The Departed - Preview

Thomas Messias | 28 septembre 2006
Thomas Messias | 28 septembre 2006

C'est sans exagération aucune que l'on peut annoncer The departed de Martin Scorsese comme le long-métrage le plus attendu de cette fin d'année. Les raisons de s'exciter à propos du film sont nombreuses. Passage en revue des éléments qui font de The departed l'évènement de l'automne.

 

 

Pièce à conviction numéro 1 : le sujet. The departed est un remake d'Infernal affairs, brillant polar hongkongais qui voyait s'opposer Andy Lau et Tony Leung dans les rôles respectifs d'un mafieux infiltré chez les flics et d'un flic immergé chez les mafieux. Violence froide, situations tendues et développement machiavélique de l'intrigue, Infernal affairs fait aujourd'hui office de référence dans le genre polar urbain. À tel point que deux suites ont suivi, bien moins brillantes mais pas déshonorantes pour autant. Transférée à Boston, l'intrigue n'a pas subi de changements radicaux, mais quelques modifications substantielles ont néanmoins été apportées. Deux personnages ont été largement développés : celui du chef mafieux, véritable troisième personnage principal, et celui de la psychanalyste qui suit le policier infiltré (et déprimé). Objectif : explorer encore un peu plus la noirceur et l'aspect tragique du scénario. Mais la véritable inconnue, celle qui suscite l'intérêt de tous les fans du film d'Andy Lau & Alan Mak, c'est la fin. Celle d'Infernal affairs a marqué tous les esprits, et c'est dans le but de s'en démarquer que celle de The departed sera différente. Autant le dire tout de suite : moins vibrant mais plus crédible, le dénouement du film de Scorsese risque de décevoir ceux qui s'attendent à une photocopie occidentalisée de l'original.

De toute façon, il était hors de question pour le réalisateur des Affranchis de faire dans la simple redite. D'abord parce que ce serait indigne d'un réalisateur de cette stature. Ensuite parce qu'après l'échec des Nerfs à vif, de loin l'un des moins bons films du cinéaste, Scorsese a sans doute perdu à tout jamais l'envie de refaire bêtement les films des autres. Enfin pour une raison des plus logiques : Scorsese a avoué sans honte ne pas avoir vu Infernal affairs, et n'avoir aucune intention de le voir, en tout cas pas avant de tourner son film. Des propos qui en ont choqué plus d'un, évoquant le respect du matériau original et l'intégrité artistique. Absurde : le meilleur moyen de faire un film personnel et pas un remake sans cervelle, c'est bel et bien d'employer la méthode Scorsese. Ne pas regarder le film d'origine, c'est éviter toute tentation (consciente ou inconsciente) de faire dans la recopie.

Poursuivons sur la pièce à conviction numéro 2 : le réalisateur. Martin Scorsese, Marty pour les intimes, fait partie du cercle fermé des metteurs en scène dont chaque film est attendu de pied ferme (qu'il parle de mafiosi, de Jésus Christ ou du dalaï-lama). Sous les sourcils les plus touffus d'Amérique se cachent deux yeux noirs, malicieux et intenses, dans lesquels le génie a bien du mal à se cacher. Scorsese a le pouvoir de s'approprier n'importe quel sujet et de le transcender sans pour autant trahir le matériau de départ. Trois plans lui suffisent pour faire naître des personnages légendaires. De Travis Bickle à Jake LaMotta, de Howard Hughes à Bill le Boucher, ses héros favoris sont des hommes impulsifs et colériques dont le charisme est l'élément moteur, loin devant les bizarreries psychologiques. Idem pour les lieux utilisés : de Bethléem à Little Italy, Scorsese utilise le décor comme un personnage à part entière, capable d'influer sur les agissements de chacun. Cela donne des films sanglants et saignants, où l'épique côtoie l'intime au coin de chaque ruelle sombre. Située à Boston, l'intrigue de The departed devrait lui donner l'occasion d'évoluer une nouvelle fois dans les tréfonds d'une jungle urbaine taillée pour lui. Nul doute qu'il pourra donner libre cours à sa maestria filmique tout en enrichissant l'univers de The departed de son style assez inimitable (mais maintes fois imité).

Les fans de Scorsese ont une raison supplémentaire d'être excités comme des puces par The departed : il constitue pour son réalisateur une sorte de dernière. Non, pas une dernière à la Besson (la retraite de Marty ferait d'ailleurs beaucoup plus de malheureux), mais une fin de cycle. Il y a quelques mois, Scorsese a solennellement déclaré : "The departed sera mon dernier film hollywoodien." Point à la ligne. À ce jour, aucune précision supplémentaire n'a été apportée. Scorsese va-t-il s'envoler définitivement vers d'autres contrées? Ou simplement s'inscrire dans un désir d'indépendance en fermant sa porte aux studios pour le restant de sa carrière? La question demeure pour le moment sans réponse.

Pièce à conviction numéro 3, et pas des moindres : le casting. Ouvrez grands les yeux, ça va faire mal. Ça sent la testostérone : Matt Damon, Leonardo DiCaprio, Jack Nicholson, Alec Baldwin, Mark Wahlberg, Martin Sheen, Ray Winstone... et, tout de même, une recrue féminine nommée Vera Farmiga. Un casting dense et tonitruant qui montre bien l'ampleur du projet. Pour sa troisième collaboration consécutive avec Scorsese, DiCaprio s'est emparé du rôle du "gentil", interprété dans Infernal affairs par Tony Leung. L'occasion de confirmer qu'il est désormais crédible dans la peau d'un homme viril, mature et responsable (malgré des prestations convaincantes, l'étiquette "minet pour lectrices de OK Podium" n'a toujours pas fini de lui coller à la peau). Face à lui, l'attraction du film : Matt Damon en méchant. Reprenant le rôle d'Andy Lau, Damon devrait montrer à ceux qui l'ignorent encore qu'il est un acteur solide et passionnant capable de tout jouer, à mille lieues de son pote Ben Affleck. Il a beaucoup été reproché à Scorsese d'avoir choisi deux types un peu trop fluets et pâlichons pour incarner des vrais durs à qui on ne la fait pas. Au vu des premières images (un trailer un peu trop démonstratif mais qui fait franchement saliver), il semblerait que le film et ses deux acteurs principaux suffisent à répondre à ces attaques. The departed sent le soufre et la sueur, pas l'eau de toilette bon marché. Le trailer met également en évidence l'importance du personnage de Jack Nicholson, très détendu dans la peau du chef mafieux rigolard et cynique. Un rôle prévu à la base pour Robert De Niro, dont on va finir par penser qu'il est fâché avec son pygmalion Scorsese : voilà déjà dix ans (et une demi-douzaine de longs-métrages) que le duo magique ne s'est pas retrouvé sur grand écran.

Autant d'ingrédients si alléchants dans le même projet : The departed a vraiment tout pour être un excellent film. Mais peut-être pas le grand film attendu : selon les premiers spectateurs du film, celui-ci serait un peu trop long (sur des scénarios voisins, Infernal affairs dure 1h35, tandis que celui-ci frôle les 2h15) et clairsemé de pointes d'humour pas vraiment bienvenues. Mais rien ni personne ne peut entamer l'envie dévorante qu'on a de voir le nouveau Scorsese. Encore un peu de patience, c'est pour le 29 novembre 2006.

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