Clovis Cornillac - Le bon, la brute et le truand

Audrey Zeppegno | 12 avril 2006
Audrey Zeppegno | 12 avril 2006

Récemment, une drôle de tornade a bouleversé le paysage cinématographique français. La stature d'un colosse franc du collier et le regard pur qui laisse affleurer quelques grammes de tendresse sous la carapace de la brute épaisse. Clovis Cornillac s'est évadé de son antre intimiste pour inonder les écrans de son charisme de bon bougre à qui il ne vaut mieux pas chercher des noises. Devenu l'élément incontournable de tous les projets ambitieux qui se montent au sein de la production hexagonale, ce digne héritier de Gabin enchaîne les tournages avec cette boulimie de workaholic qui le caractérise depuis qu'il s'est ingénié à marcher dans les traces de papa (le metteur en scène Roger Cornillac) et maman (l'actrice Myriam Boyer). Enfant de la balle nourri aux plans galères de la carrière claudiquante de ses parents, Clovis n'a pas éprouvé cette vocation précoce qui pousse des générations et des générations de passionnés à entretenir l'amour congénital de leur art, quitte à rester sur le carreau, faute de boulot. L'instinct suicidaire, très peu pour lui ! Il en avait trop vu des intermittents du spectacle ronger leur freins, en attendant qu'on veuille bien leur donner leur chance !

Qui s'y frotte, s'y pique !
Du coup, le virus de la comédie lui est venu un peu plus tard, comme une réaction épidermique à l'échec de la carrière de boxeur dont il rêvait étant gosse. Trop léger pour cogner sur le ring, et irrémédiablement attiré par tout ce qui relève de l'interprétation, Clovis a bien envisagé de se reconvertir dans le droit (rapport à la dimension ludique des plaidoiries) mais il a préféré se frotter aux jeux de rôles qu'il connaissait mieux pour y avoir baigné depuis l‘âge tendre. Ses premiers pas sur les planches n'ont pas tardé à donner raison à ce juste retour aux sources. D'autant que, lorsqu'à tout juste quinze ans, il tente l'aventure, le baroudeur fait ses gammes sous l'égide de Peter Brook et d‘Alain Françon. Un tandem de mécènes épanouissant qui lui permettent de prendre de la bouteille en se mesurant à un vaste répertoire, et d'attendre en toute sérénité que le cinoche cesse de le reléguer au matricule de la petite frappe qui s'ébaudit en campant la racaille de service….

La gueule de l'emploi…
Se renouveler à chaque fois, en défrichant des terres virginales, voilà ce qui motive encore et toujours Clovis Cornillac. Pourquoi se destiner à la vie bohème d'un caméléon, si la routine doit toujours l'emporter sur la métamorphose ? Frondeur, l'acteur se refuse à se glisser dans un moule à rééditer jusqu'à l'écoeurement. Or, longtemps après que l'œil du tigre de Dominique Besnehard ait décelé chez lui ce petit supplément d'âme qui fait l‘étoffe des héros, les réalisateurs ont eu tendance à le séquestrer dans un prototype plombant qui se résumait à calquer les signes distinctifs du lascar qu‘il campait dans Hors la loi. Ce baptême du feu filmique, signé Robin Davis, a éveillé l'intérêt d'une myriade de directeurs de casting en quête du parfait délinquant, malgré tout, ces débuts prometteurs se sont rapidement révélés à double tranchant ! Voilà ce que c'est que d'avoir la gueule de l'emploi, ce cachet indémodable qui vous cantonne dans le clan des anti-métro sexuels bougons et orageux (cf : Les Années sandwiches, Il y a maldonne, À la petite semaine). Ça vous colle à la peau, et pour peu que votre esprit soit d'un tempérament volage, ça vous phagocyte toutes vos ambitions d'horizons nouveaux !

...et l'ardeur qui va avec
Têtu, Clovis ne s'en laisse pourtant pas compter. Ce qu'il veut lui, c'est du désir, du désordre et du danger : du polar gonflé, du film populaire qui ne vire pas dans l'humour scato, de la boutade ambitieuse… Alors, en attendant que son heure de gloire sonne le glas de ce monolithisme indéfectible, notre dur à cuire au coeur vaillant roule sa bosse dans des séries télé (Navarro, Les Cordiers juge et flic…), tout en s'engageant à intervalles réguliers sur des chemins de traverse hasardeux, qui lui rapportent quelques beaux succès d'estime, à l‘instar du transsexuel qu'il incarne dans Maléfique ou du mari jaloux, étourdi par l'ambiance survoltée qui régnait dans Karnaval. Ces incursions dans des univers plus matures, moins inconscients, ne le propulsent pas fissa au rang des acteurs bankable, mais Clovis s'accommode assez bien de cet anonymat relatif. Tant qu'il gagne sa croûte et qu'il épanche cette bougeotte frénétique qui lui fait poursuivre son petit bonhomme de chemin, ces longues années de régalade, passées à alterner pièces et longs métrages à budgets serrés, suffisent à le combler.

A star is born
Le grand public lui, attendra que Malabar Princess casse la baraque, en le confrontant au monstre de tendresse Jacques Villeret. Leur alchimie, plaquée sur fond d'une légende née d'un crash aérien, fait tilt. Plus d'un million de nostalgiques, accros à la poésie vivifiante des films qui embaument les bons sentiments d'antan, versent une larme sur cette histoire d'enfant en perdition, et mettent un nom sur le visage familier de son père courage en voie de rémission. D'autant qu'à ces fontaines lacrymales succédèrent les fous rires déclenchés par le grand débarquement dans les salles obscures du kakou Brice de Nice. Car le compagnon baltringue de ce surfeur de pacotille peroxydé, qui passe son temps à cramer ses mèches sous les sunlights des tropiques niçoises, c'est lui : l'ostrogoth Marius Lacaille. Et, si l'on s'était bien moqué aux dépens du footballeur à l'âme de poète qu'il singeait dans Mensonges, trahisons et plus si affinités, ce n'est qu'une fois que « la déferlante des cassé !!! » s'abattît sur le box-office, que s'est amorcé le véritable raz-de-marée Cornillac. À croire qu'il lui fallait s'approprier les complexes d'un escogriffe affublé de panards de la taille d'une péninsule, pour qu'on en vienne enfin à détecter l'intarissable potentiel tragi-comique qui se terrait sous sa cuirasse tenace ! Toujours est-il que, sous l'impulsion de ce grand dadais de Braïce, Clovis s'est vu proposer une flopée de premiers rôles plus diversifiés que jamais. Tantôt branque (Au suivant !), tantôt caustique (Le Cactus), le briscard tient la dragée haute à tout ce que le cinéma français dénombre de caractères tranchés. Fort de ces sollicitations qui fusent de toute part, son appétence redouble de plus belle, et comme dorénavant, il a l'embarras du choix, Clovis trie ses futurs projets sur le volet, avec une seule idée en tête : la diversité ! Aussi, après s'être brûlé les ailes au contact des pétards mouillés des Chevaliers du ciel, le voici qui s'apprête à jouer des coudées franches, en briguant le statut enviable du Commissaire Valentin des fameuses Brigades du tigre. De quoi renouer avec ces beaux personnages en demi-teinte qu'il traque dans la pile de scénar qu'on lui adresse, avant de reprendre la main de Christian Clavier au cours du troisième volet des aventures d'Astérix et Obélix, et de réaliser un de ses rêves d'ado avortés en campant un boxeur en repentir dans Le Scorpion. La boucle est bouclé. Comme quoi, l'acharnement finit toujours par payer !


 

Lire notre interview datant d'août 2004

 

 

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