Critique : Etudes sur Paris

Après avoir réalisé La Croisière jaune en 1934, André Sauvage quitte le cinéma. Ce film, documentaire qui retrace une difficile expédition en Asie, l'a laissé sur le carreau. Ne partageant pas les perspectives colonialistes de Citroën qui parrainait le voyage, ni les vues de Pathé-Nathan, le producteur, qui y vît un désastre, fût mis à l'écart puis oublié. Or, ce cinéaste important fût l'une des grandes figures artistiques des années 1920. Proche des avant-gardes, il s'était déjà fait remarqué par plusieurs de ses films, ouvrages ou toiles.

Parmi les œuvres les plus importantes figurent ses Etudes sur Paris, documentaire magnifique, qu'on a longtemps cru mutilé mais qui a fini par être restauré. Sans aller vers une recherche esthétique en terme de montage ni à impressionner en montrant les ouvrages colossaux de la ville, il se situe au croisement de plusieurs œuvres marquantes de l'époque comme Berlin, symphonie d'une grande ville de Walter Ruttman ou L'Homme à la caméra de Dziga Vertov. Toutefois, l'ambition de Sauvage est d'abord ici de montrer Paris, de rejoindre l'extérieur et de d'atteindre une dimension plus naturaliste, voire ethnographique. En ce sens, et même s'il n'a filmé Paris que pendant un temps limité, dans un voyage qui le conduit sur les rives, et dans chaque quartier, même les plus populaires et pittoresques, son film est le pendant idéal des photographies d'Eugène Atget. Image d'un Paris en mouvement, d'une ville qui bouge et où toutes les classes sociales sont représentées.

Son désir de montrer des petits métiers, des lieux anodins, des individus comme les autres, fait de lui un véritable poète du quotidien. Et, à voir ses plans sur une péniche ou dans le Paris marin, on serait étonné si Jean Vigo ne s'en était pas inspiré pour L'Atalante. De plus, aujourd'hui, revoir Paris dans cet état est un témoignage d'une valeur inestimable.