La Mort vous va si bien : Critique
Schéma classique : alors qu'il entame les années 90 avec la sérénité du cinéaste couronné par quatre succès populaires consécutifs et conséquents (voir les deux premiers Retour vers le futur), Robert Zemeckis considère que sa position lui offre une marge d'erreur suffisante pour se risquer à écorner son image d'entertainer tout public.
Refus de se laisser cataloguer ou désir spontané d'explorer d'autres facettes de sa personnalité artistique, toujours est-il que La mort vous va si bien dévoila un goût pour le macabre d'un réalisateur qui, à l'instar de Steven Spielberg, n'a jamais cessé de distiller une vision tourmentée de la vie derrière sa façade de genre idéale (toute la complexité de leur découpage respectifs en somme).
Rétrospectivement, si cette incursion de Zemeckis dans le trash décomplexé (que l'on retrouvera, sous une forme différente, dans La légende de Beowulf et Le drôle de Noël de Scrooge) offre effectivement un certain contraste avec sa filmographie antérieure, et produit des élans de vaudeville déglingué assez jouissif, elle ne constitue pas pour autant la partie la plus intéressante du projet.
De fait, l'intérêt de La mort vous va si bien se situe dans la manière dont Zemeckis se réapproprie les codes formels et narratifs du slapstick (voir les postures discrètement outrancières de Bruce Willis, toujours à son meilleur lorsqu' il s'agit de camper les losers alcooliques) pour dynamiser sa mise en scène à l'aune de son propos (les propriétés du corps face à l'immortalité, l'incapacité du temps à figer les destinées de chacun) et des outils convoqués pour le mettre en image (les effets numériques, révolutionnaires pour l'époque). Bien épaulé par un scénario rigoureusement structuré, La mort vous va si bien témoigne de la créativité effervescente d'un auteur se plaisant à repousser le médium dans ses retranchements. Ainsi, par sa mise en scène dont la dimension théâtrale parfois ostentatoire n'a d'égal que la densité scénographique, Robert Zemeckis embrasse un projet de cinéma couillu, dont le ludisme et un aspect par instant à « huit-clos » s'entremêle avec une virtuosité narrative de chaque instant.
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(3.0)