KAMIKAZE TEAM
Il faut approximativement quarante secondes pour réaliser que quelque chose cloche dans Suicide Squad. Dès son ouverture, le film de David Ayer étale copieusement la schizophrénie qui a présidé à sa conception. Après un montage quasiment dénué de sens introduisant Will Smith et Margot Robbie (seuls protagonistes « développés » du film, le reste de la team étant relégué à de la pure figuration), une nouvelle séquence débute afin de nous présenter Viola Davis… avant d’être interrompue à son tour par un prégénérique décousu, intégrant de nouveaux personnages, une esthétique criarde, et des éléments des séquences précédentes. Une structure absurde, dissonante, que strictement rien ne vient justifier.
Génial, c’est nous qu’on est développés !
En moins d’une minute, le spectateur se prend en pleine figure les principales tares de ce qui devrait rester comme un des pires films de super-héros jamais réalisés. Se combinent une réalisation totalement dénuée de saveur, une photo travaillée, mais terriblement terne, mutilée en postproduction à coups de filtres et d’effets fluo dont la mission est d’atténuer artificiellement la noirceur de l’ensemble. Le montage s’avère aussi illisible que ridicule, tentant de dupliquer à l’infini les accroches imaginées pour les bandes-annonces du film.
Le résultat est visuellement hideux, et narrativement catastrophique. La première demi-heure du film est un interminable clip, où nous est présenté chaque personnage, dans une suite de saynètes invariablement composées d’une punchline lourdingue, d’une situation banale et d’un tube pop manquant souvent de caractère.
On peut rencontrer le Joker dans la Trump Tower apparemment
BAD MOTHERFUCKER
On pardonnerait aisément à Suicide Squad, dont la mission est de divertir, sa mise en scène qui sent les dessous de vieux strip-teaseur et sa dégaine de clip de Booba remaké par des aveugles, si le métrage était véritablement fun. Mais la rumeur disait vrai, le film ne contient quasiment aucune trace d’humour, excepté celles découvertes dans le trailer.
Et encore, difficile de ne pas enrager en constatant qu’un grand nombre de vannes utilisées durant la promo sont absentes du film, comme si les reshoots commandés par Warner n’avaient eu pour seul but que de dissimuler un navet radioactif derrière un bel emballage. Pire, les rares traits d’humour réussis sont invariablement sabrés par le montage, qui souffre d’un tempo comique désastreux, singeant Les Gardiens de la Galaxie avec un sidérant mélange d’opportunisme et d’incompétence.
À la recherche du cinéma perdu
TOXIC AVENGERS
Le scénario étant parfaitement incompréhensible (si vous saisissez à quoi sert la Suicide Squad dans le film, ou pourquoi ce club de trépanés se transforme soudain en fonky family, on est preneurs), on prie pour que les comédiens sauvent la chose du naufrage terminal. Mais là aussi, l’ampleur du désastre est ahurissante.
Margot Robbie fait ce qu’elle peut, mais son personnage est écrit en dépit du bon sens. Elle doit composer avec une Harley Quinn qui alterne sans raison entre folie pure, blague méta et lutte des classes, sans le moindre souci de cohérence. De l’ingénue ultraviolente, amoureuse, sexy et meurtrière, on ne retient qu’une abominable tête à claques, aux punchlines terriblement artificielles. Will Smith se repose sur ses acquis et propose un Deadshot aux airs de Prince de Bel Air en pleine gueule de bois. Diablo est un mexicain échappé d’un sketch de Michel Leeb et comme à son habitude, Jai Courtney joue avec l’aisance d’un steak de tofu vinaigré.
Mais ce qui risque fort de ne pas passer, même auprès des fans hardcores du projet, comme de Warner et surtout de DC, c’est la partition du Joker. Non seulement Jared Leto est passablement mauvais, trop conscient de lui-même et limité par une partition trop mécanique, mais l’écriture de son personnage vire également à la catastrophe. Renvoyé au rang de piteux caméo (même pas cinq minutes de présence à l’écran), le Nemesis de Batman n’est finalement qu’un énième gangsta fragile – comme Killer Croc – et un indécrottable romantique.
Aaaaaah, Skyblog…
PÉTARD MOUILLÉ
Du côté de l’action, c’est également un cataclysme aux proportions bibliques. Non seulement toutes les scènes de baston se ressemblent et sont assemblées sans aucune notion de chorégraphie, d’espace, ni le plus élémentaire sens du spectacle, mais elles viennent cruellement souligner l’échec de la direction artistique.
Pas besoin d’être un génie cinéphile pour comprendre que David Ayer rêvait de rendre hommage à John Carpenter et aux Les Douze Salopards. Sauf que quand on délocalise New York 1997 dans un open space, et qu’on transforme des hordes de soldats belliqueux en méchants de Bioman (mention spéciale aux glaviots humains maquillés au goudron, qui fileraient une crise d’épilepsie à un aveugle), le résultat tient plus de la comédie involontaire que du grand spectacle.
De même, ne vous attendez pas à un blockbuster subversif ou incorrect. Deadshot est un papounet qui veut envoyer sa fille à la Fac, Harley Quinn est une amoureuse transie, comme Rick Flag… Bref, les motivations des personnages feraient passer Captain America : Civil War et Avengers : l’Ère d’Ultron pour des sommets de noirceur intersidérale.
Bravo l’équipe déco, quelle inventivité
Le mélange corrosif entre les exigences du studio, les souhaits de son réalisateur, la tentative désespérée de transformer un film de commando vénère en comédie familiale et une orientation globale mue par des lignes comptables, jamais centrée sur le plaisir du spectateur, auront transformé cet excitant projet en nanar toxique.
Mais plus que tout, l’échec historique de Suicide Squad (qui réhabilite instantanément Les 4 Fantastiques) prouve le grand trouble dans lequel est plongé la maison Warner, incapable avec Batman v Superman : L’Aube de la justice de promouvoir un excellent film de super-héros, et manifestement tout aussi incapable d’accoucher d’un divertissement léger et régressif.
Ouch, ça c’est de l’atomisation.
en voici une critique négative dit donc… Eclairage êtes vous payer par MARVEL/DISNEY pour descendre en flèche les film DC/WARNER?
Vu qu’on fait partie des rares à beaucoup aimer Batman V Superman…
Non.
Et Disney ne paie personne.
Note à tous ceux qui pourraient hurler par principe et gesticuler dans un extrême ou un autre :
EL a défendu Batman v Superman, envers et contre tous.
EL ne défend pas aveuglément tous les Marvel, et ne prend pas de pincettes pour les descendre quand nécessaire.
(Et pendant que j’écrivais, quelqu’un a eu le temps de justement venir accuser le site d’être payé par Marvel pour attaquer DC… Cet « argument » a une date de péremption ou bien ?)