Critique : Carlos

Sandy Gillet | 20 mai 2010
Sandy Gillet | 20 mai 2010

Présenté au 63ème Festival de Cannes en séance spéciale, Carlos arrivait sur la Croisette précédée d'une polémique qui voulait qu'un film de télévision ne pouvait décemment pas intégrer le plus prestigieux des festivals de cinéma. C'est sur l'impulsion de son Délégué Général Thierry Frémaux et ce malgré les réticences de son président Gilles Jacob que cette « création originale » Canal+ a pu donc être montrée d'une traite (5h30 tout de même faut-il le rappeler) dans la plus belle salle de cinéma au monde dixit son réalisateur Olivier Assayas lui-même.

Preuve s'il en est pour dire avec raison que la frontière entre télé et cinéma s'estompe de plus en plus, cette projection cannoise a aussi eu le mérite de faire bouger les lignes d'une production française trop conventionnelle (pour ne pas dire sclérosée) et arcboutée sur des schémas de travail dépassés. En cela on ne peut que s'incliner encore et encore devant l'équipe créée et dirigée par Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction française à Canal+. Depuis près de 10 ans maintenant il a initié et développé avec succès au sein de la chaine cryptée des créations télévisuelles toujours plus abouties et axées essentiellement sur l'originalité, l'intelligence et l'exploration de contrées peu visitées en télé mais aussi au cinéma. On se souvient par exemple de l'extraordinaire Nuit noire sur la répression ultra violente et restée peu diffusée dans les médias d'une manifestation pro algérienne à Paris le 17 octobre 1961, du non moins réussit Opération Turquoise sur l'intervention française au Rwanda ou encore des séries que sont Braquo ou Engrenages...

Bref, que du bon qui peut se voir comme une déclinaison enfin tangible au système US qui a depuis longtemps su intégrer tout le potentiel des multiples passerelles entre la télé et le ciné. Cette réalité prend forme ici avec le transfert d'Olivier Assayas sur le médium qui dit avoir fait un film de cinéma impossible tourné en Scope et 35mm : « D'abord à cause de sa longueur : le cinéma ne tolère pas une durée de 5h30 (...). On m'aurait aussi demandé, pour un financement de ce type, des acteurs avec une certaine notoriété. La télévision, en tout cas cette télévision-là, me donnait donc une plus grande liberté que le cinéma. C'est paradoxal : pour moi, peut-être à tort, la télévision c'était le monde de la contrainte et de la convention. Et là, à l'inverse, j'ai eu l'impression de faire du cinéma au carré : un cinéma avec une liberté de durée, de casting, de langue, une liberté de ton aussi ».

Carlos est donc d'abord un film de cinéma qui peut se voir sur sa télé en respectant une pause plus ou moins longue entre ses trois parties. C'est que la richesse des informations, la maestria d'une mise en scène qui précède son personnage toujours en mouvement et le style entre documentaire et fiction donnent très vite le tournis. Et de se dire à la fin que le tout aurait pu durer 5 heures de plus sans que l'on ait eu à crier au scandale. C'est tout le paradoxe schizophrénique de ce biopic alternatif qui a pour lointains modèles Scarface ou Le Parrain : on en redemande alors que sa vision peut-être éprouvante du fait de sa très grande richesse scénaristique à ingurgiter au pas de charge.

Ce qui implique donc une deuxième vison depuis son canapé afin d'apprécier comme il se doit un casting d'exception (l'acteur Edgar Ramirez dans le rôle titre en tête) et une mise en abime passionnante de l'Histoire récente. Bravo et à l'année prochaine pour cette fois-ci une sélection en compétition officielle ?

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