Assassin's Creed : critique d'un accident industriel

Simon Riaux | 2 février 2023 - MAJ : 03/02/2023 10:01
Simon Riaux | 2 février 2023 - MAJ : 03/02/2023 10:01

Porté par un casting alléchant, réalisé par Justin Kurzel, un cinéaste passionnant, et vendu par Ubisoft comme un projet de cinéma ambitieux, Assassin's Creed avait toutes les cartes en mains pour s’imposer comme un divertissement de haute tenue. Si à l'époque la promotion étonnamment discrète du blockbuster inquiétait un peu, rien ne laissait présager d’un si lamentable désastre.

LES YEUX PLUS GROS QUE LE VENTRE 

Avec son univers mariant histoire, action et science-fiction, la licence Assassin’s Creed convoque des genres cinématographiques allant de la hard SF jusqu’au film de cape et d’épée. Un programme particulièrement riche, qui se prêtait à l’évidence à l’adaptation ambitieuse vantée par ses producteurs. On est d’autant plus surpris de constater que le premier échec évident de l’œuvre est sa dimension narrative.

Ubisoft Motion Picture, filière du studio français conçue pour adapter ses créations sur grand écran, n’a manifestement pas encore les épaules pour se frotter à l’exercice complexe du divertissement populaire.

 

Photo Michael FassbenderBon. On y va ?

  

En témoigne la première demi-heure du film, qui devrait rester comme une des plus creuses vues en salles, emblématique des errements du projet. Mise en bouche historique contextualisée à la truelle, flash-back interminable dans les années 80, ellipse incompréhensible suivie d’interminables palabres… En près de 30 minutes, Assassin’s Creed ne raconte rien et ne s’inquiète jamais de la personnalité ou des motivations de ses personnages, transformés en pantins lymphatiques.

Michael Fassbender tape du poing sur des murs (souvent), Marion Cotillard palpite de la narine comme personne, tandis que Jeremy Irons relit mentalement son contrat. Chacun paraît jouer dans un film différent, avec l’enthousiasme d’un cachalot échoué sur une plage du Havre. Difficile de s’intéresser à une narration qui bégaie au point de répéter ses ingrédients dans presque chaque scène, sans jamais les incarner. Conscient que ce n’est pas du côté de la construction que le film satisfera, il ne reste plus qu'à espérer qu’il assume son potentiel spectaculaire.

 

Photo Michael FassbenderY'a du spectacle ou pas ?

 

RETOUR VERS LE FUTUR DU SUBJONCTIF

Manifestement, Justin Kurzel ne sait absolument pas ce qu’il est supposé nous raconter, à tel point que son film délaisse le cœur du projet, à savoir l’épopée située au cœur de l’Espagne de l’Inquisition. Réduites à trois malheureuses scènes d’action (et une introduction terriblement cheap), les séquences où interviennent les assassins confinent à l’absurdité la plus totale.

Projetés en plein XVème siècle, personnages et spectateurs sont précipités au sein de séquences de poursuites et de baston dont nous ignorons les motivations, le contexte ou l’enjeu et dont on se moque donc comme de notre première couche. Pire, Justin Kurzel était manifestement le plus mauvais choix possible pour Assassin’s Creed. Incapable de penser l’action, il ne la spatialise jamais, la découpe mal et la filme généralement avec des cadres si serrés que nous perdons tout le sel des (excellentes) chorégraphies.

 

Photo Michael FassbenderUn film qui vise à côté

 

Pour parfaire la catastrophe, le montage s’assure que l’ensemble soit parfaitement illisible et achève de provoquer un sentiment de confusion irritant. Chacune des trois scènes d’action située dans le passé est conçue selon un invariable modèle : une alternance de plans pensés sans logique géographique, entrecoupés d’images de Michael Fassbender gigotant dans l’Animus - la machine qui le projette dans le passé – et rythmés par des ellipses dont on ne comprend pas la justification. On passe ainsi d’une joute en pleine ruelle à un combat sur un toit, au détriment de toute cohérence, pour un résultat désastreux en termes d’immersion et de spectacle.

Et ce n’est pas la photographie de l’ensemble, extrêmement soignée, mais en totale déconnexion avec l’esprit du sujet, qui pourra sauver la chose de la déconfiture technique. Esthétiquement, l’œuvre aligne les choix désastreux, d’une bande originale en forme de sous Hans Zimmer, en passant par des « effets de particules » absurdes, qui achèvent encore un peu plus la lisibilité de l’ensemble. Seuls les décors et leur direction artistique en imposent, quand la caméra daigne un instant s’arrêter sur eux.

 

Photo Michael Fassbender, Ariane LabedAu moins la photo est pas mal hein

 

RENDEZ-NOUS LE PAD 

Ne s’interrogeant jamais sur la problématique de l’adaptation ou les différences fondamentales entre jeu vidéo et narration cinématographique, le film se contente d’aligner les clins d’œil et référence à l’adresse des fans et gamers en général. Mais ces derniers seront peut-être les plus cruellement déçus par le métrage.

 

Assassin's Creed : Photo Michael FassbenderT-pose

 

Tout d’abord parce qu’il parvient à ridiculiser un univers excitant, aux idées plaisantes et formidablement ludiques (nos héros courent quand même après une boule de pétanque scintillante), mais surtout parce qu’il les considère ouvertement comme une sacrée bande de gogos. Non content de piétiner tous les ingrédients essentiels de la mythologie, le film les réduit de facto à des accessoires, une série d’éléments de fonds supposés acheter leur bonne volonté.

Ubisoft était parvenu à décrédibiliser sa saga sur console à force de sorties manquant cruellement de finition et en dépit des intentions affichées par le studio, c’est la même gangrène qui fait pourrir sur pied ce blockbuster attendu.

 

Assassin's Creed : Affiche

Résumé

En 2016, Ubisoft avait l'occasion de rompre la malédiction des adaptations de jeux vidéo, mais nous offrait le plus spectaculaire ratage de l'année.

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Lecteurs

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commentaires
Arnaud (le vrai)
03/02/2023 à 04:09

Que le film soit raté c’est malheureusement indéniable, mais quand je le vois j’ai personnellement vraiment l’impression que les mecs qui ont fait le film ont vraiment essayé de bien, de soigner l’image, les décors, les costumes etc …
Je pense que les intentions étaient là mais les ingrédients ont pas pris, en partie à cause de choix très discutables comme l’animus version grappin (même si je comprend ce choix dans le cadre d’un film pour expliciter les progrès que ferait le gars au travers de son avatar passe, comme Desmond l’avait fait dans les jeux grâce à Altair, Ezio, Connor ou Edward

Ethan
02/02/2023 à 22:55

C'est yvan

Mamar47
02/02/2023 à 21:47

Une bonnebserie b

Pulsion73
08/12/2021 à 23:29

jamais joué au jeu, et je n'ai rien compris au film. Cotillard est inexistante, absente. Le film est chiant, bordélique.

Matrix R
02/05/2021 à 15:51

Portez une critique à ce film, c'est déjà la respecter alors qu'il est une bouse un mépris pour les sens et la raison.


30/04/2021 à 01:50

les 3/4 des jeux de la licence sont aussi des accidents intergalactiques ...

RobinDesBois
29/04/2021 à 19:51

Je n'ai jamais joué aux jeux video donc je me fous de la fidélité au matériau d'origine j'ai trouvé le film divertissant et prenant. Dommage que cet acteur ne reçoive pas de propositions plus prestigieuses. En tout cas je suis déçu que le film n'ai pas fonctionné commercialement j'aurais bien aimé voir des suites.

Assassinschris
25/03/2021 à 17:21

Les commentaires sont ausi vieux que le film, les critiques aussi bonnes que lui et mes oreilles bourdonnent encore tellement le fond de musique dans cette adaptation est désagréable au point de me rappeler les vuvuzela pendant un match en a d sud ,heureusement que je suis pas sorti du bus lol

Fannel
23/03/2020 à 13:47

Warcraft et Prince of Persia avaient déjà de belles qualités (pas l'originalité, je vous l'accorde) pour briser la "malédiction"... Assassin's Creed reste une daube insultante pour tous les gamers ayant touchés un des titres JV. Ça me fait penser à Max Payne...

zetagundam
19/03/2020 à 20:34

Un film ridicule c.à.d. à l'image de son artefact la Pomme d'Eden qui n'est qu'une vulgaire boule de pétanque (et ce n'est pas une blague)

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