Barton Fink : quand l'ego des frères Coen rencontre l'enfer d'Hollywood

Lucas Jacqui | 15 décembre 2022 - MAJ : 15/12/2022 15:41
Lucas Jacqui | 15 décembre 2022 - MAJ : 15/12/2022 15:41

Barton Fink des frères Joel et Ethan Coen, c'est l'histoire d'un scénariste en perte d'inspiration dans un thriller psychologique où réalité et fiction se confondent.

En 1991, les frères Coen sortent leur quatrième film, Barton Fink, un conte de cinéma sur le cinéma au succès critique indiscutable. Pour preuve, au Festival de Cannes de 1991, il remporte la Palme d'or, le prix de la mise en scène et celui de l'interprétation masculine pour John Turturro. Cet exploit sera le seul de l'histoire du Festival. Après ça, l'organisation interdira la cumulation de plus de deux récompenses pour un film afin de ne pas défavoriser d'autres longs-métrages.

Le scénario de Barton Fink naît alors que les frères sont bloqués dans l’écriture de leur troisième long-métrage Miller's Crossing. Pour se défouler, ils vont donc développer une intrigue labyrinthique sur l’esprit d’un scénariste en plein syndrome de la page blanche. Partant de ce postulat, les Coen vont s'amuser à nous perdre dans un récit où les frontières entre les réalités disparaissent pour offrir un discours sur le principe même du cinéma.

 

Barton Fink : photo, John Turturro, Jon PolitoOn passe en mood frères Coen

 

dans la matrice

Ce qui ressort de la filmographie des frères Coen est leur volonté de s'essayer à des genres très différents, jusqu'à les confondre. Tels des chimistes de la pellicule, ils vont tordre les ambiances de leurs films en variant les tons et les registres. True Grit se la joue western agrémenté de dialogues décalés typiques des deux cinéastes, tandis que The Big Lebowski se veut une parodie des films noirs. Avec Barton Fink, cette confusion entre les genres atteint un niveau rarement égalé par les Coen. Le métrage combine film noir des années 40, comédie satirique grinçante, thriller psychologique et horreur.

Ces changements de registre s'incarnent dans la mise en scène méticuleuse des frères. Dès l’entrée dans l’hôtel, ses teintes jaunâtres et son ambiance poisseuse créent une atmosphère d'étrangeté grâce à la photo de Roger Deakins (sa première collaboration sur douze films avec les Coen), qui ne nous lâchera plus de l'histoire. Le traveling avant sur la page blanche de Fink figure la plongée dans le processus créatif à l’arrêt de l'auteur que va nous faire vivre le film. Cet effet de caméra est également opéré lorsque Fink contemple le plafond de sa chambre, blanc lui aussi, alors que le brouhaha à l’étage pourrait tout à fait sortir de son crâne torturé.

 

Barton Fink : photo, John TurturroUn scénariste sain d'esprit

 

C'est lors de la découverte sanglante du cadavre d’Audrey Taylor que les genres se mêlent le plus. Le rêve hollywoodien vire soudainement au cauchemar, au point où le héros, comme le spectateur, ne peut croire que ce crime inexpliqué est vraiment arrivé. Cette violence arrive si soudainement qu'elle s'apparente plus à un mauvais songe qu'à une réalité trop terrifiante à accepter. Malgré l'horreur de la scène, le crâne de la défunte Audrey heurte un meuble lorsque Charlie (le toujours excellent John Goodman) la porte dans un bref gag typique des deux réalisateurs. Face à cela, le jeune scénariste garde toujours en tête de remplir son contrat auprès du studio qui l'a engagé.

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commentaires
Fan2
16/12/2022 à 11:35

@ Faurefrc

Miller's Crossing, film "mineur"... Putain ! Qu'est-ce qu'il faut pas lire de bon matin :-p
C'est la meilleure adaptation (déguisée) cinématographique de Dashiell Hammett depuis les années 40 (et c'est la meilleure performance de Gabriel Byrne dans toute sa carrière).

Quant à Barton Fink, en ce qui me concerne, c'est leur plus beau film (pas forcément le plus abouti qui demeure No Country for Old Men). Pour un budget indé' de l'époque, la direction artistique est démentielle - de la photo aux décors et costumes - tout le casting est nickel et le scénario concocté aux petits oignons (cette fin ! elle est géniale)...

The Poulpix
15/12/2022 à 19:49

@Faurefrec Franchement je ne qualifierai pas Miller's Crossing de film mineur!

Faurefrc
15/12/2022 à 18:19

Je ne savais qu’un de leur film mineur (miller’s crossing) avait servi de terreau à l’un de leur plus beau joyau.
Un des meilleurs Coen à ranger à côté de Big Lebowski et No Country for Okd Men