Minimoys, maxi pub
Difficile de ne pas être au courant de la sortie ce mercredi d'Arthur et les Minimoys,
le dixième et peut-être-peut-être-pas dernier long-métrage de Luc
Besson. La campagne de communication autour du film bat son plein
depuis plusieurs mois avec une franche accélération ces dernières semaines
, avec un matraquage marketing d'autant plus marquant qu'il associe
stratégies éprouvées et défrichage de partenariats inhabituels.
On peut faire remonter le début de la promotion d'Arthur et les Minimoys
à
2002. C'est en septembre de cette année qu'est sorti en librairie le
premier tome des aventures papier d'Arthur. Trois autres albums ont
suivi, édités en parallèle de la phase d'écriture du scénario et de
pré-production du long-métrage qui a commencé en 2001. Cette série
d'albums, lancée à grands renforts de publicité, constitue une
franchise auto-générée grâce à laquelle Besson évite les deux écueils
que rencontrent habituellement les producteurs de films pour enfants
afin de faire connaître leurs personnages : une lourde campagne
d'affichage présentant individuellement chacun des héros du récit (Souris city et Happy feet, pour citer les deux derniers), ou bien le rachat à prix d'or des droits d'exploitation d'une saga déjà connue (Harry Potter, Le monde de Narnia).
Le
cur de cible étant déjà et gratuitement familiarisé avec l'univers
introduit, priorité peut être donnée à un marketing plus agressif.
Lequel déborde du cadre habituellement réservé au cinéma pour inoculer
l'imagerie du film dans le plus possible de lieux de la vie quotidienne
et de réseaux de communication. Les produits dérivés classiques (jeux
vidéo, livres, figurines
) ne sont pas abandonnés, mais ils servent de
base de lancement à la campagne menée : les illustrations du livre de
photos et de designs visuels Art of Arthur deviennent l'objet
d'une exposition dans le RER et aux Galeries Lafayette ; les
personnages du film ne se trouvent pas seulement à l'intérieur des
catalogues de jouets de Noël mais également en couverture de ceux-ci
(par exemple pour les magasins La Grande Récré), reléguant le Père Noël
au second plan et apportant à sa place le catalogue aux enfants.
Ces deux exemples synthétisent toute la variété de l'immense campagne menée autour d'Arthur et les Minimoys,
qui associe les évènements gigantesques (exposition) et l'intrusion
quasi-subliminale (les personnages présents en bordure de telle
couverture ou telle affiche). Ces deux approches se complètent pour
donner à un simple film des atours de phénomène de société
incontournable, qui interagit avec nous non seulement en tant que
spectateurs mais également en tant que consommateurs et
citoyens. Des
partenariats ont ainsi été montés avec les parfums Koto ou encore la
banque BNP Paribas autour du thème de la nature et de l'écologie, érigé
en tant que « valeur » selon le site Internet de la banque. Si
elles se servent de l'écologie pour se promouvoir, on est sans
nouvelles d'actions par lesquelles ces sociétés serviraient en retour
l'écologie
En échange du fort capital sympathie de l'univers des
Minimoys, la BNP apporte une visibilité massive au film depuis un long
moment : pour Noël 2005, les devantures de plusieurs agences étaient
recouvertes de décors tirés du long-métrage.
Le dernier partenaire du film est l'opérateur Orange. C'est également le plus gros et le plus médiatisé avec, en plus des Minimoys qui fleurissent dans toutes les vitrines, une opération marketing d'une ampleur inédite : l'accès à quarante minutes du film présentées sous la forme de vingt séances de deux minutes disponibles exclusivement sur le portail Orange de vidéo HD par téléphone portable. Ce qui représente donc rien de moins que la moitié du film, téléchargeable légalement et en amont de la sortie en salles. On peut toujours railler sur la différence de qualité sonore et de taille d'écran entre un téléphone portable et une salle de cinéma ; mais le jeune public visé, qui attend depuis quatre ans de voir s'animer Arthur et compagnie, n'a sûrement que faire de ce genre de considérations. Et après avoir mis un pied dans la possession de l'information sportive (avec les interviews exclusives de Zinedine Zidane), Orange poursuit son opération de phagocytage des contenus vidéo avec le cinéma. Le prochain épisode des aventures d'Arthur, dont Besson a conditionné la mise en chantier aux résultats du premier (vus les chiffres de l'avant-première au Grand Rex, il a peu de soucis à se faire), verra-t-il ses droits de diffusion devenir la propriété exclusive d'Orange, qui les exploitera comme bon lui semble ?