Critique : Woodstock

Julien Foussereau | 13 août 2009
Julien Foussereau | 13 août 2009

40 ans après Woodstock, que reste-t-il de cette génération désireuse de bousculer l'ordre établi d'une société conformiste et uniformisatrice ? Peu de choses, serait-on tenté de soupirer. C'est justement pour cela qu'il faut célébrer la clairvoyance de Michael Wadleigh d'avoir enregistré sur pellicule ce rassemblement fabuleux et providentiel.

 

Mais il n'eut pas seulement le nez creux, il pensa aux copains en réalisant un documentaire ultra sensoriel, à la fois souvenir pour les présents et expérience immersive pour les absents. Notre génération entendit parler du festival Woodstock comme un mythe, un temps si lointain et si proche à la fois, pendant qu'elle regardait dépitée à la télé les lamentables tentatives de revival de 1994 et de 1999 surtout par MTV, Pepsi et consorts.

 

Que l'on soit issu de la génération X, Y ou Z, Woodstock, 3 jours de paix et de musique nous renvoie comme rarement à cet été 1969, celui des possibles alternatifs. Wadleigh multiplie autant les fenêtres à l'intérieur du cadre que les points de vue, qu'ils soient musicaux, triviaux, sociologiques ou politiques. Il sort le split-screen de son statut de gadget et offre une plongée vertigineuse dans un élan de spontanéité et de sincérité, capable de désamorcer les montées cyniques nourries par nos sociétés blasés.

 

Car, il faut l'admettre, Woodstock était un sacré bordel : entre les avaries techniques, la surpopulation (50 000 personnes attendues... 450 000 au final), la météo atroce qui manqua de court-circuiter les installations électriques, le manque de tout et surtout de produits de première nécessité, etc. Et pourtant, aucun drame à déplorer. Juste de la bonne humeur... et de la putain de bonne musique.

 

Wadleigh sut capter le meilleur de ce qui se joua sur les collines de Bethel, New York : un badaud sur le set de Canned Heat communiant avec le chanteur massif, l'énergie folle des Who, Janis, totalement défoncée et géniale, le jam session énorme de Ten Years After. Une belle programmation d'artistes juste heureux d'assister à un évènement historique, oubliant leurs carrières l'espace d'un week-end.

 

 Puis, il y a Jimi Hendrix et sa prestation hors-normes, le clou du spectacle enfin rétabli dans son intégralité. Là, le plus grand guitariste donne ses lettres de noblesse à la Fender en retravaillant l'hymne américain, taillant le son en direct pour faire écho à la présence américaine au Vietnam. Ces vingt minutes, presque un film dans le film, font apparaître un dieu vivant dont le jeu de scène et sa façon de vivre la musique valent tous les blockbusters.

 

Plus grosse tête d'affiche, il clôturait Woodstock en clamant : « Faudrait qu'on remette ça ! » Hélas, ce ne fut pas le cas : il disparaissait un an plus tard tandis que le mouvement hippie se désintégrait peu après. Woodstock fut une parenthèse enchantée, une stase magnifique d'entraide et de fraternité comme on n'était pas près d'en revoir, un concentré d'humanité entière et un brin excessive qui avait tout compris des dangers du capitalisme sauvage et des désastres écologiques à venir.

 

40 ans après, que reste-t-il de Woodstock ? Peu de choses, en effet. Juste le souvenir d'un superbe week-end où un demi-million de personnes se sont dits qu'il serait cool de vivre autrement, que le fric ne faisait pas tout, etc... Ouais... faudrait VRAIMENT remettre ça.

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