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Le Royaume de Ga’Hoole : Le Seigneur des anneaux pour enfants de Zack Snyder

Par Déborah Lechner
11 septembre 2022
MAJ : 21 mai 2024
Le Royaume de Ga'Hoole : La Légende des gardiens : Affiche officielle

Retour sur Le Royaume de Ga'Hoole - la légende des gardiens, le film d'animation injustement oublié de Zack Snyder, qui lorgne vers Le Seigneur des anneaux.

Même si son nom est devenu incontournable chez les cinéphiles, le cinéma de Zack Snyder a toujours divisé. Certains lui reprochent son style grandiloquent et son goût très prononcé pour les effets numériques, alors que d'autres l'ont adoubé pour ces mêmes raisons. Mais qu'on les apprécie ou pas, ses films font plus ou moins partie de la culture populaire, de son remake de Zombie au tristement célèbre Justice League, dont il a été dépossédé et dont on découvrira bientôt la version "originale" sur HBO Max.

Il existe pourtant un long-métrage du réalisateur qu'on cite très (trop) rarement, Le Royaume de Ga'Hoole - la légende des gardiensun film d'animation sorti en 2010 qui, contrairement aux autres, n'a pas tellement marqué les esprits, en dépit de ses visuels somptueux et de la patte reconnaissable entre mille de la coqueluche de Warner Bros. Il est donc temps de laisser de côté les adaptations de DC comics dont il est passé maître et dont on a déjà beaucoup parlé, pour s'intéresser à cette tentative foirée de séduire un public plus jeune avec une bonne dose d'heroic fantasy, de chouettes et de hiboux en images de synthèse.

 

photoCoucou Hibou

 

UN SNYDER TOMBÉ DU NID

Après s'être rapidement fait un nom avec les zombies de L'Armée des morts, les redoutables Spartiates de 300 et les super-héros sombres et violents de Watchmen, il était difficile de croire que Zack Snyder, fidèle partisan du Rated R, s'essaierait un jour à l'animation pour enfants. Sorti seulement un an après sa géniale adaptation du comics culte d'Alan Moore, Le Royaume de Ga'Hoole est donc souvent considéré comme un véritable ovni dans la filmographie du cinéaste, du moins pour ceux qui se rappellent de son existence. 

À ce jour, il est toujours l'unique film d'animation du réalisateur et la seule production PG à son actif - Sucker Punch et les blockbusters du DCEU, étant tous classés PG-13. Ce choix de carrière paraît donc aussi saugrenu que les explications de Snyder, qui a principalement justifié cette entreprise par la volonté de faire plaisir à ses enfants, alors même qu'il n'avait aucune idée de la façon dont se développe un film d'animation. Un baptême du feu pour l'artiste qui, comme à son habitude, n'a pas fait l'unanimité auprès du public et de la critique.

 

photoZack Snyder n'a pas volé dans les plumes de Disney

 

Adapté des romans jeunesse de Kathryn Lasky, le film raconte ainsi le périple de Soren, une jeune chouette optimiste et idéaliste, bercée par les histoires que lui raconte son père sur les légendaires et héroïques Gardiens, au grand dam de son frère Kludd qui n'y a jamais cru.

Tombés du nid alors qu'ils s'exerçaient à voler, les deux frères sont capturés par d'autres rapaces qui se revendiquent "de sang pur" et entendent gouverner sans partage sur ce monde ornithologique en menant une guerre totale dans laquelle les jeunes oiseaux servent d'esclaves et de soldats. Soren, qui parvient à s'échapper en compagnie de sa nouvelle amie Gylfie, part alors à la recherche des Gardiens, uniquement guidé par l'espoir que ces derniers existent bel et bien. 

 

photoEt tout ça sans chanson

 

VOL AU-DESSUS D'UN NID DE HIBOUX

À l'instar de 300, beaucoup ont reproché au récit de John Collee et John Orloff son approche trop manichéenne, avec sans grande originalité, le Bien qui affronte le Mal à travers le parcours initiatique d'un Frodon à plumes (le film a été vendu comme un Seigneur des anneaux pour enfants).

Le royaume de Ga'Hoole n'échappe évidemment pas aux poncifs des productions pour marmots, avec un happy ending d'usage, des méchants tout pas beau, un gentil héros super courageux, ainsi que des side-kick rigolos et inutiles, histoire de ne pas trop ennuyer les jeunes spectateurs dont l'attention est, sans mauvais jeu de mots, très volatile.

 

photoQuand le film essaie de rattraper les mioches

 

Mais demander à Zack Snyder de réaliser une adorable épopée pour enfants aux accents tolkiens serait aussi insensé que de demander à John Carpenter une adaptation de Casper le gentil fantôme pour les tous petits. Même si le réalisateur a calmé son penchant pour l'hémoglobine, il n'est pas vraiment évident de catégoriser Le Royaume de Ga'Hoole comme une production qui parlent aux enfants, tant le résultat s'avère déséquilibré et ne semble pas savoir quel public il cible.

Malgré quelques excès de niaiserie, le film aborde des thèmes étonnamment lourds sans forcément adapter son discours, comme lorsqu'il est question des horreurs de la guerre, qui se retrouve dépossédée de son caractère héroïque et sacré, et lorgne du côté de l'endoctrinement idéologique ou les régimes politiques totalitaires.

 

photoDes oiseaux aux allures d'avions de chasse

 

Dans cette optique, il réveille le IIIe Reich et son dogme eugéniste, en plus de confronter les mythes et chimères à une réalité plus abrupte, sans pour autant creuser suffisamment son propos pour gagner une réelle profondeur dans son sous-texte et enrichir son oeuvre. Une scène en particulier cristallise cet entre-deux chancelant, celle qui prend place au Royaume après que Soren et sa troupe aient trouvé les Gardiens.

Après un cadre relativement sérieux et dramatique, le film bascule l'espace d'une minute ou deux vers une ambiance beaucoup plus légère et enfantine, rythmée par la musique pop d'Owl City, To The Sky (gros niveau d'humour), avant de replonger dans une atmosphère totalement épique sur une bande-son qu'on croirait sortie de Gladiator. Un procédé scénaristique esseulé et conformiste, en particulier dans les films à la Disney, qui n'avait donc pas grand-chose à faire ici et casse totalement le rythme du récit qui, jusqu'ici, était parvenu à capter notre attention. 

 

photoUn peu de duvet dans ce monde de brutes 

 

OWLS OF STEEL

Il est également compliqué de ne pas aborder la violence du film. Si Soren n'a heureusement rien d'un Leonidas butlerien, la générosité en matière de combats n'a rien à envier au péplum, dont on jugerait voir une version plus aseptisée lors de certaines séquences guerrières.

Le spectaculaire du métrage est saisissant, mais peut-être excessif pour des enfants trop impressionnables, bien que Snyder ait habilement troqué ses habituelles effusions de sang contre des effusions de plumes, qui rendent compte tout aussi efficacement de la violence des échauffourées et autres prises de bec.

 

photoÇa va plumer

 

Comme on l'a expliqué dans le dossier juste ici, l'adaptation du comics de Frank Miller a défini le style graphique de Snyder et son modus operandi en matière d'adaptation de romans graphiques. Si Le Royaume de Ga'Hoole n'est pas tiré d'un comics, le réalisateur semble malgré tout avoir utilisé la même méthode, avec un aspect pictural proche de ce que pourraient proposer des cases de comics.

Le cinéaste tient ainsi à figer le temps à grands coups de ralentis dont il a fait sa marque de fabrique, donnant à ses plans des airs de tableaux vivants qui permettent d'apprécier toute la maîtrise de l'animation et tomber dans un genre plus contemplatif.

 

photoArrêt sur image

 

Cette utilisation généralisée du slow-motion chez Snyder a été jugée abusive et pompeuse par beaucoup, mais dans le cas de son film d'animation, permet surtout de rendre l'action beaucoup plus lisible, d'en souligner toute l'intensité et la beauté pour plus d'émerveillement (en particulier cette scène de vol mémorable sous la pluie). Le tout sublimé par le travail d'Animal Logic, qui avait déjà réalisé Happy Feet avec George Miller, lauréat de l'Oscar du meilleur film d'animation en 2007, en plus d'avoir travaillé sur les effets visuels de 300, Harry Potter et la Coupe de feu ou Le Seigneur des anneaux.

Car on a beau parler de chouettes qui causent, font la guerre armées jusqu'aux serres et portent des casques en fonte, c'est bien le réalisme des oiseaux et de la quinzaine d'espèces représentées qui frappe en premier lieu, tant sur leur physicalité que leur comportement. Ce qui n'a pas empêché la production de leur insuffler une expressivité humaine captivante par le biais du regard. L'attention et la précision portées sur les décors plus vrais que nature, les battements d'ailes et les différents types de plumage, notamment durant les scènes de vol, donnent à l'ensemble une maîtrise technique qui même 10 ans plus tard n'a pas pris une seule ride. 

 

photoC'est beau, mais c'est chaud

 

ÉTOUFFÉ PAR L'EFFET DE SERRES 

Malgré une belle prouesse technique et un scénario qui présente quelques fulgurances, le film n'a pas marqué les mémoires et n'a encaissé que 55 millions de dollars hors inflation sur son territoire (pour 80 millions de budget contre 65 pour 300, hors frais marketing), enterrant tout espoir de suite. Les chouettes de la Warner ont été plumées par d'autres films d'animation, dont certains moins ambitieux, mais plus fédérateurs. C'est le cas de Moi, moche et méchant (251 millions au box-office domestique), sorti deux mois plus tard et qui a été le point de départ d'une franchise usante, responsable de l'invasion des horripilants Minions.

 

photoDisney envoie la cavalerie

 

Disney et Pixar ont également sorti l'artillerie lourde avec Toy Story 3 (415 millions de recettes sur le sol nord-américain), en plus du film Raiponce qui a été un carton (200 millions de dollars aux États-Unis) après une décennie de transition pour la maison de Mickey, tandis que Shrek 4, il était une fin (238 millions à domicile) a mis fin à une saga culte, qui s'est poursuivie avec le spin-off sur Le Chat Potté.

Sans oublier le merveilleux Dragons, premier opus d'une trilogie déjà incontournable avec 217 millions récoltés sur le territoire national et une pluie d'éloges de la part de la critique. Même du côté des films japonais, le célèbre Studio Ghibli a signé un autre de ses chefs-d'œuvre avec Arrietty : le petit monde des chapardeurs, devenu un classique de la firme. Autant de gros noms qui ont participé à invisibiliser un film tombé depuis dans l'oubli, qui aujourd'hui interpelle plus par le nom de son réalisateur que par son synopsis. 

Au final, Le Royaume de Ga'Hoole est une oeuvre bancale qui pèche par son scénario trop sombre et mal amené pour les enfants et un peu trop convenu pour les pré-adolescents et adultes qui ont déjà poncé Le Seigneur des anneaux. En revanche, le film est une claque visuelle dont la maîtrise technique est remarquable et impressionne par ses combats violents et stylisés, qui reprennent les fondamentaux du cinéma de Zack Snyder. 

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Prisonnier

Dans la forêt lointaine on entend « argg, flush, paff ».

Ouaip, les chouettes et les hiboux qui se castagnent, c’est vraiment quelque chose. J’adore ce film

Batloutre

Incompréhensible qu’il n y a pas de suite, surement le meilleur film d’animation que j’ai vu.

KyleRiz

@KyleReese
Tu vies en quelle année ? T’as pas l’air d’avoir voyagé dans le temps…

Zedd

Je l’ai vu il y a quelques années; et je l’avais vraiment aimé ! Je l’ai trouvé étonnant, et je ne savais pas du tout que c’était Snyder qui l’avait fait, j’avais zappé l’info. Belle surprise en tout cas !

Kolby

Je ne me rappelais pas vraiment qu’il était le réalisateur et pourtant c’est l’une des animations animalieres qui m’a beaucoup marqué. Le scénario et le décor ? Très réussi… Un très bon film .

Kyle Reese

Film très beau esthétiquement parlant, avec une superbe photo et mise en scène, mais je confirme il est beaucoup trop sombre et violent pour la cible des enfants d’après mon expérience.

Pseudo1

Je plussoie, j’en garde un bon souvenir et pourtant, j’étais déjà adulte en le découvrant. L’histoire est très simpliste, mais l’esthétique de Snyder emporte l’adhésion (et pourtant, c’était pas gagné vu le registre animation enfantine).
Je pense que les gamins qui le découvrent à leur âge s’émerveillent d’autant plus.

reth

Un film d’animation a voir et revoir. Un beau moment de cinéma.