Clovis Cornillac - Le bon, la brute et le truand
Récemment,
une drôle de tornade a bouleversé le paysage cinématographique
français. La stature d'un colosse franc du collier et le regard pur qui
laisse affleurer quelques grammes de tendresse sous la carapace de la
brute épaisse. Clovis Cornillac
s'est évadé de son antre intimiste pour inonder les écrans de son
charisme de bon bougre à qui il ne vaut mieux pas chercher des noises.
Devenu l'élément incontournable de tous les projets ambitieux qui se
montent au sein de la production hexagonale, ce digne héritier de Gabin
enchaîne les tournages avec cette boulimie de workaholic qui le
caractérise depuis qu'il s'est ingénié à marcher dans les traces de
papa (le metteur en scène Roger Cornillac) et maman (l'actrice Myriam
Boyer). Enfant de la balle nourri aux plans galères de la carrière
claudiquante de ses parents, Clovis n'a pas éprouvé cette vocation
précoce qui pousse des générations et des générations de passionnés à
entretenir l'amour congénital de leur art, quitte à rester sur le
carreau, faute de boulot. L'instinct suicidaire, très peu pour lui ! Il
en avait trop vu des intermittents du spectacle ronger leur freins, en
attendant qu'on veuille bien leur donner leur chance !
Qui s'y frotte, s'y pique !
Du coup, le virus de la
comédie lui est venu un peu plus tard, comme une réaction épidermique à
l'échec de la carrière de boxeur dont il rêvait étant gosse. Trop léger
pour cogner sur le ring, et irrémédiablement attiré par tout ce qui
relève de l'interprétation, Clovis a bien envisagé de se reconvertir
dans le droit (rapport à la dimension ludique des plaidoiries) mais il
a préféré se frotter aux jeux de rôles qu'il connaissait mieux pour y
avoir baigné depuis lâge tendre. Ses premiers pas sur les planches
n'ont pas tardé à donner raison à ce juste retour aux sources. D'autant
que, lorsqu'à tout juste quinze ans, il tente l'aventure, le baroudeur
fait ses gammes sous l'égide de Peter Brook et dAlain Françon. Un
tandem de mécènes épanouissant qui lui permettent de prendre de la
bouteille en se mesurant à un vaste répertoire, et d'attendre en toute
sérénité que le cinoche cesse de le reléguer au matricule de la petite
frappe qui s'ébaudit en campant la racaille de service
.
La gueule de l'emploi
Se
renouveler à chaque fois, en défrichant des terres virginales, voilà ce
qui motive encore et toujours Clovis Cornillac. Pourquoi se destiner à
la vie bohème d'un caméléon, si la routine doit toujours l'emporter sur
la métamorphose ? Frondeur, l'acteur se refuse à se glisser dans un
moule à rééditer jusqu'à l'écoeurement. Or, longtemps après que l'il
du tigre de Dominique Besnehard ait décelé chez lui ce petit supplément
d'âme qui fait létoffe des héros, les réalisateurs ont eu tendance à
le séquestrer dans un prototype plombant qui se résumait à calquer les
signes distinctifs du lascar quil campait dans Hors la loi.
Ce baptême du feu filmique, signé Robin Davis, a éveillé l'intérêt
d'une myriade de directeurs de casting en quête du parfait délinquant,
malgré tout, ces débuts prometteurs se sont rapidement révélés à double
tranchant ! Voilà ce que c'est que d'avoir la gueule de l'emploi, ce
cachet indémodable qui vous cantonne dans le clan des anti-métro
sexuels bougons et orageux (cf : Les Années sandwiches, Il y a maldonne, À la petite semaine).
Ça vous colle à la peau, et pour peu que votre esprit soit d'un
tempérament volage, ça vous phagocyte toutes vos ambitions d'horizons
nouveaux !
...et l'ardeur qui va avec
Têtu,
Clovis ne s'en laisse pourtant pas compter. Ce qu'il veut lui, c'est du
désir, du désordre et du danger : du polar gonflé, du film populaire
qui ne vire pas dans l'humour scato, de la boutade ambitieuse
Alors,
en attendant que son heure de gloire sonne le glas de ce monolithisme
indéfectible, notre dur à cuire au coeur vaillant roule sa bosse dans
des séries télé (Navarro, Les Cordiers juge et flic
),
tout en s'engageant à intervalles réguliers sur des chemins de traverse
hasardeux, qui lui rapportent quelques beaux succès d'estime, à
linstar du transsexuel qu'il incarne dans Maléfique ou du mari jaloux, étourdi par l'ambiance survoltée qui régnait dans Karnaval.
Ces incursions dans des univers plus matures, moins inconscients, ne le
propulsent pas fissa au rang des acteurs bankable, mais Clovis
s'accommode assez bien de cet anonymat relatif. Tant qu'il gagne sa
croûte et qu'il épanche cette bougeotte frénétique qui lui fait
poursuivre son petit bonhomme de chemin, ces longues années de
régalade, passées à alterner pièces et longs métrages à budgets serrés,
suffisent à le combler.
A star is born
Le grand public lui, attendra que Malabar Princess
casse la baraque, en le confrontant au monstre de tendresse Jacques
Villeret. Leur alchimie, plaquée sur fond d'une légende née d'un crash
aérien, fait tilt. Plus d'un million de nostalgiques, accros à la
poésie vivifiante des films qui embaument les bons sentiments d'antan,
versent une larme sur cette histoire d'enfant en perdition, et mettent
un nom sur le visage familier de son père courage en voie de rémission.
D'autant qu'à ces fontaines lacrymales succédèrent les fous rires
déclenchés par le grand débarquement dans les salles obscures du kakou Brice de Nice.
Car le compagnon baltringue de ce surfeur de pacotille peroxydé, qui
passe son temps à cramer ses mèches sous les sunlights des tropiques
niçoises, c'est lui : l'ostrogoth Marius Lacaille. Et, si l'on s'était
bien moqué aux dépens du footballeur à l'âme de poète qu'il singeait
dans Mensonges, trahisons et plus si affinités,
ce n'est qu'une fois que « la déferlante des cassé !!! » s'abattît sur
le box-office, que s'est amorcé le véritable raz-de-marée Cornillac. À
croire qu'il lui fallait s'approprier les complexes d'un escogriffe
affublé de panards de la taille d'une péninsule, pour qu'on en vienne
enfin à détecter l'intarissable potentiel tragi-comique qui se terrait
sous sa cuirasse tenace ! Toujours est-il que, sous l'impulsion de ce
grand dadais de Braïce, Clovis s'est vu proposer une flopée de premiers
rôles plus diversifiés que jamais. Tantôt branque (Au suivant !), tantôt caustique (Le Cactus),
le briscard tient la dragée haute à tout ce que le cinéma français
dénombre de caractères tranchés. Fort de ces sollicitations qui fusent
de toute part, son appétence redouble de plus belle, et comme
dorénavant, il a l'embarras du choix, Clovis trie ses futurs projets
sur le volet, avec une seule idée en tête : la diversité ! Aussi, après
s'être brûlé les ailes au contact des pétards mouillés des Chevaliers du ciel, le voici qui s'apprête à jouer des coudées franches, en briguant le statut enviable du Commissaire Valentin des fameuses Brigades du tigre.
De quoi renouer avec ces beaux personnages en demi-teinte qu'il traque
dans la pile de scénar qu'on lui adresse, avant de reprendre la main de
Christian Clavier au cours du troisième volet des aventures d'Astérix et Obélix, et de réaliser un de ses rêves d'ado avortés en campant un boxeur en repentir dans Le Scorpion. La boucle est bouclé. Comme quoi, l'acharnement finit toujours par payer !
Lire notre interview datant d'août 2004
Lire la critique des Brigades du tigre
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