Diane Kruger

Sylvie Rama | 15 avril 2007
Sylvie Rama | 15 avril 2007

On a, en la découvrant, cette impression de l'avoir déjà vue avant, quelque part. Avant qu'elle n'affiche son candide minois devant les caméras, Diane Kruger baladait sa beauté diaphane sur les podiums, au fil des pages des magazines, au gré des contrats des grandes marques du luxe.


Fin des années 90, période qui immortalise la chute des top models, le visage frais encore adolescent du mannequin allemand apparaît et se révèle parmi les nouvelles têtes de la mode. Début des années 2000, époque des superstars du ciné, l'actrice impose sa beauté fragile et se met doucement à la page des talents de demain. Il lui aura fallu verve, intelligence et dépassement de soi pour parvenir à la redoutable et périlleuse reconversion post mannequinat.

Passionnée de danse depuis son enfance, Diane Heidkrueger quitte sa famille et son village natal d'Algermissen à 13 ans, en 1989, pour entrer au Royal Ballet de Londres. La tête dans les étoiles et les pointes sur scène, la danseuse travaille d'arrache-pied pour espérer un jour illuminer les Opéras et briller dans les ballets. Une blessure anéantit ses rêves et fracture son avenir. Dévastée par un houleux sentiment de désespoir, rapatriée en Allemagne, la demoiselle est mise en demeure de reprendre une scolarité classique. Pas longtemps, à sa grande surprise.



Entraînée par une amie au concours annuel d'une célèbre agence de mannequins, la miss remporte la mise et démarre à 15 ans une carrière européenne de modèle. Elle débarque à Paris où elle fait la connaissance de Fabienne Berthaud. La romancière a déjà en tête le projet de Frankie, mais les difficultés liées au financement et à la production du film l'obligent à le ranger dans un tiroir. De son côté, la jeune femme poursuit son petit bonhomme de chemin au fil du temps et s'approprie une renommée internationale. Tandis que l'ère des Cindy, Naomi, Christie et compagnie est accomplie, Diane escalade consciencieusement les marches d'une renommée internationale comme d'autres gravissent les échelons.

Prévoyante, la tête sur les épaules et les pieds sur terre, Diane anticipe déjà sur sa retraite de mannequin et nourrit secrètement des ambitions cinématographiques. Elle se dit qu'après avoir passé une partie de son enfance à admirer Romy Schneider, puis Farrah Fawcett et ses amies Drôles de Dames, rire devant les facéties de Pierre Richard, envier Sophie Marceau dans La Boum et fantasmer devant Dirty dancing, elle aussi a sa chance si elle s'en donne les moyens.


Encouragée par Luc Besson, la fourmi allemande investit alors ses précieuses économies dans des cours d'art dramatique pendant que ses copines mannequins claquent les leurs dans les soirées branchées. En 1996, elle avait auditionné pour le rôle de Leloo, raflé par une ex-collègue, Milla Jovovich. Touché par sa grâce et ses capacités encore frêles mais débordantes de volonté, le réalisateur du Cinquième élément lui conseille de persévérer. Elle s'accroche en cours, bosse assidûment sa dramaturgie et répète sans cesse jusqu'à décrocher le Prix Classe Libre de la meilleure comédienne avec félicitations du jury.

En 2000, Diane Heidkrueger rencontre son futur ex-mari Guillaume Canet. qui écrit pour elle le rôle de Clara, l'une des figures de son futur premier long-métrage. Diane débute toutefois son expérience de comédienne dans le téléfilm Duelles. Elle côtoie ensuite Christophe Lambert et Dennis Hopper, dont elle joue la fille, dans The Piano player, drame indépendant qui ne sera jamais distribué en salles (sorti en vidéo et DVD discrètement il y a quelques mois). Tel un père, Dennis Hopper, à qui elle se confie, lui dira « Ne regarde pas et surtout n'écoute pas toujours ce que te disent les autres, suis ton instinct ! » Comme pour marquer une nette coupure avec son passé et consacrer ses nouvelles aspirations professionnelles, Diane modifie son patronyme. Pour le 7è Art, elle est désormais Diane Kruger.

 

 

Son mari, qui vient d'achever l'écriture de son premier film, entame enfin la phase de la réalisation et lui permet de donner vie au personnage de Clara. Elle campe la blonde froide et sèche épouse de François Berléand dans Mon Idole, sorti en 2002. En plus d'en être le scénariste et le réalisateur, Guillaume Canet y tient le rôle principal (artistiquement soufflé par Berléand) et donne à sa femme quelques répliques ainsi qu'un mémorable coup de pelle (on parle d'un outil) lors d'une séquence saugrenue qui dégénère en tragédie.

 

 

Diane Kruger aimerait jouer les femmes fortes, à l'image de Cate Blanchett dans Elizabeth ou d'Emma Thompson dans Love actually. Ou encore incarner une danseuse en souvenir des doux rêves qu'elle entretenait à l'âge tendre. Mais pour l'instant, elle incarne une call-girl sous la direction de Cédric Klapisch dans Ni pour ni contre, bien au contraire. Après les courbettes et les bas, elle fonce tête baissée en combinaison de pilote automobile dans Michel Vaillant, produit par une vieille connaissance d'EuropaCorp. Le film est un peu tarte, mais pas poire, Diane séduit Wolfgang Petersen qui en fait la belle Hélène. À l'affiche du décevant Troie en 2003, Diane Kruger montre son allure altière parmi les gros calibres d'une distribution impressionnante.

 

 

À l'aise et plébiscitée de l'autre côté de l'Atlantique, l'actrice se voit bien percer à Hollywood qui l'abreuve d'offres en tous genres : propositions indécentes, intéressantes ou intrigantes. Le choix est difficile, mais ne tourne pas la tête de la belle pleine d'esprit. Fidèle à ses engagements, elle retrouve son amie Fabienne Berthaud qui vient de se séparer des méchants producteurs allergiques à Diane Kruger. Pour les deux femmes, l'aventure continue... Accueillies à la clinique psychiatrique de la Chesnaie, elles y font un court séjour afin de s'imprégner de cet univers difficile et se faire accepter par les patients. Fabienne Berthaud s'achète une caméra DV et filme Diane Kruger. Au bout d'une semaine à peine, le tournage est interrompu non seulement faute de moyens mais aussi par le départ de son héroïne, promptement appelée à Montréal - pistonnée par Besson - pour Rencontre à Wicker Park, dans lequel elle obsède Josh Hartnett. Fabienne suit Diane au Canada où elle tournent quelques scènes en fin de journée avant une pause forcée, à court d'argent.

 

 

Après avoir fait une apparition amicale dans Narco et remporté le Trophée Chopard de la révélation féminine de l'année au Festival de Cannes 2004, Diane vole au secours de Nicolas Cage dans le bon enfant mais mal fichu Benjamin Gates et le trésor des Templiers. Pas franchement convaincue (convaincante) dans son rôle de gentille et jolie copine du héros, elle profite tout de même des retombées de l'aventure. Aux USA, le film est un succès, et au grand dam des producteurs ricains qui la sollicitent, elle décide de faire chanter son charme germanique dans Joyeux Noël de Christian Carion. Sa partition bien jouée semble encore cependant légèrement inconsistante, pas encore dans les cordes des rôles qu'elle convoite. Lucide, elle déclare humblement : « les rôles que j'ai envie de jouer ne sont pas tous encore à ma portée. »

 

 

Ni la superbe toge d'Hélène ni les scintillants atours d'Anna Sörensen ne l'ont drapée d'une reconnaissance artistique probante. Peut-être ce patchwork qu'elle confectionne si chèrement avec Fabienne Berthaud l'enveloppera-t-elle de l'aura propre aux vrais acteurs ? Diane comprend enfin que pour transcender son emploi, le défi n'est pas de couvrir simplement un rôle mais d'ouvrir complètement son âme. Achevé enfin avec peine, coeur et opiniâtreté, Frankie offre à Diane Kruger le rôle plus épais et complexe d'un drame déchirant. Portant tout le récit sur ses délicates épaules, elle incarne un mannequin hospitalisé en psychiatrie, fleur flétrie par les cruelles réalités du métier. Émouvant dans l'épreuve douloureuse qui le torture, ce personnage ravagé réapprend peu à peu à vivre et à se reconstruire. Au-delà d'une interprétation assez libre de l'actrice qui jette dedans, on le sent, tout son vécu, sa prestation est dignement saluée et le film distingué, malgré une distribution en salles très menue.

 

 

Fabienne Berthaud travaille sur de nouveaux projets dont, apparemment, fera partie sa protégée. Cette dernière est actuellement l'une des têtes d'affiche de l'adaptation de la célèbre série seventies, Les Brigades du Tigre, pour lequel elle assure l'équilibre féminin-sentimental. On la verra ensuite donner la réplique à Joseph Fiennes et Dennis Haysbert dans Goodbye Bafana, réalisé par le danois Bille August.

L'ange blond rejoindra ensuite Ed Harris pour Copying Beethoven, oeuvre narrant l'obsession du génial Ludwig envers son assistante alors qu'il compose la Neuvième Symphonie. Elle sera, bien entendu, l'assistante. Si ce genre de rôles lui sied à merveille (femme dont s'amourachent les hommes), espérons que la divine actrice finisse par chasser les rôles de faire-valoir, et capturer enfin, ce personnage de femme forte dont rêve tant la Déesse Diane. C'est le meilleur qu'on lui souhaite : au revoir les rôles de belles, bonjour les beaux rôles…

 

Tout savoir sur Les Brigades du Tigre

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