai immédiatement vu ces trois choses, et ça m'a pris environ trois secondes avant d'appeler Night et lui dire que je le faisais."

Autre "détail" : le tournage de Signes a commencé deux jours après le 11 septembre.

 

photoJoaquin Phoenix (au milieu)

 

Autre gros changement en cours de route : le design de l'alien. L'idée initiale était proche d'un Predator, avec un effet camouflage nettement plus spectaculaire, puisque l'extraterrestre était totalement invisible avant d'ouvrir les yeux ou bouger. Autre idée abandonnée : une allure plus féminine pour les aliens.

Des tests ont été faits, et partagés par Befores and Afters Magazine en 2002 :

 

 

L'idée de camouflage a été largement atténuée, pour un petit effet caméléon dans le film.

Enfin, la fantastique musique de James Newton Howard était consciemment inspirée par Bernard Herrmann, connu pour ses BO de Hitchcock. "On voulait une musique qui attire l'attention, qui est visuelle, qui vient par-dessus le film. Qui ne se cache pas, qui n'est pas atmosphérique. Je lui ai dit, 'Allons-y à fond, et old school'. Le générique est venu après que James ait composé la musique. J'y suis allé old school aussi."

 

Signes : photoPredator version Wish

 

LE (gros) succès de signes

Rien ne rivalise avec Sixième sens (plus de 672 millions au box-office pour un budget de 40 millions), mais Signes a été un carton. En 2002, le film a récolté plus de 408 millions au box-office mondial, pour un budget officiel de 72 millions.

C'est toujours le deuxième plus gros succès de la carrière de Shyamalan, devant Le Dernier Maître de l'air (319 millions, ne rigolez pas), Split (278 millions), Le Village (257 millions), After Earth (251 millions, et arrêtez de rire voyons), Incassable (248 millions) et Glass (246 millions). Pour rappel, son plus gros flop reste La Jeune fille de l'eau (72 millions, et vous pouvez rigoler là).

C'est aussi son deuxième plus gros succès au box-office domestique, avec plus de 180 millions rien que sur le territoire américain – loin des 379 millions de Sixième sens, mais il reste hors catégorie.

 

Signes : photoSignes, premier carton original de 2002

 

En France, Signes a attiré plus de 2 millions de spectateurs. Et pour le coup, ce n'est pas du tout un record pour Shyamalan, puisque c'est son 4ème plus gros succès chez nous, loin derrière Sixième sens bien sûr (7,7 millions d'entrées), mais aussi Incassable (3,4 millions), et Le Village (2,4 millions).

Bien sûr, Signes était une miette au box-office 2002, loin derrière Le Seigneur des anneaux : Les Deux Tours (936 millions), Harry Potter et la Chambre des secrets (878 millions), Spider-Man (821 millions), Star Wars : Episode II - L'Attaque des clones (645 millions), Men in Black II (441 millions), et Meurs un autre jour (431 millions). Mais il se plaçait en 7ème position, juste après ces poids lourds.

En d'autres termes : c'était le plus gros succès de 2002, hors franchise, en tant que vrai film original (pas adapté d'un livre, et pas une suite). De quoi mesurer la popularité de Shyamalan à l'époque.

 

SignesQuand les franchises voient Signes juste derrière au box-office

 

signes : le grand film d'horreur

Si Shyamalan était "le prochain Spielberg" en 2002, Signes était évidemment son Rencontres du troisième type, mais avec une approche radicalement opposée. Ici, ce ne sont pas des Jean-Michel Jarre venus du cosmos, mais des envahisseurs (même si oui, l'amusante théorie des gentils aliens existe). Et si la famille est là aussi au centre du cauchemar, jamais le film ne dézoomera pour montrer le reste du monde.

Hormis une escapade en ville et quelques seconds rôles, et la lucarne de la télévision qui donne un aperçu des événements, l'horreur est racontée à l'échelle intime, autour de quatre personnages et un décor. C'est cette simplicité, cette pureté, qui permet à Shyamalan de s'approprier à merveille le genre ultra-codé du film d'invasion alien, en prenant les éléments qui l'intéressent tout en délaissant les autres. Et a priori, c'est le seul à avoir tenu ce point de vue de manière aussi extrême dans le genre.

 

Signes : photoConnecting People

 

Dans Signes, il y a plus que jamais l'évidence de la puissance de la mise en scène de Shyamalan. Comme dans Incassable, chaque cadre, chaque mouvement de caméra, chaque effet de montage est parfaitement millimétré. Du tout premier plan (un décor a priori banal est lentement déformé par un mouvement de caméra qui montre que c'est derrière une fenêtre : ou comment montrer que l'ordinaire va glisser vers l'étrange) à ce lent pano qui laisse entendre et entrapercevoir l'arrivée des aliens autour de la maison à la fin, le réalisateur dirige d'une main de maître le tempo de son récit.

Pour la première fois, Shyamalan se frottait véritablement au cinéma d'horreur. Et que se passe-t-il quand un cinéaste si précis s'essaye à la mécanique de la peur, elle aussi très codée ? Des merveilles, parce qu'il y va avec une simplicité et une économie redoutables. Avant le grand final, les réelles apparitions se comptent sur les doigts d'une main extraterrestre (une ombre sur un toit, une jambe dans le maïs, une main sous une porte, une main sur une grille...). Mais chacune est parfaitement orchestrée, avec la parfaite dose de curiosité, surprise et étrangeté pour installer une douce angoisse.

 

Signes : photoLes enfants du maïs

 

Il n'y va pas avec le dos de la cuillère, et s'amuse avec tous les effets classiques (un son strident par ici, une lampe torche qui déconne par là), mais sans jamais tomber dans le mauvais jumpscare, et toujours avec une certaine malice. Quand Graham aperçoit une jambe d'alien dans le champ en pleine nuit, Shyamalan joue avec le son (la douce musique en contrepoint du vent et du sound design angoissant) pour créer un crescendo, et mieux le couper net à l'intérieur de la maison.

Et quand il dévoile l'allure d'un alien, c'est dans une scène absolument terrifiante où la musique de James Newton Howard, les cris des enfants et le passage de cette chose provoquent une crise de tachycardie. C'est d'autant plus ingénieux que l'horreur passe par un triple filtre : l'alien a été filmé par des gens, est diffusé par le JT, lequel est regardé par un personnage qui est le miroir du public (tout aussi anxieux, excité et curieux que Merrill de voir, enfin, l'alien). Avec en plus un parfait filtre de caméscope qui ajoute une touche de faux documentaire (et permet de masquer les détails, et donc les laisser à l'imagination), il y a là une des plus grandes scènes d'horreur-SF de ces dernières décennies.

Il suffit de revoir Scary Movie 3 (oui oui vous avez bien lu) pour saisir la réussite de cette scène. Sur le papier, cet alien humanoïde qui passe dans une ruelle est gentiment ridicule, et la parodie avec Leslie Nielsen s'en moque joyeusement. Mais Shyamalan utilise suffisamment de filtres et y injecte suffisamment de premier degré pour qu'elle fonctionne merveilleusement. C'est ça, son talent : y croire à fond, et emporter le public pour qu'il s'y perde.

 

Signes : photoL'invasion commencera par le petit écran

 

les signes de la foi de la frousse

Avec Incassable, Signes est certainement la plus belle démonstration de force de M. Night Shyamalan réalisateur. Mais le film a un ingrédient en plus : l'efficacité absolue de son scénario, bien plus simple, ludique et direct que celui d'Incassable. Non seulement Signes est rondement mené, et garanti 100% plaisir, mais il est en plus d'une richesse infinie.

Premier niveau : c'est une magnifique histoire de réconciliation familiale, et probablement le film le plus sentimental de Shyamalan (qui avait consciemment cet objectif). C'est là encore avec une économie de mots et de dialogues qu'il raconte les retrouvailles de ce père et ses enfants, qui parviennent à recréer un lien alors que le monde se délite. Et c'est en se retranchant dans leur maison, menacée de toute part, qu'ils arrivent à reconstruire un foyer.

Le dispositif est simple, et Shyamalan s'y tient jusqu'au bout. Alors que tout bascule véritablement vers l'horreur, le père prend enfin le temps de descendre au niveau de ses enfants, les regarder dans les yeux, et leur parler de leur naissance (et donc, son amour absolu et inconditionnel pour eux). Mel Gibson est magistral, comme tout le monde – avec une mention spéciale à Abigail Breslin, future Little Miss Sunshine absolument géniale. Quand même les seconds rôles (Cherry Jones et Merritt Wever) sont parfaits, c'est que tout est parfaitement dirigé.

 

Signes : photo"T'es pas le frère d'un gamin connu toi ?"

 

Deuxième niveau : Signes est un film qui montre à quel point le cinéma de Shyamalan repose sur l'illusion et la croyance, comme si le réalisateur se racontait lui-même. C'est un film sur la foi dans le sens large, où les personnages comprennent qu'absolument tout a un sens, une valeur, une place. Rien n'est une question de hasard ou de chance, comme le suggère le personnage de Joaquin Phoenix dans une scène qui énonce toute la note d'intention du film.

Et le film est précisément construit sur la même idée. Chaque scène, chaque personnage, chaque décision et quasiment chaque réplique est chargé de sens. Le puzzle de Signes peut sembler artificiel, car trop bien construit, mais au fond, c'est tout le cinéma de Shyamalan qui y est raconté : dans son monde, tout doit avoir un sens. Ça marche pour ses personnages, mais aussi pour lui, de l'autre côté de l'écran, lorsqu'il écrit son scénario et le filme. L'ego du monsieur est un sujet bien connu (ici, il se donne le simple rôle de celui qui livre la clé pour affronter les aliens), mais ce serait fort dommage de résumer Signes à ça.

 

Signes : photoQuand tu tombes sur Touche pas à mon poste

 

 

LEs problèmes de signes

Avec le recul, Signes peut être perçu comme le début de la fin (supposée) de Shyamalan. Son film suivant, Le Village, a largement divisé, et c'est à cette époque que son ego a gonflé comme le Hindenburg avec un faux documentaire SyFy (créé comme un coup marketing) où il s'inventait une expérience de mort durant son enfance, après laquelle il était en contact avec des esprits.

Tout a définitivement vacillé avec La Jeune Fille de l'eau, où le réalisateur a décidé de claquer la porte de Disney, qui n'aimait pas le scénario. Accueilli à bras ouverts par Warner Bros., il a eu droit à une douche glaciale à la sortie du film, massivement rejeté et moqué. La suite est connue : Phénomènes, Le Dernier Maître de l'air et After Earth ont été des désastres, puis The Visit, Split et Glass lui ont permis de regagner ses lettres de noblesse (dans une certaine mesure).

Signes montrait peut-être déjà les premiers signes de ces problèmes à venir. Oui, on parle de ce curieux climax où Shyamalan crame en deux minutes tout le mystère et l'étrangeté des aliens.

 

Alien Signes Ceci n'est pas un alien

Laissée hors champ, réduite à quelques mains et doigts, ou vue à travers le filtre de la télévision, la menace apparaît d'un coup en plein jour, au centre du cadre. Une scène qui laisse malheureusement tout le loisir de mesurer les limites de la chose – le design somme toute très classique, et le rendu des effets visuels douteux qui dénote dans un film si sobre.

Shyamalan croit dur comme fer en ses histoires, et c'est pour ça qu'il les raconte avec un premier degré nécessaire. Pourquoi donc avoir franchi le pas en montrant si longuement et frontalement l'alien ? Pourquoi ne pas l'avoir gardé dans les reflets, dans le hors-champ, et donc dans l'imaginaire du public ? Le crescendo est compréhensible (après tout, l'alien avait été vu en entier au JT), mais nul doute que quelque chose se brise dans cette dernière ligne droite.

C'est d'autant plus triste que Signes a coûté plus de 70 millions de dollars, soit un très joli budget pour un tel film (reste à voir combien sont allés à Shyamalan et Mel Gibson). C'était donc peut-être le vrai début de la folie des grandeurs, et de la fin. Mais peu importe : Signes reste l'un des meilleurs films de M. Night Shyamalan. Voire : son meilleur.

 

La Jeune fille de l'eau : photoC'est toujours moins pire que La Jeune Fille de l'eau

 

LA THéorie des gentils aliens

Impossible de ne pas revenir sur cette théorie désormais très populaire, notamment grâce à la vidéo Chroma de Karim Debbache. L'idée ? Les aliens ne seraient pas une menace, les humains imagineraient l'invasion, et les attaqueraient à cause de la peur. Et la théorie repose en réalité sur l'absence de preuves réelles de leurs intentions agressives.

On voit les aliens se cacher, observer les humains, et fuir, ce qui pourrait laisser penser qu'ils sont juste de petits êtres curieux. On entend parler d'une attaque mondiale et d'un poison utilisé par les aliens, mais via la télévision et la radio, ce qui pourrait simplement témoigner d'une peur et panique mondiale face à un tel événement. Tout passe par l'écran de télévision (les lumières dans le ciel, les témoignages, l'apparition à l'anniversaire), mais aucune image ne montre véritablement d'attaque.

A la fin du film, on voit l'alien aux doigts coupés qui menace Morgan, et libère un gaz inconnu. Ce serait le fameux poison, et tout laisse croire que l'alien (abandonné par les siens car blessé, comme entendu à la radio) est venu se venger de Graham, et tuer son fils. Sauf si... sauf si ce pauvre alien a simplement été enfermé par Ray, et attaqué par Graham qui lui a coupé des doigts. Et qu'il n'a en réalité pas empoisonné mais sauvé Morgan, avec ce gaz étrange ; ou s'est simplement défendu en voyant Merrill prendre la batte.

 

Signes : photoC'est juste un médicament promis

 

Aussi amusante soit-elle, la théorie ne tient pas réellement la route. Sauf à considérer que la coutume alien pour se présenter à une autre civilisation consiste à casser les fenêtres et portes d'une maison, tuer le clébard et faire coucou en passant les mains par tous les trous, l'arrivée des extraterrestres à la fin a tout d'une attaque, pure et simple. C'est littéralement la version SF du home invasion, où une bande d'assaillants prend d'assaut une demeure, pour y pénétrer à n'importe quel prix.

L'idée d'un alien isolé qui en veut personnellement à Graham (et pas : une civilisation alien entière qui envahit la Terre) ne tient pas non plus. Les ombres et bruits prouvent que la maison est attaquée par plusieurs aliens, et qu'il y a une stratégie et une réflexion derrière (trouver une entrée par la force, faire diversion dans la cave, puis attendre le petit matin pour les surprendre dans le salon).

Par ailleurs, la théorie des gentils aliens aurait-elle réellement du sens ? Pas sûr. Signes n'est pas une histoire de parano, qui s'interroge sur la manière dont une menace peut être inventée ou fantasmée à cause des médias ou de l'isolement. C'est l'histoire d'une réconciliation, où un foyer se reforme au moment où il est sur le point d'être détruit (l'attaque de la maison, berceau de cette vie), et où une famille se ressoude face à sa potentielle destruction. Tout ça a lieu grâce à une menace, qu'elle soit globale (une invasion planétaire) ou réduite (un alien ou un groupe d'aliens, qui veut se venger de Graham).

 

Signes : photoC'est juste un petit massage, promis

 

les scènes coupées de signes

Peu de scènes coupée dans Signes (des flashbacks niais avec Colleen, un cadavre d'oiseau sur la route qui laisse imaginer qu'il y a bien un vaisseau invisible dans le coin), mais quelques éléments très intéressants qui expliquent une incohérence dans le climax. Dans la version cinéma, lorsques les personnages comprennent que les aliens vont entrer par le grenier, ils se retranchent aussitôt dans la cave. La panique est réelle et la fin semble imminente, et pourtant Graham descend les marches du sous-sol sans se presser.

Oui, c'est parfaitement étrange, mais oui, il y a une explication : plusieurs scènes ont été coupées exactement ici.

A l'origine, Graham et Merrill essayaient de bloquer la trappe du grenier. Merrill la retenait à bout de bras, contre les assauts de l'autre côté, avant que Graham ne déplace un haut meuble pour la bloquer. Une solution de bricolage et de courte durée qui montrait néanmoins que les aliens étaient là, juste au-dessus, à quelques centimètres dans l'obscurité.

 

Signes : photoScène coupée

 

Ensuite, la famille s'enfermait dans la cuisine, et Merrill bloquait la porte avec des meubles et chaises. Là, le désespoir de Graham devenait évident. Après avoir raconté un souvenir lié à Merrill (comme il l'avait fait juste avant avec les naissances de ses enfants), il annonçait qu'il fallait descendre dans la cave. Désemparé, Merrill lui répondait qu'il n'y avait aucune sortie, laissant entendre que Graham acceptait qu'il n'y avait plus d'échappatoire, et que les aliens finiraient pas les trouver, et les tuer.

C'est à ce moment-là que la famille descend dans la cave, tandis que la porte de la cuisine bloquée commence à bouger, montrant que les aliens sont bel et bien descendus du grenier.

Shyamalan a de toute évidence coupé ces scènes pour accélérer le rythmer, en retirant deux étapes. Et c'est pour cette raison que le jeu de Mel Gibson dans les marches peut sembler si curieux.

 

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commentaires
Kyle Reese
21/01/2023 à 13:30

@Geoffrey Crété

Je ne sais pas, les crop-circles sont fait pour être vu de très hauts pour les repérer. Donc vu du ciel, donc vu d'un objet qui vole, un ovni quoi. Ces fameuses créatures ne peuvent venir de la terre à cause du système météo de la planète. D'ailleurs une créature allergique à l'eau, j'ai du mal, même si une telle maladie existe réellement et peu créer de l'urticaire. En fait j'aime le film mais sa résolution avec l'eau me bloque toujours. Et puis aujourd'hui le mystère des crop-circles est éclaircis.

Concernant WOW, là je me dis que ces ET étaient bien trop sur d'eux et que de toute façon l'analyse microbienne complète d'une planète me semble totalement impossible.

Mais oui je vous rejoins sur la suspension d'incrédulité. D'ailleurs pendant la projo de Signes cette incohérence ne m'était pas venue à l'esprit et le film en soit reste très bon.

alulu
19/01/2023 à 17:41

On peut imaginer que les aliens de Signes ont quitté la terre de leur propre chef pour revenir avec la logistique nécessaire pour en faire un monde à leur convenance. Ce n'est pas forcément une invasion classique avec domination que l'on trouve parfois dans la SF. C'était peut être la première étape d'un truc plus global pour les aliens. Et puis nous sommes pas trop "lave-compatible" et pourtant certains parmi nous vivent aux flancs de volcans, les bienfaits l'emportent sur les désagréments. Au final, on n'en sait rien et celui qui sait n'en sait pas plus que celui qui ne sait pas. C'est la beauté de ce film, chacun voit midi à sa porte.

Geoffrey Crété - Rédaction
19/01/2023 à 14:56

@Kyle Reese

"c'est bien d'une invasion qu'il s'agit là" : Shyamalan répond justement en demandant ce qui prouve que ce sont des aliens dans le film. On fait ce qu'on veut de sa réponse.

Dans La Guerre des mondes, les aliens ont installé leurs machines il y a longtemps, mais ont bien décidé de revenir là, maintenant (en passant par l'orage pour aller dans leurs machines). On pourrait aussi se dire "avec leur technologie, avec leur savoir, avec leurs instruments de mesure" etc ils auraient pu et dû analyser cette planète qui avait bien changé, surtout que les aliens observaient la Terre de près avant d'attaquer. La réalité je pense, c'est que tous ces films reposent sur la suspension d'incrédulité, et à peu près jamais une logique totalement imparable (normal vu que c'est de la SF, avec une part d'imagination). Pour rappel, dans La Guerre des mondes, on finit quand même sur l'idée que "Dieu dans sa sagesse" a placé ces microbes pour aider les humains en gros (tiens, amusant, Dieu est aussi là, comme dans Signes).

Pour moi, si on tique sur ces éléments, c'est qu'on n'est pas assez emporté par le film, et que donc le problème n'est pas la cohérence des détails de SF, mais le film lui-même, globalement. Et franchement si c'est ça "l'incohérence" et le grand problème de Signes, ça me va très bien, et ça en fait toujours un très grand film pour moi.

Kyle Reese
19/01/2023 à 14:31

@Geoffrey Crété

J'aime beaucoup ce film mais l'incohérence en question me bloque aujourd'hui et c'est dommage car c'est bien d'une invasion qu'il s'agit là, la réponse du réal ne me convainc pas.
Ce sont des ET, s'ils ont la techno pour venir chez nous, ils doivent être suffisamment intelligent et avancé pour savoir qu'ils sont vulnérables à l'eau et que l'eau est un élément important du fonctionnement de la terre. Je sais que ça fait très terre à terre mais bon. Tu es en approche d'une planète inconnue tu as surement des instruments de mesures qui te disent que le climat brasse de l'humidité et des précipitations.

Et je ne peux comparer cela aux microbes de WOW car dans le film de Spielberg les ET sont venus plusieurs siècles voir + installer leurs engins de morts, or à cette époque la faune microbienne de la terre n'avait rien à voir avec celle du monde moderne. Certains ont disparu, d'autres ont évolués/mutés ou sont apparus.

Ethan
19/01/2023 à 09:36

Un bon film certes mais il manque un petit quelque chose

warriors
18/01/2023 à 17:39

J'adore Shyamlan , Signes est un grand film

Geoffrey Crété - Rédaction
18/01/2023 à 15:53

@Keyser

Shyamalan répond avec véhémence en disant que ce n'est pas le propos, et qu'il considère ces aliens comme des sortes de démons, qui apparaissent donc hors d'une logique de "un vaisseau d'aliens choisit une planète avec de l'eau".

On pourrait aussi plus simplement se demander si les aliens savaient qu'ils craignaient l'eau avant d'arriver, un peu comme les aliens de La Guerre des mondes, tués par des microbes. D'ailleurs à la fin du films, ils s'en vont, peut-être parce qu'ils ont compris que c'était un réel danger pour eux. On peut aussi se dire qu'ils avaient simplement envie de conquérir la seule planète habitée du système solaire, malgré ce danger. Donc personnellement, ça ne m'a jamais dérangé, ça fait partie du jeu dans un tel film.

Euh
18/01/2023 à 15:47

Chef d'oeuvre, rien à redire. On n'en fait plus (trop peu) des films de SF/drama émouvants et honnêtes comme ça.

Keyser
18/01/2023 à 15:40

Le (léger) détail qui m'a fait sortir du film :
Des aliens qui sont allergiques à l'eau tentent d'envahir une planète gorgée d'eau !! (c'est pas faute de faire plein de repérages avant, quitte à laisser des signes de leur passage)

Ruidel
10/06/2019 à 13:21

J'ai vu Signes au moins dix fois. La légitimité pour une telle attraction est purement subjective et en aucun cette attraction démultipliée justifie de dire que ce film est un bon film. Pour ma part évidemment il l'est, il l'est même bcp plus que "Sixième sens" qui Impressionne mais ne touche pas fondamentalement.
Signes touche - du moins me touche - car les motifs qu'il développe parle de manière universel : fascination de la TV, solitude face à l'inexplicable, besoin de croire ou ne pas croire, intuition des enfants et imbécilité rationnelle des adultes, remords, etc. La liste n'est pas exhaustive.
Avec cela la caméra de Shyamalan, il filme bien, très bien, et chaque plan suggère une morale doublée d'une émotion.
Bien entendu en sourdine de ce film, Hitchcock et Les Oiseaux mais la comparaison n'est pas défavorable au film de Shyamalan et même la sert : les personnes ont une âme esseulée ce que n'ont pas nécessairement les personnes d'Hitchcock dans son film.

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