The Social Network, Mad Max : Fury Road, Joker... les meilleurs films de la décennie 2010-2019 pour la rédaction

La Rédaction | 21 novembre 2021 - MAJ : 05/09/2022 12:44
La Rédaction | 21 novembre 2021 - MAJ : 05/09/2022 12:44

Après les tops et flops cinéma de 2019, il est temps pour Ecran Large de faire ses tops de la décennie 2010.

L'industrie du cinéma a terriblement changé entre 2010 et 2019. Après tout, début 2010, les Avengers n'étaient connus que des adeptes de comics alors qu'en 2019 les super-héros Marvel ont désormais pris une place majeure dans le paysage hollywoodien. Au-delà, l'ère des remakes a sonné avec les résurrections des franchises lancées par Star Wars : Le Réveil de la Force, Jurassic World, La Planète des singes : Les Origines ou encore Mad Max : Fury Road.

En dix ans, le cinéma s'est également étendu ailleurs (notamment avec les plateformes de streaming, Netflix en tête) et a permis une variété cinématographique inestimable donnant plus de places aux femmes (même si pas assez), relançant l'horreur... Alors évidemment, beaucoup de films ont marqué les esprits en dix ans et construire un top 100 de la rédaction nous a paru assez restrictif, voire peu représentatif.

Pour fêter la nouvelle décennie cinéma (et non historique, oui oui on sait que ça se terminera fin 2020), chaque membre de la rédaction a donc fait une liste personnelle de dix films (sans ordre précis) l'ayant marqué entre 2010 et 2019. C'est parti !

 

GravitySandra Bullock regardant au loin tous les tops et ne voyant aucun Gravity (étonnamment) 

 

SIMON RIAUX

L'Exercice de l'État (2011)
The Tree of Life (2011)
Avengers (2012)
It Follows (2014)
Trois souvenirs de ma jeunesse (2015) 
Jupiter Ascending (2015)
Ready Player One (2018)
Un grand voyage vers la nuit  (2019)
Parasite (2019)
The Irishman (2019)

Plutôt que d’aligner mes dix films préférés de la décennie, voici une liste qui me semble raconter quelque chose des enjeux qui ont animé le cinéma au cours des 10 dernières années. Une décade transitoire, où certains bouleversements attendus n’ont pas (encore) eu lieu, et où ont surgi des formes dominantes dont nous n’avions anticipé ni le succès ni l’influence.

Malgré l’évènement fondateur que fut Avatar en 2009, la 3D a progressivement reflué dans les années 2010, la faute à des productions déficientes, opportunistes, et une exploitation en salles rarement qualitative. L’avènement du HFR n’a pas eu lieu, n’en déplaise au génie d’Ang Lee, et le 7e Art s’est révélé très conservateur dans sa forme. Conservateur, mais désormais mûr pour le déferlement des marques et des franchises, dont le raz-de-marée est cristallisé par le succès international de Disney, qui a, en une poignée d’années, totalement refaçonné le divertissement grand public, dans le fond, comme la forme.

 

photo Ready Player OneUne image qui capture parfaitement le patchwork nostalgique des années 2010

 

Steven Spielberg aura réalisé à la fois le testament du cinéma qu’il a en grande partie engendré et sa mise en accusation, dans un film héritage d’une richesse et d’une acuité exceptionnelles, trop souvent lu comme un mouvement d'humeur vaguement réac, et non le plaidoyer pour la création et l'émancipation qu'il était. Parallèlement, Hollywood ne semble plus capable ni désireux d'assumer de nouveaux univers, les échecs successifs des Wachowski en sont le témoignage le plus glaçant, les frangines n'ayant plus réussi à retrouver les faveurs de l'industrie ou du public, malgré des créations enlevées, riches, terriblement enthousiasmantes.

Ces films que nous aimons tant, ces mélanges de spectacle, de genres assumés et de mise en scène créative, c’est désormais du côté du cinéma coréen que nous pouvons nous en abreuver. Parasite en témoigne brillamment, occupant avec brio la case laissée vacante par Hollywood.

La conscience aiguë du monde, de son absurdité, et les recherches formelles expérimentales ou exigeantes qui en naissent n’ont pas disparu, de voyages nocturnes en coups d’État filmiques, on trouve toujours dans le monde, notamment en Chine et en France, des artistes pour en réactiver le souvenir. Mais, signe d’une époque troublée, le cinéma horrifique n’est pas en reste, et navigue dans les eaux du concept, à mi-chemin entre nostalgie, hommages déférents et idées terrifiantes, comme en témoignent David Robert Mitchell, Ari Aster ou Robert Eggers. C’est peut-être ce grand écart qui symbolise le mieux cette décennie incertaine, où tout tremble et bouillonne, avant que les plateformes de streaming n’achèvent de faire muter un art encore bien jeune, qui se sera métamorphosé plusieurs fois en à peine plus d’un siècle.

 

Photo Maika MonroeIt Follows, ou la peur constante de voir un passé refoulé nous rattraper pour nous étouffer

 

ALEXANDRE JANOWIAK

The Social Network (2010)
Interstellar (2014)
Au-delà des montagnes (2015)
Birdman (2015)
Juste la fin du monde (2016)
The Lost City of Z (2017)
Phantom Thread (2018)
Roma (2018)
Once Upon a Time... in Hollywood (2019)
The Irishman (2019)

Que cette décennie cinématographique fut intense entre l'arrivée des plateformes de streaming (sujets à nombre de débats) et le bouleversement majeur que fut l'affaire Weinstein en 2017, source des mouvements MeToo et d'une révolution interne à Hollywood. Presque en prophète, dès 2010, The Social Network parlait d'ores et déjà du sexisme et de ses préjudices, de la puissance des réseaux sociaux, de l'essor des nouvelles technologies et d'identité avec une dynamique et une virtuosité dingue grâce à la paire David Fincher-Aaron Sorkin. Sans égal depuis dix ans, il s'agit sûrement du plus grand film des années 2010 selon l'auteur des lignes.

Et dans un monde en perpétuel changement, croyant pouvoir relancer ou remasteriser sa vie en appuyant simplement sur le F5 de son clavier, le cinéma a vu nombre de réalisateurs se poser des questions sur notre société actuelle. Le Chinois Jia Zhangke l'a fait en trois temps dans son sublime Au-delà des montagnes, injustement oublié au palmarès cannois de 2015.

D'autres ont sondé les ailleurs en regardant en arrière, pour regretter le passé comme Martin Scorsese avec The Irishman, lui rendre hommage comme Alfonso Cuarón dans Roma ou préférer rêver de ce qu'il aurait pu être comme Quentin Tarantino avec Once Upon a Time... in Hollywood. Christopher Nolan, de son côté, a regardé vers l'horizon ou plutôt vers les étoiles avec son inventif, entreprenant, osé, métaphysique et bouleversant Interstellar, expérimentant l'avenir avec audace.

 

photo, Rooney Mara, Jesse EisenbergUn dialogue sans égal

 

En effet, dans une industrie cinématographique dominée par les blockbusters aseptisés des grands studios (surtout Marvel et Disney), les réalisateurs se sont souvent posé la question de leur identité et de leur place dans ce monde mouvant : celle dans l'industrie donc comme le personnage de Keaton dans l'exploit technique Birdman d'Alejandro González Iñárritu, mais aussi celle dans sa famille comme le personnage de Ulliel dans l'asphyxiant Juste la fin du monde de Xavier Dolan, celle au sein d'une société excluante comme celui de Hunnam dans le mystique The Lost City of Z de James Gray ou celle dans l'Amérique Trumpienne comme la jeune héroïne incarnée par Sasha Lane dans l'aérien American Honey d'Andrea Arnold (aux portes de ce top 10 aux choix cornéliens, évinçant également Yorgos Lanthimos, Todd Haynes, David Robert Mitchell ou Pablo Larraín). Des réflexions amenant inévitablement le spectateur à se demander où est la sienne et quelle est sa véritable identité dans ce monde fait de faux-semblants et de façades à l'ère des réseaux sociaux et du tout numérique.

En résulte, aussi, une réflexion sur l'état du cinéma évidemment (Tarantino, Iñárritu, Scorsese en parlent, plus ou moins frontalement, dans les films cités) et un questionnement profond sur la création, son processus et l'inspiration de l'artiste : le méticuleux, vénéneux et meta (oui oui) Phantom Thread de Paul Thomas Anderson en tête (oeuvre sur-mesure).

Car oui, paradoxalement, fin 2019, l'artiste peut à la fois être maître de son oeuvre finale (comme Scorsese avec Netflix) et subir les stries du système (les chefs-d'oeuvre Roma et The Irishman privés de sortie en salles en France, par exemple). Les années 2020 donneront sûrement des pistes à ces observations pénétrantes, lucides et captivantes, et on espère enfin quelques réponses. Peut-être que David Fincher sera encore visionnaire avec Mank dès cette fin d'année... sur Netflix, comme un symbole. Tempus narrabo.

 

PhotoUne des plus belles images de la décennie cinéma

 

MARION BARLET

Melancholia (2011)
La Vénus à la fourrure (2013)
Ma vie de courgette (2016)
Grave (2016)
Get Out (2017)
The Party (2017)
Faute d'amour (2017)
Kingsman : Le Cercle d'or (2017)
Les Garçons sauvages (2018)
Parasite (2019)

Les années 2010 marquent une fissure remarquable dans le monde du cinéma. Un monde en effet, compartimenté : le divertissement, l’horreur, les super-héros, la science-fiction et le réalisme social. Sauf que les réalisateurs et réalisatrices se sont baladés à travers les genres. Les codes ont été détournés au profit d’univers plutôt réalistes, qui interrogent avec philosophie et décalage les enjeux du 21e siècle.

Le cinéma d'auteur signe un bal des angoisses. Lars von Trier annonce une fin du monde esthétique, où la dépression est sublimée par la mélancolie. L’inquiétude règne encore en ce siècle, et le drame l’accompagne, sans espoir dans Faute d'amour, ou émotionnellement dans Ma vie de courgette. L’horreur connaît un souffle nouveau, où l’on s’interroge sur l’identité, la généalogie et les luttes sociales. La peur est plus psychologique que spectaculaire, dans Get Out et Grave. Mais tout de même, on sait s’amuser avec des héros à têtes de poupon (Kingsman : Le Cercle d'or) ou un dîner qui tourne au vinaigre amoureux (le Sally Potter).

Une ère de mutation, avec Bertrand Mandico et le changement de sexe punitif, pour ouvrir sur un monde adouci. Pourtant, on note que les femmes sont présentes et attaquent : Julia Ducournau, mais aussi Justine Triet, Kathryn Bigelow, Rungano Nyoni, Chanya Button, Céline Sciamma, etc.  

Le divertissement prend des airs de philosophie politique. Parasite, un film total avec de l'intelligence, du comique et l’Asie qui arrive en force sur nos écrans. Bong Joon-ho est LE réalisateur de cette décade pivot. 2020 : après la fissure, on espère le fracas.

 

photoLe meilleur des plans, c'est de ne pas en avoir. (Sauf en réalisation bien sûr)

 

PRESCILIA CORRENTI

Toy Story 3 (2010)
Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne (2011)
The Dark Knight Rises (2012)
Interstellar (2014)
Spotlight (2015)
Ex Machina (2015)
Quelques minutes après minuit (2017)
Hérédité (2018)
Spider-Man : New Generation (2018)
Joker (2019)

2010 nous paraît si loin. Dix années se sont écoulées et c’est, bizarrement, à la fois peu et beaucoup. Au cours de ces dix dernières années, l’industrie cinématographique a été largement plus secouée qu’elle ne l’a, sans doute, jamais été auparavant. Aujourd’hui, je me rappelle plus de cette dernière décennie comme de la montée en puissance de deux géants qui ont tout écrasé sur leur chemin : Netflix et Disney. Parce que, aussi étonnant que cela puisse paraître, Netflix bien que critiqué est à l’origine de certaines des meilleures oeuvres de cette décennie et peut revendiquer Roma, Marriage Story ou The Irishman.

De l’autre côté, nous avons le Mastodonte Disney et son écurie écrasante : Marvel. Le streaming devient mainstreaming. Les super-héros (trop) banals, trop parfaits, trop surfaits. Il a été troublant de constater au cours de ces années un intérêt palpitant et grandissant pour les super-héros et de voir le créneau dit « geeks » gonfler comme un physicien nucléaire irradié par les rayons gamma jusqu'à ce qu'il domine le reste du divertissement de masse.

On avait un peu l’impression que pas un mois ne se passait sans que Marvel ne sorte un nouvel Avengers, Iron Man, Captain America ou Thor. Sony un Spider-Man. La Fox un X-Men. Et la Warner un Batman, Superman, Wonder Woman ou Joker. Osez admettre que vous n'êtes pas impressionnés, comme l'ont été Martin Scorsese et Ethan Hawke, et préparez-vous à la réunion des "vengeurs" sur les réseaux sociaux et à subir la déferlante.

 

photoL'âge d'or des super-héros au cinéma ?


Aujourd’hui, peut-on sérieusement se poser cette question sans sourire amèrement : le cinéma existera-t-il toujours dans la forme que nous lui connaissons ou prendra-t-il un autre visage au terme de la future décennie ? Après tout, il y a désormais de fortes chances que le cinéma se la joue Black Mirror et que d’ici 2030 nous soyons confronter à un avatar numérique de Marlon Brando jouant le rôle de Spider-Man dans une épopée en réalité virtuelle interactive, qui sera produite par Netflix et diffusée directement dans un coin de notre cerveau.

Le cinéma des années 2010 ça a aussi été cette grande campagne des #OscarsSoWhite. Entre-temps, des succès tels que Creed, Black Panther et Spider-Man : New Generation ont rappelé aux producteurs que les stars non caucasiennes pouvaient aussi attirer le grand public. Moonlight a remporté l'Oscar du meilleur film et le racisme a été le thème de 12 Years a Slave, Django Unchained, Selma, Green Book : Sur les routes du Sud, BlacKkKlansman ou encore Harriet (qui arrivera en 2020 chez nous).

Au final, les années 2010-2020 se sont terminées par un fléau de films se déroulant dans des friches post-apocalyptiques : La Route, Retour à Zombieland et Mad Max : Fury Road, tandis que les réalisateurs de science-fiction portaient un regard sombre sur notre avenir : After Earth, Oblivion, Elysium, Interstellar, Passengers ou Alien : Covenant. Heureusement que nous avons dépassé l’époque de Retour vers le futur II (octobre 2015) et de Blade Runner (novembre 2019) et que notre planète n’est finalement pas aussi amochée que prévue. N’est-ce pas ?

 

Photo Matthew McConaugheyUne épopée stellaire époustouflante !

 

ELLIOT AMOR

Scott Pilgrim (2010)
Raiponce (2010)
Les Enfants loups Ame & Yuki (2012)
Oh boy (2013)
Pacific Rim (2013)
Dragons 2 (2014)
Mad Max : Fury Road (2015)
Mademoiselle (2016)
Ready Player One (2018)
Spider-Man: Into the Spider-Verse (2018)

Établir une telle liste m'a remémoré ces moments où je suis sorti d'une salle de cinéma en disant "Wow". Ces simples onomatopées post-projection, qui arrivent deux ou trois fois par an, vous rappellent à quel point le cinéma est un art sublimement puissant qui ne cessera jamais de jouer avec nos émotions, peu importent le pays ou la langue.

On peut se réjouir du fait que l'animation, qu'elle vienne d'Europe, d'Amérique ou d'Asie, soit de plus en plus acceptée dans le cercle restreint du cinéma "d'auteur". De plus en plus de journalistes, théoriciens et autres cinéphiles considèrent que les films d'animation ont tout à fait leur place dans le monde des adultes. La trilogie Dragons est sans doute la meilleure saga de cinéma fantastique des années 2010 et son réalisateur Dean DeBlois est véritablement perçu comme un cinéaste dont on attend beaucoup de choses pour la décennie à venir. On peut en dire autant du réalisateur japonais Mamoru Hosoda. Ce dernier, après le succès de Summer wars en 2009, est parvenu à façonner un cinéma fantastique et intimiste qui lui est propre et qui a encore beaucoup de choses à raconter.

De plus, les progrès technologiques ont permis aux studios de nous proposer des bijoux d'animation tels que Toy Story 4, Dragons 3 ou encore Into the Spider-Verse. Mais il y a aussi ceux qui démontrent que la 2D a encore de belles choses à prouver comme Weathering with You et Les Enfants de la mer (sorti en 2020 chez nous).

 

photoContempler l'avenir avec son bro

 

"Nous avons développé la vitesse pour nous enfermer en nous-mêmes", disait Charlie Chaplin dans Le Dictateur en 1941. Eh bien en plus d'être toujours d'actualité, cette idée a inspiré pas mal de cinéastes, notamment George Miller et Steven Spielberg qui, avec Mad Max : Fury Road et Ready Player One, ont signé des œuvres qui se distinguent dans leurs carrières. Ces deux blockbusters nous ont mis en garde contre le capitalisme, la technologie, l'addiction aux écrans, le réchauffement climatique et l'inaction du monde des adultes. Le tout en signant des œuvres époustouflantes, spectaculaires et ostentatoires dont on se souviendra longtemps.

 

PhotoUn grand final pour un grand film d'un grand réalisateur

 

DÉBORAH LECHNER 

The Raid (2012)
Les Enfants loups Ame & Yuki (2012)
The Grand Budapest Hotel (2014)
Ex Machina (2015)
Mad Max : Fury Road (2015)
Jusqu'à la garde (2018)
Hérédité (2018)
Under the Silver Lake (2018)
Once Upon a Time... in Hollywood (2019)
Toy Story 4 (2019)

Pour faire cette sélection, il a fallu déterminer si cette liste devait être la plus représentative possible ou totalement subjective. Et comme elle commence avec The Raid, autant dire que j’ai choisi une approche purement personnelle.

Mais cette liste aurait pu témoigner de la représentativité grandissante à Hollywood des femmes, grâce au mouvement #MeToo, de la communauté LGBT et des Afro-Américains. Certains l’approuvent tandis que d’autres la dénoncent comme un nouveau diktat, ce qui en fait un débat aussi épineux qu’intéressant et nécessaire pour le cinéma. Au lieu de caser à tout prix Mad Max : Fury Road, j’aurais pu citer Roma ou The Irishman qui illustrent l’arrivée fracassante de Netflix dans l’industrie cinématographique et ses institutions, chamboulant au passage notre vision du cinéma et la nécessité d’en vivre l’expérience en salles, un temple de plus en plus profané.

J’aurais aussi pu mettre Avengers ou Endgame qui ont marqué la culture populaire à l’encre indélébile et qui font partie d’un projet scénaristique des plus ambitieux : le MCU. À la place, j’ai préféré mettre Toy Story 4, qui rappelle que la surpuissante firme est capable du meilleur quand le coeur y est, même quand elle se contente, comme à l’accoutumée, de surfer sur un précédent succès. 

 

photo, Saoirse Ronan, Tony RevoloriUne folle odysée colorée et mélancolique signée Wes Anderson

 

J’ai préféré mettre en avant des déclarations d’amour poignantes au cinéma, à son art, son histoire et sa puissance émotive et narratrice, qui perdurent avec The Grand Budapest Hotel (autant qu'avec Fantastic Mr. Fox, L'île aux chiens et Moonrise Kingdom) et Once Upon a Time... in Hollywood. J’ai choisi Under the Silver Lake et Hérédité comme j’aurai pu choisir Inception, Midsommar,  Grave ou Réalité parce que la créativité et l'expérimentation cinématographique ne se sont pas noyées dans le flot incontestable de suites, prequel, reboots et autres remakes malhonnêtes. Parce que le cinéma sait encore nous faire chavirer et nous exalter.

Cette décennie a également su garder un oeil sur ses maux, son évolution et ses possibles dérives sociales et technologiques avec Ex Machina, qui aurait pu être remplacé par Night Call, Her, The Social Network, Zootopie ou Ready Player One. Pourtant, les années 2010 n’ont pas oublié de creuser des thématiques plus introspectives, universelles et presque intemporelles avec Les Enfants loups Ame & Yuki, Jusqu'à la garde, Le Garçon et la Bête ou The Tree of Life, ni d’alimenter les vieux fantasmes de fiction comme la rencontre extraterrestre et colonisation spatiale avec Interstellar, Seul sur Mars ou encore Premier contact qui méritait également une place. 

 

photoLes relations parents-enfants, un thème abordé avec une justesse poignante dans Les Enfants loups Ame & Yuki

 

GEOFFREY CRÉTÉ

Enter the Void (2010)
The Social Network
(2010)
Scott Pilgrim (2010)
Melancholia (2011)
Cloud Atlas (2013)
Under the Skin (2014)
À la poursuite de demain (2015)
Upstream Color (2017)
Mother! (2017)
Call Me by Your Name (2018)

Régulièrement, l'idée que le cinéma n'ose plus rien, n'a plus d'âme, et se résume aux blockbusters, aux remakes, aux suites et compagnie, revient sur la table. "C'était mieux avant". Notamment dans les discussions avec les lecteurs, et dans les commentaires. Un coup d'œil dans le rétroviseur sur la décennie passée me conforte dans l'idée tenace que c'est parfaitement faux, et que c'est surtout la colère aveugle face à une omniprésence hollywoodienne (nourrie par tout le monde : nous, comme vous) qui parle.

Le cinéma vibre toujours, à tous les niveaux, avec une énergie, une violence, et une imagination sans cesse ravivées. Et ce, de tous les côtés, à tous les niveaux de production, que ce soit en marge du système (Upstream Color, Under the Skin), en plein dedans (Tron - L'Héritage, A la poursuite de demain, Mad Max : Fury Road), ou quelque part entre les deux. Principalement aux États-Unis vu mes choix certes, mais pas que, ou du moins pas en considérant que le cinéma américain se résume à l'industrie des studios.

L'existence de films comme Cloud Atlas de Tom Tykwer, Lilly et Lana Wachowski, ou Mother! de Darren Aronofsky, et la présence d'acteurs de premier plan, est un signal puissant qui écrase des dizaines de blockbusters insipides, pour prouver que personne n'a capitulé. Que ces films aient été si violemment reçus et n'aient pas vraiment marché en salles n'a rien de problématique, au contraire. Non seulement l'Histoire du cinéma est remplie de ce type d'exemples, mais c'est en plus la quasi-garantie d'un futur cinéphile qui ne cessera de fouiller dans le passé pour questionner les goûts, les modes et les humeurs. À ce titre, rendez-vous dans quelques années pour voir si Star Wars : Les Derniers Jedi sera perçu avec plus de nuances.

 

photo, Halle Berry, Tom HanksCartographie des nuages de génie

 

Revoir défiler ces 10 années, c'est aussi se souvenir de la richesse infinie du septième art et la manière dont il percute les esprits, vibre avec les mélodies personnelles de chacun, et nourrit un arc-en-ciel émotionnel incroyable. La profondeur existentielle de The Social Network, l'inventivité réjouissante proche de la perfection d'un Scott Pilgrim, la beauté monstrueuse de Melancholia, l'étrangeté effroyable et muette d'Under the Skin, l'imagination folle et radicale d'Upstream Color, la virtuosité vertigineuse de Climax, l'émotion immense de Call Me By Your Name...

Sélectionner 10 films sur 10 ans, c'est recomposer un portrait de soi-même, ses rêves, ses peurs, ses désirs, aussi bien personnels qu'artistiques. C'est ainsi se rappeler la puissance incroyable du cinéma, qu'on consomme et qui nous consomme. Et bien sûr, c'est aussi laisser des pépites sur le bas-côté, après de grandes et terribles hésitations. Du Kiarostami, du Yorgos Lanthimos, du David Cameron Mitchell, du Bertrand Bonello. Polisse et Young Adult étaient là, A Ghost Story méritait sa place rien que pour quelques images fabuleuses ("I'm waiting for someone", "Who ?", "I don't remember"...), quand l'uppercut Himizu de Sono Sion aurait été cité s'il avait eu droit à une sortie en salles. Bref, tout va bien, le cinéma n'est ni mort ni endormi, ce n'était ni mieux ni moins bien avant, et vivement la prochaine décennie.

 

photoLa Belle d'un autre monde

 

MATHIEU JABORSKA

Cold Fish (2010)
Nymphomaniac - Director's cut (2013)
Cloud Atlas (2013)
The Raid 2 : Berandal (2014)
Gone Girl (2014)
Interstellar (2014)
Mad Max : Fury Road (2015)
Mademoiselle (2016)
A Ghost Story (2017)
La Légende de Baahubali : 2e Partie (2017)

Comme prévu, établir une telle liste relève de l’utopie. Mine de rien, les années 2010 ont offert leur lot de claques en tous genres. Néanmoins, on peut considérer que la critique souffre d’un manque de recul obligatoire vis-à-vis de la décennie écoulée. Voilà qu’on commence tout juste à prendre conscience des vrais films phares de début 2000, et il faut déjà faire une liste pour ces 10 dernières années ? Qu’à cela ne tienne.

Il y a tout de même des œuvres qui s’échappent, se démarquent, tant la rupture qu’elles ont opérée a été nette. Impossible de ne pas songer à Mad Max : Fury Road, le plus moderne des films contemporains pour l’auteur de ces lignes, une redéfinition totale de la façon de penser la narration pour concevoir un cinéma qui ne serait plus que spectacle et émotion. On pourrait le résumer à un bête retour aux sources, puisqu’on ne peut pas s’empêcher de penser à la verve muette des films de Keaton. Mais le chef-d’œuvre de Miller s'avère être une tout autre proposition, une épure complexe du cinéma hollywoodien. Soyez-en sûrs : sa mise en scène omnipotente sera étudiée par tous les étudiants en cinéma dans les années 2030. 

Les autres sélectionnés d’office de cette catégorie sont tous des aboutissements de carrières de cinéastes déjà symboles des années 2000. Alors que Park Chan-wook amène sa formule structurelle au stade de perfection dans l’incroyable commentaire artistique qu’est Mademoiselle, Sono Sion pousse son étude sociale dans des extrémités jamais atteintes grâce à Cold Fish et Lars von Trier s’emploie à raconter le monde à travers les aventures pornographiques fleuve d’un personnage à l’ambiguïté infinie (Nymphomaniac). Plus définitif, tu meurs, en director’s cut bien sûr.

 

photo, Stacy MartinLa règle du jeu

 

Et il ne s’agit là que d’exemples. D’autres auraient pu citer The House That Jack Built, The Irishman ou encore Once Upon a Time... in Hollywood. L’idée est la même. Encore une fois, incapable pour l’instant de repérer les nouveaux grands artistes (même si Ari Aster et Edgar Wright sont sur la bonne voie), l’auteur de ces lignes se rabat sur des valeurs sûres, des monstres qui respirent la complexité de leurs auteurs. C’est sûr : personne ne fait Nymphomaniac ou Mademoiselle au début de sa carrière.

Aux aboutissements de filmographies, on ajoute les aboutissements d’une industrie. Le blockbuster hollywoodien a connu son paroxysme avec le très aimé Interstellar, le cinéma indépendant du même pays a connu le sien avec Cloud Atlas, œuvre somme qui théorise presque le système dans lequel il s’inscrit. Un bide total, forcément.

Mais une fois ces chefs-d’œuvre casés, notés dans un coin de carnet pour la postérité, que reste-t-il ? C’est là que la sélection devient extrêmement difficile. Il ne reste plus que la folie, des films tellement excessifs qu’ils transgressent l’atmosphère générale de la décennie. Ce qui les lie, c’est sans conteste l’ambition. L’ambition d’un spectacle toujours plus jouissif avec deux des suites les plus secouées de l'histoire, des aventures gargantuesques qui placent les années 2010 sous le signe du bigger and louder : The Raid 2, élevant la violence chorégraphiée au rang d’art, et Baahubali deuxième du nom, repoussant les limites de l’impossible budgétaire cher à Hollywood. Au contraire, des baffes comme A Ghost Story parviennent à concentrer leur ambition dans leur simplicité et réfléchir sur le temps tout en faisant un doigt d’honneur satisfait aux évolutions toujours plus effrénées de la technologie. Peut-être est-ce plus important encore.

 

photoLa Légende de Baahubali : 2e Partie, destruction en règle de tout ce qui s'est fait à Hollywood depuis 30 ans

 

ARNOLD PETIT

The Social Network (2010)
Inception (2010)
Whiplash (2014)
Réalité (2014)
Ex Machina (2015)
Mad Max : Fury Road (2015)
Ready Player One (2018)
Under the Silver Lake (2018)
Hérédité (2018)
Once Upon a Time... in Hollywood (2019)

Cette décennie fut marquée par plusieurs films qui ont participé à l'évolution du cinéma, à la mienne et donc, de facto, à celle de ma culture cinématographique. Une époque traversée par de profonds changements que David Fincher avait parfaitement saisi dès 2010 et cristallisés dans The Social Network, en expliquant déjà que les gens ne se déplaceraient plus à une fête sans leur smartphone. Au milieu d'une pause dans sa trilogie Batman, qui avait largement ouvert la voie à Marvel et à son futur succès grâce à sa ribambelle de super-héros, Christopher Nolan proposait alors un thriller ahurissant aussi bien visuellement que narrativement avec Inception.

Mais si Hollywood a montré pendant cette décennie qu'il était toujours capable d'offrir du rêve dans les rêves, Damien Chazelle a prouvé avec Whiplash qu'il était également capable de revenir à quelque chose de moins grandiloquent, mais tout aussi puissant. Au même moment, avec une écriture ciselée et l'impertinence qui lui est propre, Quentin Dupieux continuait de chambouler le cinéma français et nos cerveaux avec Réalité, la science-fiction se rapprochait de plus en plus du monde actuel. Alex Garland et son Ex Machina proposait alors de nouvelles réflexions autour de l'intelligence artificielle et de l'espèce humaine.

 

Photo Oscar IsaacQuand il ne faut retenir que 10 films sur une décennie

 

Malgré l'émergence de nouveaux réalisateurs bourrés de talent de plus en plus nombreux, les vieux briscards de l'industrie ont montré de quoi ils étaient encore capables, et pas qu'un peu, à l'image de Mad Max : Fury Road et de Ready Player One. Deux oeuvres qui seront sans doute considérées comme cultes par les futures générations et se retrouveront dans les catalogues de toutes les plateformes de streaming possibles et imaginables.

Comme une lettre d'amour parfumée au phosphore blanc, Under the Silver Lake nous plongeait dans ce monde à la fois fascinant et effrayant où tout peut arriver tant qu'on y croit, comme de vivre un malaise aussi traumatisant que celui provoqué par Hérédité. Plus qu'un art, Once Upon a Time... in Hollywood a montré que le cinéma est un lieu magique, cathartique et nécessaire, qui permet de s'évader de la réalité, de soigner les plaies de notre existence et de (se) raconter des histoires.

 

photo, Andrew GarfieldDavid Fincher + Aaron Sorkin + Trent Reznor & Atticus Ross = chef-d'œuvre

 

Rien n'est simple quand il ne faut retenir que 10 films sur 10 ans. Le choix s'est donc fait avec une pure et totale subjectivité, comme un regard nostalgique et mélancolique sur ce qui avait bien pu marquer le cinéma en même temps que moi-même. Certains films qui méritaient aussi leur place ont donc été laissés-pour-compte : The Big Short : Le casse du siècleDriveGravityPremier contactHer... La décennie a été suffisamment riche et mémorable. En espérant que la prochaine le soit encore plus.

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commentaires
Eddie Felson
22/11/2021 à 20:34

Dans le désordre, à part le premier :
Interstellar
Blade runner 2049
Inception
Fury Road (Black&Chrome edition)
Three Bilboard
Skyfall
Joker
Ford vs Ferrari
Lalaland
Moi Daniel Blake

[)@r|{
22/11/2021 à 18:03

Les films qui m'ont surpris, étonnés ! Dans l'ordre que vous voulez...

Into the Wild [Sean Penn] * Enemy et B| [\2049 [Denis Villeneuve]
Whiplash [Damien Chazelle] * Drive [Nicolas Winding Refn]
Shame [Steve McQueen] * Inception [Christophe Nolan]
Mad Max Fury Road [George Miller] * Spring Breakers [Harmony Korine]
No country for Old Men [Ethan et Joel Coen] * Black Swan [Darren Aronofsky]

Ciao a tutti !

sylvinception
22/11/2021 à 14:37

Deux choses qui fâchent : Whiplash cité seulement une fois, et le zéro pointé de Gravity.
Une seule vraie surprise : aucun film de Villeneuve dans le top de Riaux.

LePingouin
22/11/2021 à 11:42

#TeamGeoffrey

Par contre, Pacific Rim est obligatoire dans ce type de classement. J'attends toujours un blockbusters qui puisse s'assoir a la même table de celui-ci.

Akuma69
22/11/2021 à 08:33

Personne n'a mis The revenant dans son top ?!

Carotte pour tous
22/11/2021 à 05:10

La reine des neiges est objectivement un des films de la décennie et personne ne l’a cité ! Que penserais Olaf !!!

C.Kalanda
21/11/2021 à 22:27

Mission impossible ce top..Bel exercice les gens. Mad Max devrait y être à chaque fois, leçon de genre. De même que The Raid en soit, qu’on aime ou non, il aura marqué. J’aime qu’il y ait « call me by your name », je m’inquiète plus qu’il y’ait « under the silver lake » (jl’ai trouvé d’une superficialité profonde…). Under de skin est par contre l’under de la décennie. Et comment n’avez vous pas pu citer drive??!! C’est pour moi LE film représentatif de la première partie de cette décennie (le fameux style néon…).

Sentry
21/11/2021 à 20:18

The strangers manque beaucoup dans vos listes ,cette claque.

Mick
21/11/2021 à 20:12

Merci à DÉBORAH LECHNER qui est la seule à avoir mentionner le chef-'œuvre de cette décennie. The Grand Budapest Hotel. Merveille graphique, imaginatif, acteurs fantastiques, humour, le kif du début à la fin. Gros Becs.

Gouts..couleurs...je comprendrais jamais le succès de Mad Max Fury Road. Visuellement au top, tout le reste insignifiant.

menemen
21/11/2021 à 18:56

c'est qui cette PRESCILIA CORRENTI qui a le cran de mettre The Dark KNight Rises.

Je valide fort.

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