L'Étrange Festival 2012 : Jour 1 à Jour 4

Patrick Antona | 10 septembre 2012
Patrick Antona | 10 septembre 2012

Le 6 septembre s'est ouvert le bal de passage à l'âge adulte (dix-huitième opus cette année 2012) de L’étrange Festival, avec pas moins de 80 longs-métrages, se répartissant entre inédits, classiques rares et quelques avant-premières alléchantes. Et avec comme parrain de la fête  et un invité de marque : Kenneth Anger, le pape du cinéma avant-gardiste à la symbolique sexuelle plus qu'explicite. Le cinéaste de 80 ans s'est d'ailleurs fendu de quelques mots pour présenter sa carte blanche et lancer les festivités, et ainsi profiter d'une avant-première de choix avec un polar norvégien des plus surprenants, Headhunters.

 

HEADHUNTERS

Débutant comme un caper movie astucieux, centré sur la performance de Aksel Hennie excellent en chasseur de têtes à la double vie, Headhunters bascule dans le thriller haletant, voire ultra-violent avec une jubilation plus que communicative. Plus enlevé que n'importe lequel des volets de la saga Millenium, ce polar hargneux et méchant mais souvent drôle est un régal de tous les instants, un peu à la manière d'un flick des frères Coen. Malgré quelques ficelles scénaristiques un peu grosses dans son dernier tiers, les aventures douloureuses de Roger Browne arrivent à nous captiver et à nous embobiner avec classe, qui plus est servies par des comédiens excellents (dont Nikolaj Coster-Waldau découvert dans la série Game of Thrones). Vivement une sortie au cinéma en France pour un film d'une telle qualité. et qui nous donne à espérer de découvrir de nouvelles pépites issues du cinéma scandinave si rare sur nos écrans.

 


 

THE THOMPSONS

Se présentant comme une suite six ans après de The Hamiltons des mêmes Butcher Brothers, The Thompsons suit les aventures de cette famille composée de vampires plus proches de ceux de Near Dark que des poseurs  blaffards de Twilight qui cette fois-ci se retrouvent en Angleterre à la recherche de leurs origines. Le choc des cultures entre créatures de l'ombre yankee et anglaises auraient pu sacrément fun mais les deux faux frères (Mitchell Altieri et Phil Flores) se plantent dans les grandes largeurs et nous livrent un produit à peine digne d'un DTV, et plutôt avare en effets gore. Un comble !

 


 

RED INC.

Second raté en cette journée de lancement, ce pseudo-avatar australien de Saw ne nous épargne aucun des effets plus que rebattus du torture-porn de base mais est en plus plombé par une intrigue plus qu'insignifiante. Ceux qui étaient venus pour découvrir les derniers maquillages horrifiques de Tom Savini en seront pour leurs frais, gâchés par une mise en scène approximative, et même la fausse bonne idée de virer vers le slasher à la sauce Carpenter finit d'annihilier toutes les espérances que l'on avait dans cet espoir de renaissance du cinéma d'horreur australien qui nous avait donné tant de réussites par le passé.

 


 

CITADEL

Ce vendredi s'ouvrit sur de meilleurs augures avec une projection du mythique Voyeur de Michael Powell, dans le cadre de la carte blanche accordée à Kenneth Anger et par la présentation du premier vrai choc horrifique de l'édition avec Citadel du cinéaste irlandais Ciaran Foy. Venu présenté son premier film devant une audience plus que réceptive, il expliqua que le film avait été conçu comme une forme de catharsis en réponse à un trauma que lui même avait enduré suite à une agression quelques années plus tôt. En attendant une interview qu'Aude Boutillon a assuré et qui nous donnera plus de détails sur son auteur, Citadel peut être vu comme une réponse en négatif à Attack the Block en ce qui concerne la cohabitation des laissés pour compte des grandes banlieues britanniques et des créatures qui peuvent s'y développer. Conte horrifique étouffant et haletant dont la mise en scène épouse le regard agoraphobique de son caractère principal, Citadel joue habilement avec les codes du genre en évoquant quelques classiques (peut être un peu trop pour être profondément original) et réussit à nous scotcher littéralement dans son dernier quart en prenant un virage vers le survival urbain hardcore. Ce nouveau regard pessismiste sur la violence des jeunes, après Eden Lake et Heartless, est indéniablement à classer dans les réussites du genre et à trouver dans l'Étrange Festival une caisse de raisonnace appropriée.

 

 

MOTORWAY

On attendait beaucoup du dernier film d'action de Soi Cheang, un des rares nouveaux cinéastes hong-kongais à nous exciter encore (Dog bite Dog, Accident) et dont le parrainage de Johnnie To laisserait espérer du mieux. Mais Motorway ne révolutionnera pas le genre du film de poursuite automobile. Même si le résultat final n'est pas indigeste, on a du mal à s'intéresser à l'odyssée nocturne et hargneuse de Shawn Yue obsédé par la traque de truands chinois experts en courses-poursuite. Les seuls moments que l'on retiendra au final sont ceux où apparait l'excellent Anthony Wong dans le rôle du collègue et mentor. Soi Cheang ne nous évite, en revanche, aucun poncif du genre. Soit tout l'inverse de Nicolas Winding Refn qui avait réussi à nous subjuguer avec Drive.

 

 

Le public parisien put découvrir aussi par la même occasion en ce jour Iron Sky, déjà chroniqué en ces pages, pour un avis au final rejoignant l'avis d'Ecran Large, à savoir une grosse déception quant au contenu et une relative satisfaction en ce qui concerne l'emballage. Tout aussi décevant se révèle être le drame d'Alex de la Iglesia, Un Jour de Chance, qui, sur un canevas évoquant le classique de Billy Wilder, Le Gouffre aux Chimères, n'arrive en rien à transcender un sujet que l'on pensait être à la hauteur d'un des meilleurs réalisateurs du cinéma espagnol moderne. A noter que Laurent était plus enthousiaste quand il l'a découvert à Berlin : lire sa chronique.  

 

 

 

 

THE FOURTH DIMENSION

L'Étrange Festival manquerait à sa réputation s'il ne nous offrait pas au gré de ses séances quelque OFNI dont l'anthologie bizarroïde The Fourth Dimension fait indéniablement partie. Censé donner libre cours à la vision que trois réalisateurs (le californien Harmony Korine,le polonais Jan Kwiecinski et le russe Aleksei Fedorchenko) ont de la quatrième dimension, cet artefact plutôt mal ficelé ne réussit guère à convaincre. À part le premier segment de Harmony Korine où un Val Kilmer en complète roue libre (après sa prestation de Twixt) réussit à nous amuser dans un exercice d'improvisation casse-gueule dont il se tire avec aisance, laissant espérer une résurrection professionnelle comme il est possible au cinéma, le reste de  The Fourth Dimension distille un ennui profond du fait des prétentions pseudo-autheurisantes de leurs auteurs. Et que celui qui a trouvé le lien entre ces trois sketchs adresse un mail à Ecran Large pour nous expliquer ce mystère !

 


 

A CHINESE GHOST STORY 2011

Remake friqué du classique de Ching Siu-Tung & Tsui Hark de 1987, A Chinese Ghost Story ne réussit en rien à faire oublier son glorieux modèle ni à l'égaler. On peut trouver quelques motifs de satisfaction dans cette tentative que ce soit dans les affrontements martiaux bien nerveux, le design qui renoue avec le style des wu xia pan fantastiques des années 80 ou dans les interprétations de Louis Koo en moine taoïste guerrier (une variation romantique de celui créé par Wu Ma dans la version 1987) ou celle toute en extravagance de Kara Hui dans le rôle de démon Lau Lau. Mais c'est indéniablement la grâce qui fait le plus défaut au film de Wilson Yip. A l'image de l'interprétation du couple Yu Shaoqun/Liu Yifei qui fait bien pâle figure en comparaison du couple original Leslie Cheung/Joey Wong. Même rengaine avec les effets numériques trop propres qui n'ont pas la patine des effets plus réalistes des années 80. Seule la BO a été préservée, la belle chanson de Leslie Cheung venant illustrer le générique final qui clôt un spectacle qui en laissera plus d'un dubitatif sur l'utilité d'une telle entreprise, hormis l'appât du gain. Toutefois, reconnaissons que le résultat s'avère moins catastrophique que d'autres remakes entrepris récemment à Hong-Kong, comme The Sorcerer and the White Snake de Ching Siu-Tung.

 

 

 

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