De Moon à 3 Billboards : pourquoi Sam Rockwell le faux redneck est un vrai surdoué

Simon Riaux | 18 janvier 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 18 janvier 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avec 3 Billboards – Les Panneaux de la Vengeance, l'un des films les plus attendus de 2018, il vient de remporter un Golden Globe mérité et semble parti vers une nomination (voire plus) aux Oscars. Si tout le monde connaît le visage de Sam Rockwell, on oublie parfois combien sa carrière est riche, et à quel point l’acteur a développé un sens de la métamorphose étonnant. Retour sur une carrière aussi irrégulière que passionnante.

 

Photo L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

 

GRANDEUR DES PETITS DEBUTS

Comme des milliers d’autres aspirants comédiens, Sam Rockwell était destiné à se ruer sous les projecteurs. Fils de comédien à l’enfance ballotée entre Los Angeles, New York et San Francisco, il commencera à jouer à l’âge de 10 ans, aux côtés de sa mère. Qu’elles demeurent inconnues ou enflamment l’écran, les dynasties d’artistes sont monnaie courante à Hollywood.

Et si l’Histoire du cinéma doit un jour se souvenir d’un clan Rockwell, ce sera sans doute grâce à Sam, premier à lui avoir donné une résonnance internationale. Lumière qui point dès 1996, lorsqu’il apparaît dans Basquiat, pour gagner formidablement en intensité avec une œuvre un peu oubliée, mais alors acclamée par la critique américaine.

Dans Lawn Dogs, il est le marginal Trent, qui vit dans un mobile-home et tond les pelouses d’une communauté aisée, avant d’entamer une amitié curieuse avec une jeune fille. Remarqué par la presse, il compose déjà un personnage de simili-raté, doux-dingue attachant, mû par une force étrange. Un sentiment indescriptible, dont le sens s’éclaire à la lumière d’une de ses premières interviews, lors de la promotion du film.

 

Photo Sam Rockwell

Lawn Dogs

  

GRAND ÉCART

« Je crois vraiment que des gens comme Bill Murray ou John Belushi sont aussi géniaux et aussi valeureux que Robert de Niro ou Al Pacino. Et je ne pense pas que Vol au-dessus d'un nid de coucou soit un meilleur film qu’American College. Ils appartiennent à des genres différents. À mes yeux, ce sont deux grands exemples de superbe artisanat. »

Voir dans le génie comique et dans la puissance dramatique des expressions du talent à la valeur équivalente n’est pas en tant que tel un point de vue radical ou révolutionnaire. Mais l’opinion proférée par Sam Rockwell est à bien des égards révélatrice des orientations de sa carrière, et de l’énergie singulière qu’il a su insuffler à quantité de rôles.

 

Photo Frances McDormand, Sam Rockwell

3 Billboards, face à Frances McDormand

 

Mâchoire étroite, petit nez frondeur, globes oculaires encastrés au fond du crâne. Barbe éparse, tignasse pleine d’épis anarchiques, peau blafarde… Physiquement, Sam Rockwell est né pour jouer les redneck du Texas, les coon asses de Louisiane, les hillbillies de Baltimore et tout ce que l’Amérique compte d’exubérants white trash. Et pourtant, si ses rôles en contiennent un important contingent (jusque dans l’excellent 3 Billboards), sa carrière est autrement plus variée.

Derrière la trogne d’affreux jojo, bas du front et impulsif, se déploie une énergie jubilatoire terriblement communicatrice. Il y a chez tous les avatars de Sam Rockwell une qualité enfantine, une rage ludique, un emballement entropique, semblable à la vélocité du môme traversant à pleine balle une cour de récréation, les genoux fraîchement écorché d’une précédente chute.

C’est cette tension entre une présence concrète, terrienne et des éruptions lumineuses, qui font de Rockwell ce qu’il est, lui permettent d’interpréter aussi bien des bourrins aux petits bras que des princes galactiques. Son enthousiasme ludique ne dépareille pas dans H2G2 où il interprète un Zaphod Beeblebrox bicéphale et complètement cramé du bulbe.

 

Photo Sam Rockwell, Yasiin Bey

H2G2 - Le guide du voyageur galactique

 

YUPPEE TRASH

Il est remarqué ça et là dans le cinéma mainstream. Dans Celebrity de Woody Allen et La Ligne verte avec Tom Hanks. Dans la comédie spatiale très amusante Galaxy Quest aux côtés de Tim Allen et Sigourney Weaver, qui mérite d'être (re)découverte. Dans Charlie et ses drôles de dames, son énergie et son charisme envahit déjà l'écran face à Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu.

Son aura lumineuse et trash, il la travaille encore brillamment dans Confessions d’un homme dangereux, le meilleur film de George Clooney, avant de la parfaire encore dans Choke, adaptation de Chuck Palahniuk (le papa du roman originel Fight Club). Il y interprète un arnaqueur et proto-maniaque sexuel, personnage complexe, qui génère autant de pitié, de sympathie, que d’effroi. Le film a beau ne pas être une totale réussite, la composition de Rockwell y est admirable.

 

Photo Sam Rockwell

Confessions d'un homme dangereux

 

Il y parfait son numéro de faux underdog, cette partition particulière, qui lui vaut d’être paradoxalement une des tronches les plus connues du cinéma américain, fraîchement honorée d’un Golden Globe, tout en demeurant un artiste au patronyme encore peu connu du grand public. Jouer des seconds rôles avec l’énergie d’un premier, injecter à un premier rôle la tessiture abrasive d’un caractère de second plan : voilà tout le paradoxe de Sam Rockwell.

 

Photo Mr. Right

Mr. Right, ou la traversée du smili-désert

 

Après Choke, l’artiste Rockwell paraît s’être idéalement cristallisé et désormais capable d’adapter, légèrement mais toujours avec une grande pertinence, son numéro désormais rodé. C’est ainsi qu’il conquiert un public qui ne l’attendait pas forcément en qualité de premier rôle dans Moon, film de science-fiction de Duncan Jones devenu pour beaucoup un classique.

Sa proposition y est tellement juste, que ce qui va suivre aura des airs de traversée du désert. De drames moyens (7 psychopathes) en rom-com foireuses (Mr Right), on se demande soudain où est passée la folle ambiguité du comédien, comme si l’acteur avait soudain perdu l’équilibre qui lui promettait un avenir radieux. Son passage du côté du blockbuster (Iron Man 2, Cowboys & envahisseurs) sera également oubliable, tout comme ses tentatives grand public (Poltergeist). Comme si la rudesse séduisante de Sam ne pouvait se marier à un Hollywood de plus en plus aseptisé.

Des films plus intéressants, audacieux ou forts, comme JoshuaL'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert FordLes Associés de Ridley Scott ou encore Snow Angels avec Kate Beckinsale, ne rencontrent pas le public.

 

Photo Iron Man 2

Iron Man 2

 

Il aura fallu que débarque Martin McDonagh et 3 Billboards, véhicule idéal, qui prouve ici que derrière la défrusque d’un policier de petite ville ignare et raciste, il peut générer une folle tension, une profondeur humaine tour à tour paralysante et bouleversante. Sam Rockwell est de retour, et il est bien parti pour nous secouer.

Qu'il soit censé apparaître dans Mute de Duncan Jones (prochainement disponible sur Netflix) pour y reprendre son rôle de Sam Bell, et incarne George W. Bush dans Backseat d'Adam McKay face à Christian Bale, va dans ce sens.

 

 

 

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commentaires
Pulsion73
18/01/2018 à 21:10

Excellent dans Charlie's angels ( le film a mal vieillit je trouve) : débordant de charisme quand son personnage dévoile son vrai visage. Touchant dans Moon. Efficace dans Galaxy Quest (à remater effectivement). Très bon acteur, oui.

ABDK 17
18/01/2018 à 14:25

Je l’avais beaucoup aimé dans « Box of Moonlight » de Tom DiCillo

Matt
18/01/2018 à 13:21

Excellent dans Confessions d'un homme dangereux, acteur caméléon et très intéressant dans ses choix de carrière. Son prix à la Berlinale en 2003 n'est pas usurpé. Dommage qu'il ne soit pas exploité à sa juste valeur.