Critique : Detention

Simon Riaux | 8 août 2012
Simon Riaux | 8 août 2012
À l'heure où le premier film venu se prétend méta, où le post-modernisme fait office de summum du cool, c'est avec un certain scepticisme que l'on accueille Detention, humble direct to video qui entend rien moins que dynamiter les standards de la pop culture. Sauf que son metteur en scène, Joseph Kahn, n'est pas n'importe qui. Clippeur brillant sacrifié par les studios, qui le mirent aux commandes du catastrophique Torque, il connaît parfaitement les codes qu'il souhaite détourner, mais également l'idéologie et la logique à l'origine de leur domination culturelle. Sous ses airs de tâcheron en quête de rédemption se cache bien plus qu'un énième petit malin nourrit au second degré et au sarcasme, Kahn pourrait bien être le grain de sable capable de pulvériser la mécanique hollywoodienne.

Il y a tout dans Detention. Des pom-pom girls psychorigides, des profs vicieux, des binoclards mégalomanes, des tueurs patentés, et j'en passe. Ce beau monde se retrouve propulsé à la vitesse de la lumière dans un imbroglio qui pioche pêle-mêle dans tous les genres archi-usités du film de genre nord-américain, avec un mauvais esprit des plus réjouissants. Quand les premières minutes laissent craindre un gloubiboulga frénétique voire indigeste, on réalise rapidement que si le métrage sera particulièrement exigeant en terme d'attention, il s'avère d'une rigueur et d'une qualité d'écriture tout bonnement exceptionnels. C'est avec bonheur que l'on réalise que chaque arc, le moindre pavé lancé dans la mare de la narration, se verra bouclé, assumé, transformé en climax surréaliste.

Cette folie, cette inventivité de tous les plans sont les symptômes de ce qui se joue à l'écran à savoir l'avenir de Joseph Kahn, qui lança ses derniers deniers dans la production du film. L'urgence qui en émane, et la conscience que l'œuvre en question pourrait bien être la dernière de son auteur nous étreint avec une force incomparable. Il est bien question ici pour le réalisateur de créer une œuvre somme, qui fasse le point sur son univers la pop culture, transcende le tout et l'amène jusque dans ses ultimes retranchements. Plus qu'à un teenage movie déviant et branchouille, c'est bien à un véritable acte de foi qu'est convié le spectateur.

D'où une totale absence de cynisme et un amour immodéré du cinéma qui ne pourra que bouleverser les fondus de pelloche. La variété des plans, la technicité de leur découpage, l'aspect protéiforme de cette mise en scène foutraque ébahissent littéralement, et parviennent à demeurer un tout remarquablement cohérent. Finalement, le défaut principal du film n'est que le revers de son immense richesse à savoir une ambition qui se traduit par une densité visuelle et scénaristique qui frise parfois l'indigestion épileptique. Un écueil que l'on pardonnera aisément, tant il est intrinsèquement lié à la genèse de l'entreprise, à la hargne qui transpire de chaque photogramme.

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